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L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera

Contexte

L’Insoutenable légèreté de l’être est un roman écrit en 1984 par la plume de Milan Kundera, se déroulant principalement à Prague entre les années 1960 et 1970. Il explore la vie artistique et intellectuelle de la société tchèque au cours de la période communiste. Une véritable pépite psycho-philosophique et je pèse mes mots avec une accablante légèreté.

Les personnages principaux sont Tomas, un brillant chirurgien, Tereza sa femme, la figure féminine principale, une photographe angoissée par les infidélités de son mari, Karénine leur fidèle chienne, ainsi que Sabine, la maîtresse “principale” de Tomas, une artiste à l’esprit libre et Franz, un universitaire suisse romantique et amoureux de Sabine.

Personnages et symboliques

Chacun des 4 personnages incarne une idéologie, une figure métaphorique :

Tomas représente l’ambiguïté, le paradoxe à la fois mari et volage, autrement dit, éthique et esthétique, il constitue à lui seul « l’insoutenable légèreté ».

Tereza représente la morale, femme fidèle dévouée à son mari, prônant l’amour pur, la légèreté de Tomas lui est oppressante.

Sabine représente la légèreté, qui est selon l’auteur le trait marquant de la modernité par son esprit transgressif.

Franz, comme Tereza, représente la pesanteur. Ce personnage rêveur est englué dans un mauvais mariage et incarne le vieux monde.

Tomas est amoureux de Tereza et Tereza est éperdument amoureuse de Tomas mais jalouse de part ses infidélités. Cette jalousie, qu’elle tente de dominer le jour, se réveille la nuit sous forme de cauchemar. Tomas se trouve quant à lui déchiré entre son amour pour elle et ses tentations libertines qui lui collent à la peau.

Sabina, la maîtresse préférée de Tomas, quitte Franz, son grand amour genevois, et court après sa liberté, pour ne trouver à la fin que «l’insoutenable légèreté de l’être». 

Ce livre n’est pas qu’une simple histoire d’amour

Il déborde de réflexions et invite à méditer sur la vie. Ces pages reflètent la volonté de l’auteur d’interroger la situation existentielle de l’homme. Philosophiquement et psychologiquement, les personnages sont des « ego-expérimentaux », des archétypes, qui permettent d’explorer la complexité des individus et de leurs paradigmes sans jamais les juger.

Les personnages interagissent avec une seule obsession en tête : donner un sens à leur vie… Sens qui n’en a probablement beaucoup moins que nous aimons nous imaginer, l’humanité vivant comme un parasite de la vache (et de la nature) comme le ténia vit en parasite de l’homme, collé à leur pis comme une sangsue, rejoignant la considération de Descartes pour l’animal comme une machine animée.

En effet, quelle qualité, de la gravité ou de la légèreté, correspond le mieux à la condition humaine ? Et où s’arrête le sérieux pour céder la place au frivole, et réciproquement ? 

Éternel retour vs existence éphémère

Très vite dès le début du livre l’auteur fait référence à l’éternel retour, une idée mystérieuse avec laquelle Nietzsche a mis bien des philosophes dans l’embarras. Pour Kundera, le mythe de l’éternel retour affirme, par la négation, que la vie qui disparaît une fois pour toutes, qui ne revient pas, est semblable à une ombre, est sans poids, est morte d’avance, et fût-elle atroce, belle, splendide, cette atrocité, cette beauté, cette splendeur ne signifient rien. Dans ce monde-là tout est d’avance pardonné et tout y est cyniquement permis.

 « Le temps humain ne tourne pas en cercle mais avance en ligne droite. C’est pourquoi l’homme ne peut être heureux puisque le bonheur est désir de répétition. »

Si chaque seconde de notre vie doit se répéter un nombre infini de fois, nous sommes cloués à l’éternité comme Jésus-Christ à la croix. Cette idée est atroce. Dans le monde de l’éternel retour, chaque geste et chaque choix porte le poids d’une insoutenable responsabilité. C’est ce qui faisait dire à Nietzsche que l’idée de l’éternel retour est le plus lourd fardeau. 

Si l’éternel retour est le plus lourd fardeau, nos vies, sur cette toile de fond éphémère, dénué de sens, que délivre l’auteur, peuvent apparaître également dans toute leur splendide légèreté.

Mais la pesanteur est-elle vraiment atroce et belle la légèreté ? Plus lourd est le fardeau, plus notre vie est proche de la terre, et plus elle est réelle et vraie.

En revanche, l’absence totale de fardeau, d’engagements et de sens, fait que l’être humain devient plus léger que l’air, qu’il s’envole, qu’il s’éloigne de la terre, de l’être terrestre, qu’il n’est plus qu’à demi réel et que ses mouvements sont aussi libres qu’insignifiants.

