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Paul Watzlawick, « Faites-vous même votre malheur »

Paul Watzlawick, « Faites-vous même votre malheur »

Comment trouver le bonheur ? En apprivoisant le malheur selon Paul Watzlawick. Le célèbre psychologue et membre fondateur de l’École de Palo Alto, nous guide avec humour, espièglerie et perspicacité pour nous réconcilier et dépasser nos névroses les plus communes. Ce petit ouvrage, accessible, plein de parodie, s’appuie sur des exemples tirés de la littérature, de la philosophie et de l’histoire, offrant un manuel ludique pour faire de notre vie un véritable enfer.

Autre article sur un livre du même auteur : https://gammacoachinghypnose.com/le-langage-du-changement-paul-watzlawick

Le malheur, une culture réservée aux initiés

Plonger dans une existence ponctuée de tourments semble être à la portée de tous, mais savourer la solitude du malheur, en interne, représente un tout autre défi, réservé aux initiés.

Au fil de ses pages, l’auteur dresse une liste de divers moyens pour devenir l’architecte de son malheur, mêlant habilement des habitudes que nous pratiquons déjà sans même y penser avec celles qui demandent un apprentissage plus soutenu.

Le bonheur, cette chimère tant recherchée, semble bien plus énigmatique. Depuis des siècles, il est entendu que l’homme n’est pas fait pour une félicité absolue. En fait, la quête incessante du bonheur semble plutôt mener à une impasse. Le malheur, en revanche, semble être un terrain plus familier. La littérature regorge de récits tragiques et de destins funestes, une matière première qui donne du piment à nos lectures.

Ironiquement, nous avons besoin de ces désastres pour nous sentir bien dans notre peau.

Paul Watzlawick dévoile la fabrication de notre propre enfer comme un art secret, gardé précieusement par certains experts. Loin d’être une simple quête altruiste, cette démarche revêt une réelle importance politique et sociale. Les gouvernements dépensent des sommes considérables en santé publique et en programmes sociaux dans le but de procurer à leurs citoyens un bonheur parfait, une industrie lucrative dont dépendent des millions d’emplois.

« L’État moderne a besoin de l’impuissance et du malheur toujours croissant de ses citoyens », souligne l’auteur avec humour.

Paul Watzlawick, "Faites-vous même votre malheur"
Paul Watzlawick, « Faites-vous même votre malheur »

Notre rapport au passé

Selon Watzlawick, notre rapport au passé peut entretenir notre malheur de plusieurs manières. En ressassant continuellement les événements douloureux ou les erreurs passées, nous maintenons vivace la souffrance et les regrets, nourrissant ainsi notre malheur présent. De plus, si nous recherchons constamment dans le passé des explications ou des justifications à nos malheurs actuels, nous restons pris dans un cycle de victimisation et d’impuissance, nous empêchant d’avancer et de trouver des solutions constructives à nos problèmes.

Pour ce faire, la glorification du passé est une excellente technique pour cultiver son malheur. Considérer sa jeunesse comme un paradis perdu paraît être une source de nostalgie intarissable. La jeunesse ne constitue qu’un exemple parmi tant d’autres. Autre exemple, repensons au profond chagrin éprouvé lors de la rupture amoureuse avec un être bien souvent idéalisé. Nous pouvons également citer le fait de se retrouver étouffé par les remords après avoir franchi un premier pas jugé regrettable et irréversible, tel que le premier verre d’alcool ou la première cigarette. Ensuite, chercher à décharger la responsabilité sur divers boucs émissaires : que ce soit Dieu, le destin, les médecins, les supérieurs hiérarchiques, ou même les amis

C’est également se fixer des objectifs nobles mais inaccessibles, en utilisant comme excuse le fait que la réalité anéantit les rêves. Ce processus justifie alors, à nos propres yeux et aux yeux du monde, notre incapacité à atteindre nos aspirations.

Une loyauté inébranlable avec nos convictions

“Il suffit d’insister”, peut également être une formule magique pour créer et entretenir son propre enfer.

Pour l’auteur, c’est une des recettes les plus désastreuses mises au point sur notre planète sur des centaines de millions d’années. Elle a d’ailleurs conduit des espèces entières à l’extinction. S’attacher à un adage unique, jusqu’à parvenir à la conviction qu’il n’existe qu’un seul point de vue possible, à savoir le sien propre. Cela ouvre une voie de choix afin de préférer considérer le monde tel qu’il devrait être plutôt que tel qu’il est et rejeter systématiquement les conseils d’autrui, même contre son intérêt.

Une autre manière de se complaire dans le malheur consiste à rejeter l’idée que l’on puisse être aimé pour ce que l’on est vraiment. Suspecter chez notre partenaire le moindre intérêt, motivé par un égoïsme dissimulé, ne mène qu’à une impasse. Ironiquement, l’auteur propose une solution : se laisser séduire par une personne mariée ou inaccessible. Une autre astuce pour entretenir son mal-être peut être d’ attribuer des motivations cachées aux gestes altruistes, que ce soit les nôtres ou ceux des autres.

Enfin, il recommande vivement de pratiquer la paranoïa : adopter la méthode Coué pour se convaincre avec foi que l’on est l’objet de malveillance, et entretenir constamment une forme de théorie du complot.

Stratégie d’évitement et hyper vigilance

“Une idée, pour peu qu’on s’y accroche avec une conviction suffisante, qu’on la caresse et la berce avec soin, finira par produire sa propre réalité.”

