Jay Haley , Un thérapeute hors du commun : Milton H. Erickson
Jay Haley (19 juillet 1923– 13 février 2007) est un pionnier américain de la thérapie familiale, membre fondateur de l’école de Palo Alto. Il fut pendant dix-sept ans l’élève d’Erickson.
Il est célèbre dans le monde de l’hypnose et de la psycho-sociologie pour être à l’origine de la thérapie brève. Cet américain a également participé à la naissance du concept de thérapie familiale.Haley et John Weakland rendent souvent visite chez Erickson à Phoenix, où ils passent de longues heures à discuter avec lui de la nature de l’hypnose et à l’observer lorsqu’il travaille avec ses patients.
Cet ouvrage présente de façon claire et précise la philosophie ainsi que la manière d’être et d’agir d’un des plus grand hypnotiseur et thérapeute de tous les temps, à savoir : Milton Erickson (1901-1980).
Erickson a une vision novatrice du changement, qui selon lui vient d’un travail de va-et-vient entre le niveau intra-psychique et le niveau comportemental/relationnel.
Une des caractéristiques d’Erickson consiste à nouer des liens très forts avec une personne. Il est essentiel que le patient soit l’objet de toute l’ attention du praticien et ressente l’impact de sa personnalité.
Thérapies stratégiques
Une autre caractéristique majeure du travail d’Erickson est la mise en place d’une dimension stratégique dans l’accompagnement. Une thérapie est stratégique lorsque le praticien provoque majoritairement ce qui se passe au cours de la thérapie et prévoit une approche particulière pour chaque problème. Il est donc nécessaire qu’il possède de très bonnes notions sur les mécanismes psychologiques de la pensée.
Il doit être capable et compétent afin d’identifier les problèmes, fixer des objectifs, prévoir des interventions qui permettent d’atteindre ces objectifs, apprécier les réponses qu’il reçoit afin d’adapter son approche, et, en dernier lieu, vérifier le résultat de sa thérapie pour voir si elle a été efficace. Cette dimension stratégique est une véritable révolution dans l’accompagnement car les praticiens pendant la première moitié du siècle, de part leur formation et sous l’influence de la psychanalyse, de la thérapie rogérienne (approche centrée sur la personne de Carl Roger), et de la psychodynamique en général, avait une approche moins “active” (analyse, interprétation…).
On considérait comme “manipulation” le fait de concentrer ses efforts sur un problème ou d’intervenir de propos délibérés dans l’existence de quelqu’un.
Le thérapeute doit ressentir une affinité profonde envers le patient et son milieu social, et en avoir une perception intuitive.
Erickson a redéfini “la transe hypnotique” non dans l’état d’une seule personne, mais un type spécial d’échange mutuel entre deux individus.
Selon ce point de vue, l’hypnose est un processus interrelationnel et non caractérisé comme une expérience religieuse, une situation de transfert ou un processus conditionné comme cela était fréquent de l’imaginer par le passé, mais davantage une façon utilisée par quelqu’un pour communiquer avec quelqu’un d’autre.
Au niveau le plus général, l’objectif de l’hypnothérapeute est de changer le comportement, les réactions sensorielles et la conscience d’une autre personne. La pratique, par le biais d’une relation avec une personne, cherche à accroître le champ d’expérience, pourvoir de nouveaux modes de pensées et donc étendre le domaine des capacités d’un individu.
L’hypnothérapeute pousse son patient à modifier son comportement de façon “spontanée”. L’approche soulève donc un paradoxe car le praticien transmet des messages à deux niveaux simultanés :
Il “ordonne” ou suggère : « faites ce que je dis » et à l’intérieur de ce cadre : « ne faites pas ce que je dis, agissez spontanément ».
Le sujet s’adapte à cet ensemble de consignes contradictoires par un changement, et par une manière que l’on appelle comportement de transe.
Il y a ici deux types de consignes :
a) L’hypnothérapeute pousse le sujet à faire quelque chose qui soit une action volontaire, comme par exemple regarder un point, concentrer son attention sur une main…
b) Puis il ordonne au sujet de répondre par un comportement involontaire, ou spontané. Il fait exécuter un mouvement de la main sans que la personne provoque ce mouvement, il suscite une sensation de lourdeur dans les paupières…
Le médecin utilise cette même méthode quand il dit « prenez cette pilule trois fois par jour et vous vous sentirez mieux ». Il demande alors dans un premier temps une chose simple susceptible d’être accomplie suivi d’un changement.