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Pesanteur et légèreté

Alors que choisir ? La pesanteur ou la légèreté ? Peut-être un savant mélange des deux ? Pour les praticiens d’hypnose qui aime s’inspirer du travail de Milton Erickson, fort à parier que vous retrouverez nombres de situations, d’histoires ou de métaphores qu’ils seraient hypothétiquement possibles d’agrémenter en séance dans un processus de « Splitting / Linking » autrement dit Clivage/Liaison, l’un des mécanismes mentaux assez commun. Les gens ont en effet tendance à diviser leur monde en plusieurs morceaux (corps/esprit, volonté/imagination, conscient/inconscient, bien/mal…), ces distinctions donnent du sens au monde, à nos comportements ainsi qu’a l’interprétation de nos expériences.

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Parménide s’est posé cette question au 5 siècle avant J.C. Selon lui, l’univers est divisé en couples de contraires : la lumière-l’obscurité, le chaud-le froid, l’être-le non-être. Il considérait qu’un des pôles de la contradiction est positif, l’autre est négatif. Cette division en pôles peut nous paraître d’une puérile facilité.

Kundera semble alors affirmer que la légèreté est ambiguë, à la fois positive par la liberté qu’elle offre et négative par exemple par le poids de la vacuité de ce qui est. Personne n’a de mission et c’est un énorme soulagement de s’apercevoir qu’on est libre, que l’on n’a pas de mission. 

Même au niveau politique, Kundera estime qu’au sein de la droite et de la gauche, il est pratiquement impossible de définir l’une ou l’autre de ces notions par des principes théoriques quelconques sur lesquels elles s’appuieraient, les mouvements politiques ne reposant pas sur des attitudes rationnelles mais davantage sur des représentations, des images, des mots, des archétypes dont l’ensemble constitue tel ou tel kitsch politique. Et nous tous avant de sombrer dans l’oubli seront changés en kitsch, la station de correspondance entre l’être et l’oubli.

Alors peut-être avons-nous seulement besoin de quelqu’un qui nous regarde ?

Dans cette interdépendance, il y a celui qui cherche le regard d’un nombre infini d’yeux anonymes, celui qui ne peut vivre sans le regard d’une multitude d’yeux familiers, celui qui a besoin d’être sous les yeux de l’être aimé et le plus rare, celui qui vit sous les regards imaginaires d’êtres absents.

Il est facile de s’accabler de reproches, mais c’est pourtant bien normal de ne pas savoir ce que l’on veut. L’homme ne peut jamais savoir ce qu’il faut vouloir car il n’a qu’une vie et il ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures. Il n’existe aucune comparaison, tout est vécu tout de suite pour la première fois et sans préparation. Comme si un acteur entrait sur scène sans avoir jamais répété.

Il est donc intéressant de se méfier parfois des « signes », « coïncidences », ces « métaphores » que nous interprétons de manière idyllique, alors qu’ils ne sont peut-être que des histoires que l’on s’invente pour mieux s’enfermer dans un destin, un sens, un besoin, par ce que les neurosciences nomment aujourd’hui les biais de saillance et de confirmation ?

Mais que peut valoir la vie, si la première répétition de la vie est déjà la vie elle-même ? C’est ce qui fait que la vie ressemble toujours à une esquisse. Mais même “esquisse” n’est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l’ébauche de quelque chose, la préparation d’un tableau, tandis que l’esquisse qu’est notre vie est une esquisse de rien, une ébauche sans tableau.

Jamais, peut-être, chez Kundera, la gravité et la désinvolture n’ont été unies comme dans ce texte. Le bonheur emplit l’espace de la tristesse et la mort elle-même a ici un visage double : celui d’une douce tristesse onirique et celui d’une cruelle farce sombre. Car ce roman est aussi une méditation sur la mort : celle des individus, des idées, des histoires,  mais, en outre, celle possible de notre vieille Europe. 

Pour en revenir à l’éternel retour, il suggère une philosophie de l’histoire statique, alors que Kundera croit davantage en une histoire dynamique, il croit au progrès, aux changements.D’ailleurs l’auteur nous apprend au rythme des chapitres que la vie est un paradoxe insolvable.

En témoigne l’évolution de chacun des personnages, dont chacun s’oriente vers un pôle opposé à leur choix initial.

Plus qu’un simple roman, Kundera livre ici plusieurs réflexions sur la sexualité, la subjectivité des croyances, le corps, la liberté, mais aussi sur l’existence, l’éros et la division de l’univers parménidien qui ne tient qu’à nous d’interroger ou simplement de vivre différemment.

Sylvain Gammacurta, Hypnothérapeute

Sources :

L’insoutenable légèreté de l’être, Milan Kundera, Gallimard

https://www.franceculture.fr/

https://la-philosophie.com/

https://classe-internationale.com/

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