Je vous présente aujourd’hui les idées générales de l’excellent livre : « Le bug humain, de Sébastien Bohler » que j’espère vous aurez envie de lire par la suite. Cette article se compose également de quelques commentaires, ajouts et analyses de ma part, bonne lecture.
Livre édité chez Robert Laffont.
Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher.
Nous sommes peut-être la dernière génération qui vivra dans l’opulence, la santé et la consommation sans frein. Voilà qui est dit, dès la première ligne de cet ouvrage que je qualifierai volontiers d’utilité publique.
Sébastien Bohler est un journaliste, conférencier, créateur de la revue Cerveau & Psycho, il est en outre titulaire d’un DEA de pharmacologie moléculaire et cellulaire puis d’une thèse de neurobiologie.
Au début du livre l’auteur nous confie l’anecdote de sa thèse de neuroscience qui consistait à faire se multiplier des bactéries dans un tube contenant un liquide riche en sucre. En quelques heures à peine les bactéries avaient proliféré et utilisaient toutes leurs ressources disponibles, les conduisant à leur fin.
Si les grands décideurs faisaient un stage de culture bactérienne, ils prendraient conscience de ce que signifie la surexploitation des ressources dans un milieu limité.
Comment se fait-il alors que l’être humain, ayant davantage de plomb dans la cervelle que ces micro-organismes, se trouve aujourd’hui dans une situation similaire nous conduisant tout droit à l’hécatombe.
Au chapitre des civilisations disparues pour avoir surexploité leur environnement, nulle autre que la société de l’île de Pâques n’illustre mieux le principe de dépassement de capacités porteuses. (Petit bémol cela dit sur ce sujet car malheureusement l’auteur ne parle guère de l’hypothèse sur la colonisation de l’île par les Européens qui auraient probablement amené avec eux des maladies auxquelles les autochtones n’avaient jamais été confrontés…)
Quoi qu’il en soit l‘épuisement des ressources naturelles est une réalité et cela est proche d’entraîner de nombreuses catastrophes.
Pour en savoir plus se référer à l’article sur le livre d’Aurélien Barrau .
Nous le savons mais n’agissons pas
Tout se passe comme si notre intelligence était impuissante, dominée par des processus plus profonds. Ce sont ces processus qui sont expliqués et analysés à travers les pages de cet ouvrage.
Il faut en finir avec la vision d’un esprit humain cohérent, maître de son destin et capable d’agir par la force de la raison.
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. »
Cette phrase de R.Descartes, en ouverture du “Discours de la Méthode”, pleine d’ironie, introduit l’idée que les hommes qui sont contents d’eux-mêmes, qui se satisfont de leur raison sans jamais l’interroger ou la mettre en cause font probablement fausse route.
Pour certaines parties primitives de notre cerveau, la raison et le futur ne comptent pas. Lorsqu’une future récompense est annoncée, certains neurones s’activent dès ce moment (travaux de Wolfram Schultz) , néanmoins la force de décharge de dopamine dépend grandement du délai qui sépare l’annonce de la récompense de sa venue effective. Plus le délai est long, plus la réponse anticipatoire est faible.
Biologiquement, nous sommes majoritairement fait pour penser ainsi : “quand l’avenir est incertain, mieux vaut se saisir de ce qui se présente à nous tant que nous en avons l’opportunité.”
Ce système de dévalorisation temporelle est donc au cœur de nos choix et constitue de nos jours la problématique majeure de notre propre survie et de notre planète.
Le striatum
Certaines régions du cerveau ont la forme d’une amande telle que l’amygdale, la plaque tournante des émotions, d’autres archées comme l’hypothalamus qui régule la faim, la température ou les désirs sexuels. Le cortex préfrontal est impliqué dans la motivation et la focalisation de l’attention, l’hippocampe régulateur de la mémoire, quant au noyau accumbens, il jouerait un rôle d’interface entre les émotions et les sorties motrices.
Au centre de tout cela on trouve le striatum qui motive tous ces comportements.
Quand un comportement se traduit par de meilleures chances de survie ou de transmission des gènes, le striatum est inondé de dopamine et donc renforcé (conditionnement opérant).
