Sylvain Gammacurta Hypnose
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L’appel de la transe

Présentation

L’appel de la transe, de la philosophe Catherine Clément est un ouvrage qui nous conduit aux frontières de l’inavouable et de l’indicible.

Les états de transe ou d’éclipse hors-la-vie ordinaire comme les nommes l’auteur sont ici décrit à travers le temps et les localités.

De la danse rituelle de Dakar, à la crise d’hystérie, en passant par l’hypnose ou les drogues, Catherine Clément explore avec érudition ce que les civilisations ont proposé comme réponse à cette recherche d’éclipse.

Des possédées de Loudun aux chamans de Sibérie, des danseuses du Sénégal aux inspirés indiens, l’auteur questionne les multiples facettes de ce désir de repousser les limites de l’expérience sensible et spirituelle.

Elle montre comment du Moyen-Âge à nos jours, du coup de foudre amoureux à l’anorexie mentale, de la sorcière aux vampires, la transe et l’érotisme qu’elle dévoile, sont, de nos jours encore, le lieu d’une attente non révolue.

On peut lire chaque chapitre avec la curiosité de découvrir qu’à toute les époques, les peuples on cette envie, ce besoin de repousser la rationalité ordinaire, la présence « normale » et normé à la vie.

On constate alors que les « éclipses » peuvent être elles-mêmes encadrées dans une sorte de « méta-norme » et dans une tradition, a travers une initiation de certains individus désignés (chamanes, exorcistes, hypnotiseurs…), un savoir ancestral ainsi transmis, et dans ce cas source de métamorphose socialement admises, utiles ou récupérables.

Parfois par contre les transe s’avère rejetées, incomprises, refoulées dans la notion de pathologie.

L'appel de la transe
Catherine clément, l’appel de la transe.

Transe amoureuse

Nous avons en Europe une transe autorisée.On appelle cette transe amoureuse “coup de foudre”, une expression française qui n’évoque ni la foudre ni le coup, simplement la transe au premier regard.

Le coup de foudre orageux qui tombe du ciel sur un humain le “sidère” en bloquant ses centres nerveux; il le “tétanise”, contractant les muscles respiratoires; et il brûle la peau. On peut en mourir.

Les symptômes du coup de foudre amoureux ne détruisent pas l’organisme aussi rapidement, mais ils sont bien présents. Sidération du regard, cerveau paralysé, souffle coupé. Absence au monde à deux. 

Une joie qui inonde, semblable à celle de la plénitude de la joie musicale, “celle de l’âme invitée pour une fois à se reconnaître dans le corps”, nous dit Claude Lévi-Strauss. Plus rien n’est séparé et tout est réuni.

Je suis toi, tu es moi, le “nous” n’existe plus, le “moi”, n’en parlons plus

L’esprit foudroyé se réveille enchanté par des fulgurances qui ne s’arrêtent plus; on fourmille de projets, d’idées, on rit beaucoup. La psychiatrie y verrait tous les signes d’un accès maniaque.

Dans les troubles autrefois appelés maniaco-dépressif et qu’aujourd’hui on nomme bipolaires, on sait qu’à l’euphorie exaltée de l’accès de manie succède la dépression.

D’un instant à l’autre, aussi soudainement que l’accès est venu, il se retire et l’on plonge dans un gouffre.

La transe, une autorisation pour s’éclipser de la vie.

Nous avons tous besoin de danse et de rupture, de silence et d’absence, d’une retraite qui peut prendre la forme d’une maladie, nous avons tous besoin d’une échappée soudaine, d’un bain frais, de jouissance sans lendemain, d’une vie sans engagement ni promesse, de désordre, de vacances sans commencement ni fin.

Ces trouées singulières auxquelles personne n’échappe voisinent avec la mort qui est leur horizon. Être transi, c’est avoir froid, ou peur; au Moyen Âge, c’est être en agonie.

Nous la connaissons tous, quand nous faisons l’amour, en tombant ivres morts, quand la colère nous prend ou quand nous pensons trop. Et puis nous revenons. Quelque chose a changé et c’est imperceptible; l’empreinte de l’éclipse est une sécurité.

Une vie nouvelle est là, mais c’est quand même une vie.

Indomptable sont toujours les éclipsés de la vie.

Chamanisme, transe et anthropologie

Chiffre de 2010 : quinze millions de Français consultent des voyants.

C’est le reflet affaibli d’une pratique universelle qui, pour s’aider à vivre, a besoin de la transe.

L’origine du vrai chamanisme se trouve en Sibérie. Robert Hamayon dans “La chasse à l’âme”, véritable bréviaire du chamanisme sibérien, l’ethnologue décrit la fabrique des chamans et la transe furieuse qui fait d’eux des voyants.

Selon lui, chamaniser permet aussi l’émergence de personnalités populaires héroiques. Les entraîneurs de foules ont besoin de cette ivresse, voyez-les dans les meetings, hors d’eux-mêmes.

