Sylvain Gammacurta Hypnose
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Quand le « bien » justifie les actes

La difficulté d’établir une morale universelle

La notion de morale est aussi complexe que subjective. A mon sens, traiter du problème moral implique de reconnaître qu’elle se constitue comme un ensemble de questions plutôt que de réponses préfabriquées. Bien que l’on puisse possiblement s’accorder sur certains points, chaque individu, influencé par ses expériences, ses valeurs et ses croyances personnelles, façonne sa propre conception de la justice et surtout sur les manières nécessaires pour l’obtenir.

Ce caractère subjectif rend difficile l’établissement d’une morale commune et universelle. Ce que l’un considère comme vertueux peut être perçu comme autrement par un autre, illustrant ainsi la relativité de la moralité.

Il existe d’ailleurs deux manières d’envisager la source de la morale :

– la théorie hétéronome de la morale : l’homme reçoit la morale d’ailleurs qui de lui-même (Dieu, la loi morale, la société). C’est la position de Saint-Thomas, Kant, Schopenhauer, Bergson ou encore Durkheim.

– la théorie autonome de la morale : l’homme crée, invente lui-même les principes de son action. C’est la position soutenue par exemple par Nietzsche, Sartre ou encore Camus.

La nécessité d’un devoir moral pour vivre en société

Quelle serait la nature de la vie en société sans la présence de la morale ? Peut-être ne serait-elle guère différente de celle des sociétés animales. En effet, ces dernières ne se soucient pas véritablement de moralité, dans la mesure où les mécanismes instinctifs semblent suffire à réguler les interactions au sein du groupe. Cette observation est éclairée par le sociologue français Émile Durkheim :

« La grande différence entre les sociétés animales et les sociétés humaines est que, dans les premières, l’individu est gouverné exclusivement du dedans, par les instincts […]; tandis que les sociétés humaines présentent un phénomène nouveau, d’une nature spéciale, qui consiste en ce que certaines manières d’agir sont imposées ou du moins proposées du dehors à l’individu et se surajoutent à sa nature propre ; tel est le caractère des « institutions » (au sens large du mot), que rend possible l’existence du langage, et dont le langage est lui-même un exemple. »

Malgré cette subjectivité, la morale joue un rôle essentiel dans la vie en société. Elle fournit un cadre de référence et de sécurité pour guider nos actions et nos interactions avec autrui. La morale facilite le vivre-ensemble et la coopération, elle canalise l’agressivité et permet de trouver un équilibre lorsque les intérêts individuels sont en conflit avec les intérêts collectifs. Il est indéniable que des hommes et des femmes possédant des valeurs morales fortes ont largement contribué à améliorer la société dans laquelle nous vivons.

Dans de nombreuses cultures, un sens du devoir moral est inculqué dès l’enfance, permettant ainsi de maintenir l’ordre social et de favoriser la coopération entre individus. Cependant, cette obligation morale peut parfois devenir oppressive, imposant des normes rigides, difficiles à remettre en perceptives et conduisant à des attitudes dogmatiques.

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Les difficultés que peut engendrer la morale

Malheureusement, la face sombre de la morale se révèle lorsqu’elle est utilisée pour justifier des comportements extrêmes et violents. Les convictions morales inébranlables peuvent conduire à l’intolérance envers ceux qui pensent différemment, nourrissant ainsi la méfiance et alimentant les conflits interpersonnels et sociaux. Cela peut sembler paradoxal et contre-intuitif, mais les croyances associées à des valeurs morales peuvent conduire à des attitudes de polarisation et des actions dogmatiques.

Pire encore, cette conviction de faire le bien peut parfois mener à des actes de violence, perpétrés au nom de la vertu. Les anthropologues nomment cela la « violence vertueuse ».

Cette notion de moralité peut finalement condamner l’homme, tant au niveau individuel que collectif. Rappelons que la violence ne se limite pas à des actes physiques. Elle peut également se manifester sous d’autres formes, souvent plus insidieuses et subtiles. Parfois, cette violence prend racine dans une rigidité de pensée, où l’individu s’enferme dans ses propres convictions, refusant toute remise en question ou tout dialogue ouvert. Cette violence exercée à l’encontre de soi-même peut être tout aussi destructrice que celle dirigée vers autrui. En se fermant à toute forme de flexibilité mentale, on s’impose des barrières qui limitent notre croissance personnelle et notre capacité à comprendre les perspectives différentes de la nôtre.

Individuellement, elle peut restreindre la liberté de pensée et d’action, enfermant les individus dans un carcan trop étroit. Collectivement, elle peut donc diviser les sociétés, semant la discorde au sein des communautés où chacun croit détenir la pensée « juste ».