Encore plus bas que le striatum dans le cerveau, à la limite de la moelle épinière qui régule nos réflexes primaux et certaines fonctions végétatives comme la respiration, se trouve un petit groupe de neurones rassemblés dans une petite poche qui porte le nom d’aire tegmentale ventrale, là où est fabriquée la dopamine.
Sans neurones à dopamine nous n’aurions plus d’envie et nous nous laisserions probablement mourir de faim en très peu de temps (Szczypka, Rainey, Kim, Alaynick, Marck “feeding behavior in dopamine-deficient mice”.) par le biais de ce que les neurologues désignent de “perte d’autoactivation psychique” (Laplane).
Les neurones se composent d’un corp d’aspect sphérique contenant un noyau où siège l’information génétique sous forme d’ADN, et de deux types de filaments : des antennes postérieures qui captent les informations nerveuses venant d’autres neurones et une antenne projetée vers l’avant qu’on appelle axone qui s’étend très loin vers d’autres régions cérébrales.
L’air tegmentale ventrale est constituée d’un groupe de neurones localisé dans le mésencéphale. Une majorité de ces neurones produisent le neurotransmetteur dopamine, alors que d’autres produisent du GABA ou du glutamate.
Grâce à ces axones, les neurones de l’air tegmentale ventrale se connectent à trois autres zones profondes du cerveau :
- Le noyau accumbens
- Le noyau caudé
- Le putamen
Ces trois zones forment le striatum. Communiquant entre elles principalement par le biais de la dopamine, ces quatre régions décident de beaucoup de choses dans le cerveau, innervant pratiquement toutes les régions du cortex où siègent la raison, l’esprit de planification, d’organisation, d’abstraction et même la mémoire.
Il faut savoir qu’en premier lieu le cerveau humain est programmé pour poursuivre quelques objectifs essentiels, liés à sa survie à brève échéance.
Au-delà du cortex, une partie primitive de notre cerveau appelé le striatum à pour seul but la poursuite de 5 objectifs fondamentaux :
- Le premier est de se nourrir : Depuis l’âge de pierre, l’homme doit chercher son alimentation, et ça n’a pas toujours été facile. Ceux dotés d’un striatum développé étaient ceux qui s’alimentaient le mieux et recevaient à chaque réussite une bonne dose de dopamine via les circuits de la récompense. Manger plus que de raison est un signal qui à très certainement eu un intérêt primordial à des époques ou les denrées alimentaires n’étaient pas à portée de main.
- Le deuxième est la reproduction. A chaque rapport sexuel, le même schéma dopaminergique est mis en place. Par le passé, dans l’optique de transmettre nos gènes, le striatum (en particulier celui de l’homme) à mis en place le système du “toujours” plus afin d’être certain d’avoir une descendance et le plus possible vis à vis des autres « mâles« .
- Le troisième est la recherche d’un statut social élevé. Le striatum libère de la dopamine quand on a un sentiment de pouvoir. Ce point est d’autant plus accentué que les positions de pouvoir, d’avoir plus que les autres, permettaient de satisfaire les deux objectifs précédents : alimentation en plus grande quantité et rapports sexuels facilités.
De nombreuses recherches anthropologiques démontrent (pour le sexe masculin) une corrélation entre statut social élevé et relation sexuel.
- Le quatrième est la recherche d’informations. Les hommes du paléolithique devaient être très attentifs à chaque information s’ils voulaient survivre (traces de pas, présence de danger dans une zone spécifique, sons, information transmise par ses congénères etc…).
Notre cerveau est aujourd’hui en quête d’informations et reçoit une dose de dopamine lorsque nous en recevons (réseaux sociaux, actualité, commérages…)
- Enfin, le cinquième objectif est la minimisation des efforts. Chaque fois que l’être humain a la sensation de s’être préservé, la dopamine est libérée. Certains neurones ont pour objectif de réaliser la mesure du rapport entre le coût et le bénéfice, qui est la seule grandeur pertinente au point de vue de la survie de l’organisme.
Les neurones du striatum, qui charrient de la dopamine et du plaisir en réponse à tout comportement tourné vers la survie sont primordiaux et contrarient bien souvent nos prévisions sur le long terme.
La stimulation électrique de l’aire tegmentale ventrale induit en fait une libération de dopamine dans une région précise du circuit de la récompense appelée noyau accumbens.