En 2002 Bertrand Hell se mit à travailler avec des spécialistes de l’hypnose et constate que le « lâcher prise” induit par la transe, se traduit par des modifications dans l’aire cingulaire antérieur, le tronc cérébral et le thalamus, rendus visibles grâce aux techniques de neuro-imagerie. Qu’il soit induit par une simulation ou qu’il soit spontané, qu’il ajoute une identité à une autre ou que cette identité prenne le pas, le changement est donc une réalité

Mais on ne peut pas la dissocier du contexte social ni des procédés entourant le chamanisme.

Le chaman est un illusionniste, Lévi-Strauss l’explique avec clarté lorsqu’il analyse les célèbres mémoires de Qesalid, alias Georges Hunt, qui ne croyait pas aux pouvoirs des sorciers et qui rusa pour se faire initier et découvrir les subterfuges, tours de prestidigitation des cures de guérison (technique de morsure pour faire saigner ses gencives puis cracher le mal…).Il les applique ensuite avec rigueur et guérit ses patients, car il n’est pas propriétaire de l’illusion, il la partage avec le corps social. Il se persuade peu à peu que ces trucages sont meilleurs que les autres. Incrédule et déterminé, Qesalid sera sincère sans même l’avoir voulu.

Simuler n’empêche pas de prendre des vacances de vie, et le corps qui s’en sort n’en sera pas moins heureux.

Pendant la seconde guerre mondiale, des savants ont étudié sur enregistrement la voix d’Adolf Hitler quand il vociférait devant une foule immense, à la lueur des torches. Alors que le nombre de vibrations par seconde d’une voix normale qui crie est de 200, celle de Hitler atteignait 228 vibrations.

La puissance de cette voix était si efficace que l’instance américaine qui allait devenir la CIA songea sérieusement à glisser des hormones femelles dans la nourriture du Führer.

Outre la scénographie : drapeaux, roulements de tambours, micros, amplificateurs, projecteurs, ses discours obéissaient à une méthode : très long silences, murmures, chuchotements, puis la voix enflait jusqu’aux hurlements.

Transe, hystérie, psychologie et hypnose

Paris, année 1880, à l’hôpital de la Salpêtrière, le professeur Charcot produit dans un amphithéâtre un spectacle de médecine, libérant sous hypnose des femmes paralysées qui retrouvent leurs symptômes dès qu’elles sont réveillées.

Parfaitement conscient de reproduire les scènes des exorcismes et des convulsionnaires, Charcot, quand il classe les phases de l’hystérie, aligne la phase épileptoïde qui tétanise, la phase de clownisme qui contorsionne, la phase passionnelle, de supplications, extases, la période terminale, apaisement, sourire, et, ajoute une « variété démoniaque de l’hystérie”, avec hallucinations.

Sans oublier le spasme dit “cynique” qui simule merveilleusement l’orgasme.

Freud plus tard, fait parler les bouches, les hystériques souffrent de “réminiscences”, il faut les transformer en souvenir d’archive. Fabriquer une mémoire. Dans le meilleur des cas, un travail de langage remplace le symptôme par le récit d’un souvenir perdu.

Que ce souvenir soit vrai ou faux, cette question, qui pesa longtemps sur la conscience de Freud, n’a pas plus d’importance que celle de la simulation, l’essentiel est dans la cohérence du récit, l’émotion qu’il dégage.

A la fin des « Études sur l’hystérie”, Freud pose une évidence : que ce traitement consiste à transformer “la misère psychique en malheur banal”.

L’art du nouveau

On comprend alors que l’esprit, sur le corps, peut tout. Absolument tout sauf l’empêcher de mourir. C’est à quoi sert la transe, parce qu’elle trompe la mort.

Lorsqu’elle est rejetée dans le pathologique, elle trouve ses voies ailleurs, et par tous les moyens.

Qu’elle commence par une feinte ou qu’elle soit immédiate, la transe propose des “transitions imaginaires ». Dans l’être-un du coup de foudre, la métamorphose animale ou la manifestation d’un dieu propriétaire, la transe force le passage, change de peau, change de vie.

Pour Mauss comme pour Lévi-Strauss, il existe dans le langage de toute société une réserve grosse de sens à venir, dont disposent les inventeurs de mythes, les poètes et aussi ceux qui sont affectés de troubles incompatibles avec la vie sociale.

Dans cette réserve flottent des mots sans signification et qui vont la trouver, grâce aux fous, aux poètes, aux déclassés du monde.

Définissant les effets guérisseurs du langage sur le corps, effet qu’il appelle « l’efficacité symbolique”, Lévi-Strauss décrit sa capacité de circuler à travers les étages d’un édifice qui comprendrait le support neuronal, puis les déterminations familiales et sociales, et pour finir, comme un dernier étage, le pouvoir de changement du poète en charge des mots nouveaux.

L’art du nouveau, un nouveau contrariant parce qu’il est inédit, réinvente des figures anciennes, les transforme et ne s’accorde plus avec la norme qui sera bientôt désuète.

Et j’y vois, tout comme l’auteur, le désir de la transe qui, l’instant d’un éclair, permet de changer la vie.

Sylvain Gammacurta Hypnose

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