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Le talent est une fiction, Samah Karaki

Le talent est une fiction, Samah Karaki 2023 : Un livre renseigné et accessible, qui déconstruit les mythes du talent, de la réussite et du mérite.

Le talent comme fiction

C’est un fait, de nos jour aucune donnée scientifique probante ne nous permet d’affirmer le talent comme capacité innée. Comme bon nombre de croyances profondément ancrées dans l’inconscient collectif, il n’est pas toujours facile de renoncer à cette fiction. 

Néanmoins, invoquer un ingrédient unique, parfois considéré comme “magique” pour expliquer que certains échouent quand d’autres réussissent a des conséquences sociales terribles, creusant les inégalités.

Je n’oserais donc emprunter l’expression “talentueuse” pour qualifier ici l’argumentation magnifiquement menée par la docteure en neuroscience, Samah Karaki.

S’appuyant sur les dernières données de la recherche, l’auteure déconstruit cette croyance, cette fiction que représente le talent sans pour autant s’interdire d’admirer certaines prouesses ou nier l’impacte héréditaire.

Grâce à cet essai, nous avons un accès direct aux clefs pour nous extirper du mythe et nous rapprocher du réel, mais pour reprendre les mots de la créatrice du Social Brain Institute : « il existe aussi une forme de magie dans le réel. »

Le talent est une fiction, Samah Karaki 2023

Réductionnisme de dispositions personnelles

Nous invoquons très souvent le talent quand nous renonçons à comprendre, sidérés par des compétences qui nous dépassent, le réductionnisme s’impose souvent dans notre quête de sens.

Quand les chercheurs se penchent sur la notion de talent, ils adoptent souvent des positions extrêmes pour l’expliquer. Certains défendent les vertus de la pratique (10 000 heures de pratique pour devenir un expert dans un domaine, Ericsson, K.A. 2009), d’autres invoquent la sacro-sainte génétique ou encore l’état d’esprit (le fameux « mindset » des vainqueurs) et en particulier la volonté “le grit” tant vantée par les livres de développement personnel. 

En sommes, toutes ces théories soutiennent que la réussite dépend majoritairement de dispositions personnelles.

Samah Karaki, nous explique en quoi ces paradigmes se construisent tous sur le socle d’une erreur fondamentale d’attribution commune et en quoi cela ne peut conduire qu’à un écart injuste entre les populations

En effet, ce n’est pas une nouveauté, l’être humain a cette fâcheuse tendance à se sentir séparé de la nature et du monde qui l’entoure

Article associé : https://gammacoachinghypnose.com/le-bug-humain-sebastien-bohler

Les capacités individuelles aident probablement à aller de l’avant, néanmoins l’équation de la réussite n’est pas si simple. En brisant le cadre de diverses formes d’impérialismes disciplinaires et notamment le “réductionnisme biologique”, il en résulte que le talent se construit davantage par la combinaison de multiples facteurs (individuels et structurels) qui font la différence.

D’après l’autrice, “le développement humain ne se produit pas dans le vide. Les chances de réussites des gens dans la vie sont en fait moins déterminées par leur talent inné, leur travail acharné, leur état d’esprit, que par leur point de départ au sein d’une structure existante d’inégalité d’heritage, de discrimination et de variation des opportunités.”

Repenser la méritocratie

Il est vrai que ce qui passe bien souvent pour du talent est probablement, au moins en partie, le résultat d’un accès différentiel à des formes de capitaux culturels, et sociaux ainsi que le reflet d’une éducation plutôt que de dispositions uniquement personnelles.

Cette dernière position sous tend l’idéologie dominante de la méritocratie qui, sous des aires de “justice”, a tendance à surestimer les facteurs individuels et à sous-estimer les facteurs structurels et hasardeux (signification affective, héritage socio-économique, système de pensée, soutien des pairs, lieu et mois de naissance, apparence physique, genre, etc…). Selon l’auteure, la méritocratie devient aujourd’hui un dispositif qui vise à transformer des micro-différences en macro-distinction entre ceux qui réussissent et les autres.

En explorant les mythes qui sous-tendent notre rapport au mérite, Samah Karaki nous invite à repenser urgemment et avec humilité, la manière dont nous nous comprenons nous-même et les autres notamment à l’école et dans le monde du travail.

“Mon objectif est d’apporter un contexte théorique en incorporant les sciences génétiques et les sciences cognitives dans ces sujets communément associés aux sciences sociales tels que l’impact de la culture ou du statut socio-économique sur le développement des talents et les chances de réussite.”

Vers une vision systémique

Ce thème du talent, comme beaucoup d’autres, devient une invitation à repenser le monde en mettant en exergue ce besoin crucial de vision globale et systémique.

Un essai très Spinoziste qui, dans une forme de déterminisme complexe, place néanmoins une liberté dans la capacité de revenir sur nos apprentissages pour les remodeler de manière plus adéquate. 

Pour tenter de réaliser cela, encore faudrait-il arrêter de sans cesse rentrer dans une compétitivité avec nos semblables et renoncer à considérer la société comme un terrain de jeu à sommes nulles où le gain d’une personne aurait pour conséquence la perte pour les autres. 

La triste réalité évoquée à travers cet essai réside pour moi dans cette phrase, que j’ai trouvé profondément bouleversante : 

“Croire que notre mérite découle de nos talents et de notre travail personnel encourage l’égoisme, la discrimination et l’indiférence face au sort des autres.” 

Déconstruire alors ces récits vaniteux qui ouvrent la porte aux dénigrement d’autrui exige un effort collectif urgent afin de réajuster notre considération de la valeur humaine. Cela signifie de repenser la façon dont nous concevons l’estime de soi (arrêter de réduire un être à ses réalisations ou ses diplômes) et d‘interroger finalement la source de nos motivations, de nos moyens et de nos croyances. 

Article qu’il peut être intéressant de lire pour comparer les deux philosophies de ces deux livres (notamment sur le mindset):

(Croire) Pouvoir c’est vouloir

Nous avons l’habitude d’entendre et de dire que vouloir c’est pouvoir, après ces quelques pages, il est plus légitime de modifier l’adage en : croire pouvoir, c’est vouloir… Et par ce simple renversement de paradigme, il est possible que de nombreux changements s’opèrent.

Sans nier l’influence de l’hérédité sur les aptitudes, Samah Karaki ne prétend pas, à l’image de certain gourou du bien-être, que tout le monde est capable de tout, mais invite à renoncer à la course à la performance immédiate pour nous pencher davantage sur la maîtrise, les réalisations collectives, la liberté et le plaisir.

J’ai eu grand plaisir à lire ce livre, bien que j’observe quelques petites divergences d’opinions sur certains points, celui-ci m’a permis de remettre bon nombre de mes croyances en question et d’en sortir enrichi. L’écriture est très plaisante, claire et abordable pour tous. 

J’ai énormément apprécié le mélange des disciplines et auteurs pour illustrer les propos, beaucoup de références nous sont transmises, histoire, philosophie, anthropologie, sciences sociales et évidemment neurosciences servent de points d’appuis à l’argumentation, avec beaucoup de sources à la clef.  

Si ces sujets vous intéressent, je vous invite vivement  à vous procurer ce livre passionnant : 

https://www.editions-jclattes.fr/livre/le-talent-est-une-fiction-9782709669382/ .

Sylvain Gammacurta

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