On a depuis montré que toutes les récompenses, qu’elles soient des substances naturelles ou des drogues, mais aussi des comportements, entraînent une libération rapide et massive de dopamine par les terminaisons dopaminergiques.
Ces neurones ont des propriétés fascinantes d’un point de vue évolutif, en condition “normale” ils émettent un signal électrique toutes les secondes. On dit qu’ils « déchargent » à une fréquence de 1HZ.
Par contre quand nous percevons ou juste prévoyons une récompense dans l’environnement ils accélèrent leur décharge à une fréquence qui peut atteindre 10HZ, soit dix fois plus. On comprend mieux par ce processus l’accoutumance que peut développer certaines substances « addictives » : https://gammacoachinghypnose.com/hypnose-pour-arreter-de-fumer.
Bien évidemment le cerveau humain possède également un cortex, nous aidant à déployer notre intelligence. Celui-ci est si étendu qu’il a dû progressivement se compacter dans sa boîte crânienne, acquérant cette forme plissée caractéristique.
Parler, imaginer ce que pense autrui et fabriquer ensemble des outils, tels sont les piliers du développement de technologies hyper perfectionnées, un processus sans limite qui a conduit à la “maîtrise” du monde et plus récemment à sa mise en danger.
Néanmoins, le cortex n’est qu’une arme entre les mains de son propriétaire qui décide de l’usage qu’il faut en faire et des buts qu’il va s’agir de concrétiser et ce propriétaire est le striatum.
Ce noyau cérébral profond s’est transmis à travers les âges, se révélant indestructible, car sans lui il n’y a point de survie.
L’homme est doté d’un encéphale volumineux d’environ 1400 cm3, comptant 100 milliards de neurones et environ un million de milliards de connexions appelées synapses, il est composé d’un cortex surdimensionnée qui s’est largement développé depuis un million d’années. Ce cortex est aujourd’hui capable de procurer au striatum presque tout ce qu’il désire, parfois sans effort et à aucun moment il ne lui viendrait l’idée de se limiter et c’est ici que se forme l’un des plus gros défauts de fabrication de notre cerveau.
Comme bien souvent lors d’un problème systémique, la tentative de solution au problème renforce le problème.
Maîtrisant toujours plus de technologies pour assouvir nos besoins, nous sommes “incapables” de nous modérer grâce et à cause des structures profondes de notre cerveau qui ont fait le succès de notre espèce.
Les réseaux sociaux et les adolescents
Les réseaux sociaux titillent une fibre très sensible de notre cerveau : l’estime de soi.
Ce concept désigne l’opinion que chacun d’entre nous entretient à propos de soi-même. Ce sentiment d’amour-propre et de considération dépend en partie de la confiance que nous ont donnée nos parents et plus tard nos réussites personnelles mais aussi du regard que les autres portent sur nous.
C’est là que les réseaux sociaux ont trouvé un moyen implacable d’envahir nos vies, car il ne cessent de nous soumettre au regard des autres. Facebook et Instagram, c’est la comparaison sociale sans limite…
Le striatum raffole de cette “bourse du moi”, pour reprendre l’expression du philosophe et professeur de psychologie Carlo Strenger.
Les adolescents sont particulièrement démunis face aux situations comportant des enjeux sociaux.
Vers l’âge de 14-15 ans, les parties du striatum sont en plein développement, ce qui se traduit par un éveil du désir sexuel mais aussi une forte sensibilité aux questions de statut social. Les parties aptes à modérer n’arriveront à maturité que plus tard vers 21 ans environs, pourvu que les figures tutélaires (parents, éducateurs, modèles…) les aident à se développer en apprenant à l’adolescent à se responsabiliser.
Le problème majeur d’internet étant qu’il est aujourd’hui possible d’avoir l’illusion d’un statut social élevé, d’avoir des relations (parfois même sexuelles) d’être inondé d’informations et de pouvoir commander à manger sans avoir à faire le moindre effort, ce qui correspond en tout point au besoin primitif du striatum.
Plaisir, pouvoir et domination
En 2016, l’OMS livrait un rapport selon lequel on meurt plus sur Terre aujourd’hui de suralimentation que de dénutrition.