Les recherche du Dr. Jean Decety montrent que la moralisation peut transformer des préférences, des idées en valeurs fortes qui acquièrent, par la même occasion, une intense charge émotionnelle. Les valeurs sont littéralement motrices : elles sont la source d’énergie des désirs. Rappelons tout de même que beaucoup sont prêt à mourir pour défendre des valeurs.

Pour le meilleur et pour le pire, les convictions morales sont corrélées à un pouvoir émotionnel puissant qui peut déclencher des réactions plus intenses que d’autres croyances. Lorsque nous sommes fermement ancrés dans nos convictions morales, nos émotions sont souvent exacerbées, nous incitant à réagir de manière impulsive et passionnée. Cela peut conduire à une diminution de la réflexion et de la prise de recul, car nos actions sont motivées par un sens aigu de ce qui est « juste » ou « bon ». En conséquence, nous sommes plus enclins à agir rapidement et sans nuance, suivant aveuglément nos convictions sans considérer pleinement les conséquences de nos actes. Cette tendance à l’action rapide et tranchée peut être bénéfique dans certains cas, mais elle peut aussi nous rendre plus susceptibles de commettre des erreurs ou d’adopter des comportements impulsifs et irréfléchis.

Les recherches de Decety révèlent que les convictions morales sont étroitement liées à l’activation de certaines régions du cerveau, influençant ainsi nos comportements. Les valeurs morales peuvent même déclencher un système de récompense cérébral, incitant à des actions extrêmes au nom de l’identité de groupe ou de l’idéologie.

Chez l’humain, ce système est même capable d’assigner des valeurs aux produits de notre imagination. En d’autres termes, nous sommes en capacité de pouvoir attribuer une valeur à des objets abstraits comme des idéologies, des principes ou des symboles, qui agissent alors dans le cerveau comme des signaux de récompense.

Moralité et changements

Nous avons la capacité d’évaluer nos connaissances et nos représentations, ainsi que la faculté d’identifier et de corriger nos erreurs. Cette capacité est connue sous le nom de « métacognition », et elle joue un rôle crucial dans le développement de notre esprit critique. Cependant, les opinions dogmatiques, associées à un excès de confiance et à des biais de confirmation, entraînent généralement une sensibilité métacognitive beaucoup plus faible. Elles rendent ainsi très difficile l’ajustement de nos croyances à la réalité et aux arguments ou données factuelles.

Métacognition et dogmatisme

Au niveau individuel, il faut bien avouer que notre perception du bien et du mal demeure souvent immuable. Lors de séances d’hypnose, ces convictions profondes peuvent être sondées et réévaluées. Parfois, un comportement jugé répréhensible ou une émotion que nous cherchons à réprimer se présentent comme des occasions précieuses pour remettre en question nos schémas de pensée et notre manière de nous traiter au quotidien. Cette introspection nous offre la possibilité de modifier nos habitudes et convictions les plus ancrées, celles qui résident dans les méandres de notre psyché, et que nous n’avons jamais réellement interrogées.

En explorant ces aspects cachés de notre être, nous nous offrons l’opportunité de progresser vers une version plus authentique et épanouie de nous-même.

Conclusion

Pour conclure j’aimerai ajouter surtout cette distinction que je crois nécessaire de faire entre morale et éthique. Selon la perspective de Spinoza, la morale se concentre sur le « bien et le mal », considérés comme des valeurs absolues ou transcendantes. Ces concepts sont souvent dictés par des normes aux prétentions universelles ou divines. En revanche, l’éthique se penche sur le bon et le mauvais, qui sont perçus comme des valeurs relatives. Plutôt que d’être définis par des principes immuables, le bon et le mauvais varient selon les circonstances, les contextes et les perspectives individuelles. Ainsi, alors que la morale cherche à établir des règles fixes et universelles, l’éthique reconnaît la complexité et la relativité des jugements moraux, encourageant une approche plus nuancée, réfléchie et contextuelle de l’évaluation des actions humaines.

Ne nous leurrons pas, il convient également de souligner que l’importance attribuée aux notions de morale et d’éthique, ainsi que le niveau d’engagement ou de militantisme qui leur est accordé, dépendent largement des avantages qu’elles procurent à l’individu concerné. Une personne est donc plus à même d’être motivée à agir selon des considérations éthiques si cela lui permet de naviguer avec sécurité, intégrité et succès. En somme, les individus sont souvent d’abord guidés par leurs propres intérêts et bénéfices perçus lorsqu’ils adoptent des positions morales ou éthiques, ce qui souligne la manière dont ces notions sont façonnées selon moi par bons nombres de facteurs individuels et contextuels qu’il convient d’examiner.

Sylvain Gammacurta

Sources :

  • Baron & Spranka 1997
  • Wu & al 2016
  • Fernbach & al 2019
  • Skitka 2010
  • Decety 2023
  • Fleming & al 2018
  • Mazancieux & al 2023
  • Yoder & Decety 2022
  • Durkheim, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, Paris, p. 1002

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