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Storytelling : la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits

Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, de Christian Salmon.

Christian Salmon, fondateur en 1993 du Parlement international des écrivains et du Réseau des villes refuges pour accueillir les écrivains persécutés dans leur pays.

Dans cet ouvrage, l’auteur révèle l’importance des nouveaux usages du récit dans la communication politique, le management et le marketing qu’il décrit comme un «nouvel ordre narratif».

En effet, depuis la nuit des temps, l’humanité a su cultiver l’art et la manière de raconter des histoires, un art clé au cœur du lien social. 

Néanmoins, depuis les années 1990, cet art a largement été investi par les logiques de la communication et du capitalisme triomphant sous l’appellation anodine “storytelling”, formant les esprits des consommateurs et des citoyens.

C’est ici l’impact des histoires ainsi que leurs incroyables pouvoirs sur l’imagination que révèle Christian Salmon, au terme d’une longue enquête consacrée aux applications toujours plus nombreuses du storytelling.

L’auteur dévoile les multiples rouages d’une «machine à raconter» qui remplace le raisonnement rationnel et s’avère bien plus efficace que toutes les imageries orwelliennes de la société totalitaire.

Longtemps considéré comme une forme de communication réservée aux enfants, dont la pratique était cantonnée aux heures de loisirs et l’analyse aux études littéraires, le storytelling connaît un succès incroyable dans tous les secteurs de la société.

“Sans une bonne histoire, il n’y a ni pouvoir ni gloire.” Evan Cornog, The power and the Story, 2004.

Impérialisme narratif

Le storytelling en est venu à rivaliser avec la pensée logique pour comprendre la jurisprudence, la géographie, la maladie ou la guerre. Les histoire sont devenues si convaincantes que des critiques craignent qu’elles ne deviennent un substitut dangereux aux faits et aux arguments rationnels… Des histoires séduisantes peuvent être tournées en mensonges ou en propagandes. Les gens se mentent à eux-mêmes avec leurs propres histoires. Une histoire qui procure une explication rassurante des événements peut aussi tromper en éliminant les contradictions et les complications.

Auparavant on disait : “ Ce n’est qu’une histoire, donne-moi les faits”, ajoute Paul Costello. Maintenant beaucoup de gens commencent à réaliser que les histoires peuvent avoir des effets réels qui doivent être pris au sérieux.

Le récit d’aujourd’hui est partout, si bien que certains parlent “d’impérialisme narratif”.

Le storytelling est même utilisé par les pédagogues comme technique d’enseignement et par les psychologues comme un moyen de guérir les traumatismes.

Le storytelling constitue une réponse à la crise du sens dans les organisations et un outil de propagande (cf : article sur le livre propaganda), un mécanisme d’immersion et l’instrument du profilage des individus, une technique de visualisation de l’information et une arme redoutable de désinformation. L’avènement du storytelling est une forme de victoire à la Pyrrhus obtenue au prix de pertes, ou de potentielles pertes si lourdes qu’elles équivalent quasiment à une défaite.

“Sous ses formes presque infinies, le récit est présent dans tous les temps, dans tous les lieux, dans toutes les sociétés; le récit commence avec l’histoire même de l’humanité, il n’y a pas, il n’y a jamais eu nulle part aucun peuple sans récit.” Roland Barthes.

Comment l’idée de R. Barthes, qualifiant le récit de l’une des grandes catégories de la connaissance que nous utilisons pour comprendre et ordonner le monde, a-t-elle pu s’imposer ainsi dans la sous-culture politique, les méthodes de management ou la publicité ?

Les grands récits qui jalonnent l’histoire humaine, d’Homère à Tolstoï et de Sophocle à Shakespeare, racontaient des mythes universels et transmettaient les leçons de sagesse, fruit de l’expérience accumulée. Le storytelling parcourt le chemin inverse : il se plaque sur la réalité des récits artificiels, bloque les échanges, sature l’espace symbolique de séries et de stories. Il ne raconte pas l’expérience passée, il trace les conduites et oriente les flux d’émotions.

Les 7 chapitres du livre

Le premier chapitre traite du marketing : il décrit comment les technologies qui permettent d’écouler les marchandises se sont déplacées en une quinzaine d’années « du produit au logo, puis des logos aux stories. »

Le chapitre 2 retrace l’invention du storytelling management au milieu des années 1990, chargé de mobiliser les émotions par la pratique des récits partagés.

La chapitre 3 dégage les trois éléments constitutifs du néomanagement des années 2000 : 

  1. Injonction au changement.
  2. Management des émotions constituant un nouveau sujet en tant que “moi” et égo émotionnel.
  3. Utilisation des histoires dans la gestion de ce moi émotionnel.

Le chapitre 4 traite du lien entre ces nouvelles techniques de mobilisation et l’apparition d’une nouvelle organisation du travail dont l’idéal est l’adaptation à un environnement changeant et l’adaptation de la recherche de profit à des cycles de plus en plus courts.

Le chapitre 5 est consacré à l’emprise du storytelling sur les discours politiques aux Etats-Unis.

Le chapitre 6 analyse les convergences croissantes entre le Pentagone et Hollywood.

Le chapitre 7 révèle enfin comment depuis le 11 septembre 2001, la diplomatie américaine obéit à une logique marketing, allant même jusqu’à recruter à des postes diplomatiques des spécialistes du branding chargés de “vendre l’Amérique aux yeux du monde comme une marque.”

Ainsi l’art du récit qui depuis les origines raconte, en l’éclairant, l’expérience de l’humanité est-il devenu à l’enseigne du storytelling l’instrument du mensonge d’Etat et du contrôle des opinions : derrière les marques et les séries télévisées, mais aussi dans l’ombre des campagnes électorales victorieuses, de Bush à Sarkozy, et des opérations militaires en Irak ou ailleurs, se cachent les techniciens appliqués du storytelling. L’empire a confisqué le récit.

C’est cet incroyable hold-up sur l’imaginaire que raconte ce livre et la conséquence « Une démocratie moins délibérative, des citoyens inondés par le spectacle symbolique de la politique, mais incapables de juger ses leaders et le bien-fondé de leurs politiques » – John Anthony Maltèse.

Aujourd’hui, la bataille des histoires est davantage porté sur le fait de toucher le cœur et l’émotion des gens au lieu d’échanger de manière rationnelle sur ce qu’il parait adéquate de faire.

Ce livre se lit assez bien, les références sont éclairantes, et il constitue à mon sens, un outil intéressant afin de détecter les histoires utilisées pour nous faire adhérer à une idéologie, un produit ou simplement détourner notre attention. Le storytelling n’exprime finalement que le besoin humain de se raconter des histoire, de s’identifier, de donner du sens a son expérience et au monde qui l’entoure…

Extrait et résumé du livre : Storytelling par Sylvain Gammacurta, praticien en hypnose

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