Chez l’homme, la vue de photos érotiques ou de vidéos pornographiques activaient fortement le striatum.
Ces dernières années, les scientifiques ont découvert que la fonction du striatum était au moins autant de procurer du désir que du plaisir, cette région s’activant surtout pendant la phase d’anticipation du plaisir à venir, comme si elle poussait hommes et animaux à faire tout ce qu’il faut pour l’obtenir.
Dans des expériences, on s’est aperçu que les personnes dont le noyau accumbens s’activait le plus fortement à la vue de photos érotiques avaient, au cours des mois et des années qui suivaient, le plus grand nombre de partenaires sexuels.
Autant d’éléments qui laissaient à penser que le système de récompense était surtout un système d’incitation.
La nature récompense le désir : celui qui veut plus obtient plus.
Logiquement, cette compétiton sexuelle selectionne les systèmes de récompense les plus avides de sexe, mais tout à changer il y a une trentaine d’années avec l’irruption d’internet et des écrans en faisant rentrer des photos ou vidéos accessibles en quelques cliques renouvelables à l’infini.
Le sexe n’est plus résérvé à ceux gagnant la course de l’évolution mais à tout le monde désirant gaver son noyau accumbens d’images incitatives, faisant du même coup l’industrie du porno la première industrie du Web.
Au moment où vous lisez ces lignes, 28 000 personnes sont en train de visionner du porno, majoritairement des hommes, par des processus biologiques évolutionnistes évidents.
Que ce soit pour le sexe comme pour la nourriture, l’oppulance est de mise, le problème n’est plus la quantité mais de savoir s’arrêter.
(« Les chatons semblent activer notre cerveau de la même façon que les bébés car ils présentent les mêmes caractéristiques similaires, que les psychologues appellent néoténiques.Les formes néoténiques d’un visage sont un petit nez, un petit menton, de grands yeux et un grand front… Plus un visage est néoténique, plus il suscite des comportements de protection, ce qui a probablement joué un rôle essentiel dans la survie de notre espèce. » Voila pourquoi nous pouvons rester des heures à regarder des vidéos de chat sur internet.)
Mais cela ne s’arrête pas là, la fascination pour les célébrités ou les équipes de sport par exemple est un trait caractéristique des primates, qui se manifeste déjà bien avant l’émergence de l’humanité. Elle révèle une affinité puissante du cerveau pour tout ce qu’il se passe en termes de hiérarchie et de comparaison sociale au sein d’un même groupe.
Le fait de voir gagner un individu dans une compétition entraîne une stimulation positive pour le cerveau et nous incite à redoubler d’attention.
On apprend également en étudiant l’anthropologie et l’histoire des multiples guerres que beaucoup d’entre-nous sont probablement des décendants directs de viols, inscrivant dans nos gènes cette vocation à vouloir toujours plus de pouvoir, le pouvoir renforçant littéralement le striatum.
Savoir repérer avec acuité et fiabilité les leaders a probablement été une condition de survie dans notre passé évolutif, ce qui compte c’est de monter dans la hiérarchie.
Et nous passons notre temps à nous situer par rapport aux autres, ce phénomène est appelé la comparaison sociale.
Les recherches en anthropologie dévoilent que les hommes de statut social élevé ont généralement plus de rapport sexuels et plus de partenaires que les hommes de statut socio-économique moins élevé.
Ces mécaniques obstinées menacent aujourd’hui de nous asphyxier, non seulement dans nos rapports entre les sexes, socialement, économiquement mais également en causant des dégâts profonds sur notre environnement.
Au moment où nous achetons des habits de marque, une grosse voiture polluante ou le dernier smartphone, mangeons démesurément, nous ne nous posons pas la question du pourquoi et encore moins de l’impact que cela aura sur les générations futures.
La seule chose que nous retenons est que cela nous fait du bien, nous vivons une bouffée d’euphorie et notre cerveau se reconfigure pour nous faire sentir ce que c’est que d’être “plus haut que les autres”.
Il se reconfigure, car lorsque vous grimpez d’un échelon dans la hiérarchie sociale, vos gènes se mettent en effet à produire une quantité de protéines qui, dans vos neurones, s’associent à la dopamine et en décuplent les effets.