Le monde extérieur est dangereux et je dois m’en prémunir à tout prix… En adoptant une stratégie d’évitement permanent contribuant à évincer les dangers extérieurs, Paul Watzlawick nous guide dans un véritable jeu de cache-cache avec la vie, où l’on se persuade que les forces obscures nous guettent à chaque coin de rue, prêtes à nous bondir dessus à la moindre occasion.

Cette tactique de la fuite perpétuelle nous prive de la possibilité de vérifier si lesdits dangers existent réellement et entretient alors cette croyance. La tendance à ruminer sur nos craintes représente une source majeure de notre propre malheur : à force de s’accrocher à une idée avec une dévotion quasi-religieuse, celle-ci finit par se matérialiser dans notre réalité, un peu comme une prophétie autoréalisatrice, mais dans le sens contraire de nos espérances.

L’auteur décline cette idée de méfiance généralisée à l’échelle sociétale. Plus un pays se sent menacé par son voisin, plus il investit dans son arsenal, déclenchant ainsi une véritable course aux armements qui provoque de surcroît un réel conflit. Et que dire de cet homme avisé qui, par pur zèle, balance de la poudre anti-éléphants en France et se pavane ensuite, triomphant de son ingéniosité l’absence totale de pachydermes dans les parages.

Rester chez soi devient le Saint Graal de la sécurité… jusqu’à ce que le sol décide de se dérober sous nos pieds. Après tout, les risques d’accident domestique, d’incendie, ou autres ne sont surtout pas à négliger. En résumé, pour éviter les déceptions, restez chez vous, ne sortez pas, ne rencontrez pas, restez figé dans la zone la plus confortable possible, et surtout, ne laissez personne s’approcher avec des idées farfelues de changement ou de découverte.

Devenir un professionnel de la démolition des relations

L’auteur préconise trois exercices. Le premier est de demander deux services à quelqu’un puis de le réprimander car il ne se consacre pas assez à l’un d’eux. S’il s’en offusque, il est alors possible de se plaindre de ses sautes d’humeur.

Le second consiste à dire ou faire quelque chose à quelqu’un qu’il peut ou non interpréter comme un trait d’humour. Selon son attitude, s’arranger pour lui reprocher de ne pas prendre au sérieux un sujet important ou, à contrario, de manquer d’humour.

Le troisième exercice consiste à accuser son partenaire, quoi qu’il fasse, de manipulation.

Pour une perversité maximale, on peut appliquer à la lettre la devise officieuse du puritanisme : « Fais ce que tu veux, à condition de ne pas t’amuser », en faisant culpabiliser autrui d’à peu près tout et n’importe quoi.

Injonctions paradoxales

Le concept de communication paradoxale est ancré dans le paradigme relationnel-systémique. Ce phénomène découle de la nature humaine complexe : nos communications sont rarement simples, car elles véhiculent bien souvent plusieurs messages simultanément. Cette subtilité de la communication humaine engendre des contradictions internes dans de nombreux messages.

On cite souvent les fameuses injonctions du type : “sois spontané”, “je veux que tu sois le chef”, “il est interdit d’interdire”, “ne sois pas si docile”, ou encore “tu peux partir, ne t’en fais pas si je pleure”…

Selon l’auteur, l’injonction paradoxale de la spontanéité est un puissant outil pour semer le chaos dans les relations. En effet, la spontanéité implique d’agir selon sa propre volonté, tandis que suivre un ordre la supprime totalement. Logiquement, il est impossible de concilier les deux. L’auteur cite également l’exemple de l’épouse dont le conjoint exige non seulement qu’elle satisfasse à tout instant ses envies sexuelles, mais également qu’elle y prenne du plaisir. De quoi plonger l’autre dans une profonde culpabilité, que l’on peut ensuite, qui plus est, utiliser contre elle et ainsi l’amener aux portes de la dépression.

Considérer la vie comme un jeu à somme nul

Watzlawick distingue deux catégories de jeux : ceux dans lesquels la somme des gains et des pertes est égale à zéro et les autres. La première est celle où les pertes d’un joueur constituent obligatoirement les gains d’un autre. Dans la seconde, gains et pertes ne s’annulent pas, autrement dit les deux joueurs en présence peuvent gagner ou perdre.

Croire que la vie est un jeu à somme nulle, où les gains d’un individu se font au détriment des autres, constitue une voie royale pour notre malheur. Cette croyance alimente un état d’esprit de compétition constant et de méfiance envers autrui. Si nous percevons chaque réussite comme une perte pour quelqu’un d’autre, cela peut nous pousser à adopter des comportements égoïstes et à voir nos relations comme des luttes incessantes pour obtenir notre part de gâteau, au détriment de la coopération ou de l’empathie. Cette mentalité peut engendrer des sentiments de jalousie et d’amertume envers ceux qui réussissent. Plutôt que de nous réjouir du succès des autres, il s’avère préférable pour notre malheur de nous sentir menacés ou dévalorisés.

Conclusion

Plonger dans les pages de « Faites-vous même votre malheur » de Paul Watzlawick est comme entreprendre un voyage à travers les méandres de l’esprit humain, avec un guide à la fois drôle, perspicace et ironique. C’est une œuvre légère et originale qui dénote parmi les milliers d’ouvrages et manuels nous promettant les clefs du “bonheur”.

À travers des exemples astucieux et des observations incisives, l’auteur nous invite davantage à décortiquer les subtilités de nos comportements autodestructeurs et les pièges que nous tendons à nous-mêmes. En fin de compte, « Faites-vous même votre malheur » nous rappelle avec humour que si nous possédons le pouvoir de bâtir notre propre malheur, l’inverse paraît alors tout aussi envisageable.

Sylvain Gammacurta

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