Des recherches ont prouvé une corrélation majeure entre statut social élevé et nombre de récepteurs de la dopamine.
Finalement, notre situation d’hyperproduction et d’hyperconsommation, résulte d’une rencontre fatale entre d’une part, des millions de cerveaux humains en attente de statut social et d’autre part, un appareil industriel capable de fournir à chacund’entre nous des biens superficiels dont nous n’avons pas besoin.
Ce qui complique aujourd’hui la donne est que les structures politiques et économiques dans lesquelles nous évoluons encouragent ces penchants, au lieu de les modérer.
Quelles sont les solutions ?
Gouverné par ces flux de dopamines, que les grands groupes manipulent avec brillo, notre liberté s’en trouve enrayée par la mécanique des désirs.
La libérté de droit sans la recherche d’une libérté réflexive nous a fait retomber dans l’esclavage.
Le principe de désir doit pourtant progressivement s’incliner devant le principe de réalité : nous ne pouvons pas passer notre temps à jouer, manger, et à nous croire les rois du monde sans le moindre effort pour la simple et bonne raison que ce n’est pas vrai.
Pendant des millénaires, la nature et nos propres limites se sont chargées de nous le rappeler, mais l’explosion technologique a changé la donne.
Pour nous sauver nous et notre planète, il devient impératif de museler l’activité de notre striatum aux moyens des efforts conscients de notre volonté et de notre raison, logés dans notre cortex.
Néanmoins, la répression du striatum ne fonctionne pas. Depuis plus de 2.000 ans, religions et philosophes ont essayé, sans grande efficacité sur le long terme.
S’efforcer de lutter contre ses envies primaires par la seule force de la volonté demande de l’énergie, beaucoup d’énergie et est souvent voué à l’échec, ce phénomène porte le nom de “déplétion de l’ego”.
Cette déplétion d’énergie et de volonté se constate par exemple à travers des expériences où l’on observe que des personnes venant de résister à l’envie de manger des chocolats éprouvent ensuite des difficultés à résoudre des problèmes ( Baumeiseter : “la volonté à l’épreuve »)
Fort heureusement, d’importantes nuances méritent d’être apportées à ces faits biologiques sur le fonctionnement de notre cerveau.
Au cours des dernières dizaines de milliers d’années de son histoire, l’homme moderne a développé une capacité de prévision assurée par d’autres aires cérébrales, notamment les aires du cortex frontal qui donne accès à des représentations fictives de l’avenir et savoir l’utiliser dépend grandement de l’éducation et de l’environnement socio-culturel de chacun.
Altruisme
Pour contrer les effets pernicieux du striatum, l’auteur dévoile la fascinante face cachée de l’altruisme. En effet, le partage mobilise également les circuits de la récompense.
Même les actes les plus désintéressés sont engagés parce qu’ils procurent du plaisir.
“Il n’y a pas de mal à se faire du bien dans l’altruisme. Simplement cela ne doit pas être la motivation première… Lorsque nous faisons un cadeau à quelqu’un que nous aimons, nous ne le faisons pas pour nous faire du bien. Et pourtant nous nous sentons bien.” Matthieu Ricard.
Trouver du sens
Une deuxième solution est ensuite mise en exergue, la notion de sens.
Pour en savoir plus sur la notion de sens suivre ce lien.
De nos jours, définir une direction à nos vies s’avère relativement complexe.
La direction n’étant plus fixée par des besoins primitifs, la religion, un régime totalitaire, chacun doit trouver son propre sens.
Nous sommes alors tous confrontés à un travail considérable qui consiste à trouver une justification à notre existence, à nos actes en dehors des grands systèmes de valeurs qui ont prévalu par le passé.
Lorsque nous saisissons cette liberté, nous constatons que le champ des possibles est infini et vertigineux mais également que notre existence est brève et vouée au néant.
Cette prise de conscience est insupportable et débouche selon les travaux de Greenberg, Solomon et Pyszczynski sur 3 réactions :
- Identifications à des groupes d’appartenance qui nous donnent l’illusion que nos valeurs continueront de vivre après notre mort.
- Penser à autre chose, détournement d’attention, déni, divertissement.
- Chercher à se percevoir plus fort et plus résistant que nous ne sommes.(Obsession pour la santé, essor des clubs de fitness, orthorexie, irruption du concept de l’estime de soi…)
L’estime de soi reflète nos tentatives de nous renforcer face à l’enjeu de la mort. Lorsque nous avons conscience du néant qui nous attends au bout de notre trajectoire sur terre, nous manifestons alors une attirance puissante pour tout ce qui peut renforcer notre estime de soi.(Why people need self-esteem, psychological bulletin vol. 130 , 2004)
Il est alors primordial de donner du sens à sa vie, sans tomber dans les “pièges du bien-être, réactivant les circuits du “toujours plus”.
Pleine conscience
Pour réduire cette quête effrénée de dopamine, les chercheurs remarquent que les exercices de pleine conscience, qui consistent à porter attention au moment présent de façon volontaire, libèrent de la dopamine sans consommation supplémentaire.
Par exemple, une étude réalisée à l’hôpital Sainte-Anne sur les personnes atteintes d’obésité a montré que lorsqu’on sent un grain de raisin, qu’on le met dans la bouche, qu’on le goûte et finalement qu’on le mange, en d’autres termes qu’on prend le temps de le savourer et de magnifier les stimuli physiques, ce qui est rarement le cas quand on mange de façon quasi automatique devant sa télé, cela libère de la dopamine sans avoir besoin de manger en grande quantité (mindfulness and eating).
Des études ont montré que nous ingérons entre 36% et 71% de calories en plus, car la prise alimentaire se fait alors sous contrôle automatique, sous le plein commandement du striatum dépourvu de conscience. Le temps employé à savourer nos sensations permet à la satiété de s’installer (20 minutes en moyenne pour que la satiété soit émise de nos viscères à notre cerveau).
La méditation de pleine conscience qui consiste à développer la maîtrise de son attention dans un premier temps, pour ensuite affiner sa capacité à prendre conscience de tout ce qu’il se passe autour de nous et en nous, s’avère être une technique extrêmement intéressante.
En effet, parmi ces nombreux avantages sur le système immunitaire, les maladies cardiovasculaires ou la dépression, la méditation permet de s’affranchir en partie de nos automatismes.
Cela permet de prendre du recul et un temps de réflexion en se posant des questions :
“Qu’est ce que je suis en train de ressentir ? D’où vient cette émotion ? Quel est mon choix ? Etc…”
En 2016 deux méta-analyses portant sur des centaines de participants obèses ou en surpoid ont révélé des résultats étonnants, le programme de méditation de pleine conscience se traduisait par des pertes de poids de 4,2 kg au bout de 6 semaines de pratique en moyenne et atteignait 9,9 kg 6 mois plus tard (Ruffaults, Hagger, Ferran & co, “The effect of mindfulness training on obesity, Obesity Research and Clinical Practice, vol.11, 2016.).
A titre de comparaison, les pertes de poids obtenues à l’aide de régimes restrictifs combinés à de l’activité sportive n’avaient qu’un effet marginal de 1,6 kg.
Les résultats sont également intéressants du point de vue de n’importe quelle addiction et comportement démesuré.
Le but est finalement de nous immuniser par le pouvoir de notre cortex contre l’appel primitif du tout tout de suite.
La connaissance
Le développement du savoir est une excellente manière de contrer les affres de nos pulsions.
Les neuroscientifiques se sont aperçus que la connaissance en elle-même pouvait constituer une forme de nourriture pour le striatum.
En effet, il s’avère possible d’assouvir notre appétit par de l’exercice mental, les énigmes et toute forme de curiosité.
En 2014 par exemple, des scientifiques de l’université de Californie ont découvert que de simples questions, comme des devinettes que l’on pose à des élèves en début de cours favorisent la curiosité et l’étonnement et activent leurs neurones dopaminergiques du noyau accumbens, suscitant du plaisir et une attente d’information, à tel point que cela se traduit par une meilleure mémorisation dans les minutes suivantes.
C’est la preuve que si on prend le temps, on peut tromper le striatum, mais ça demande de la discipline et de la connaissance.
Malheureusement les normes sociales, l’éducation, l’économie et la politique de notre temps ne valorisent malheureusement pas vraiment ce qui pourrait diamétralement changer les choses…
Sylvain Gammacurta