Il existe une autre ressemblance entre hypnose et thérapie. Les deux reposent sur des relations volontaires. Les techniques employées sont appliquées non sur une personne réticente mais sur quelqu’un qui recherche ce type de relation. Toutefois, il arrive souvent que le patient résiste aux consignes proposées même s’ils se sont volontairement mis dans la situation où ils se trouvent.
Encourager la résistance
L’hypnose et la thérapie comportent donc un aspect essentiel, à savoir la nécessité de motiver quelqu’un afin d’obtenir sa coopération totale pour qu’il se conforme aux consignes données, et aussi de composer avec les possibles résistances lorsqu’elles apparaissent.
Erickson a développé des moyens de contourner ces résistances aussi bien pour provoquer l’hypnose que pour affronter des problèmes humains en thérapie. Lorsque quelqu’un présente un symptôme, il manifeste par définition son incapacité à se tirer d’affaire seul.
Les personnes qui manifestent des troubles, des compulsions ou des addictions, persistent à se conduire d’une manière qui les fait souffrir tout en prétendant qu’il ne peuvent pas s’empêcher d’agir comme ils le font. De la même manière, il arrive parfois que le sujet qui se prête volontairement à l’hypnose ne se conforme pas à une consigne. Il ne refuse pas; il signale simplement qu’il est incapable d’accomplir ce qu’on lui demande.
Il est parfois utile, bien que contre-intuitif, d’encourager la résistance.
Lorsqu’on demande à un sujet de laisser sa main devenir légère, et qu’il dise : « ma main devient lourde », l’hypnothérapeute ne va pas lui répondre « maintenant ça suffit ! » Au lieu de cela, il accepte la réponse. Bien plus, il l’approuve vivement en disant « c’est bien ! Votre main va devenir encore plus lourde ».
Cette approche approbative et utilisationnelle est typique de l’hypnose.
Quand on accepte ou encourage la résistance, le sujet se trouve par ce biais, pris dans un situation ou sa tentative de résistance est défini comme un comportement coopérant.
NB : Dans ses supervisions, Erickson insistait sur l’importance d’établir le contact avec le patient sur son propre terrain et de créer des situations dans lesquelles le patient peut prendre conscience de ses propres capacités à modifier sa manière de penser. En d’autres termes, pour Erickson, « la première chose à faire en psychothérapie est de ne pas essayer de contraindre l’être humain à modifier sa manière de penser ; il est préférable de créer des situations dans lesquelles l’individu modifiera lui-même volontairement sa façon de penser ». De manière plus générale, comme le souligne Weakland dès 1956, « Erickson prend tout comme un mouvement vers lui. Il dit que la résistance est une proposition de jeu ; ce qui veut dire qu’il prend l’aspect positif de tout et l’utilise pour construire une interaction… ».
Une fois que le sujet coopère, on peut l’orienter vers un nouveau comportement.
L’analogie dont se sert Erickson est la suivante : il compare cette façon d’agir à celle de quelqu’un qui voudrait changer le cours d’un fleuve.
S’il essaye d’arrêter ce fleuve en s’opposant à la force de ses eaux, il sera entouré et submergé par les flots. En revanche, si il accepte la force du fleuve et le détourne vers une nouvelle direction, cette force creusera un nouveau lit.
Ainsi, dans le cadre d’une thérapie de couple où les conjoints se disputent constamment ; Erickson ne leur dira pas d’arrêter. Il les incitera plutôt à se disputer, mais il modifiera le lieu, le moment, ou tout autre aspect de la dispute. Il en résulte un changement “spontané” dans le comportement du couple.
“Mais, voyez-vous, les gens sont ainsi. Chaque fois que l’on prive quelqu’un de quelque chose, il se met à le réclamer avec insistance. Lorsque je donne à un patient la consigne de faire quelque chose, il a l’impression que je lui donne un ordre. Ce qu’ils veulent, c’est que je n’obtienne pas ce que je leur ai demandé et je me trouve ainsi placé dans une situation d’échec inconfortable. Ils s’emploient à me maintenir dans ce rôle actif de celui qui donne des ordres. Quand je cesse de leur donner des consignes à un moment bien choisi, ils font les choses d’eux-même et se substituent à moi, mais ils ne s’en rendent pas compte.”
Présenter une option plus mauvaise
Un thérapeute préfère qu’un patient adopte de lui-même un comportement nouveau et choisisse seul l’orientation de son existence.
Une des difficultés principales réside à amener un patient à trouver son indépendance à l’intérieur du cadre que le thérapeute considère important.
Dans cette situation, Erickson utilise une technique typique qui consiste à pousser le patient dans une direction de façon à l’inciter à en prendre une autre.
Par exemple, s’il veut amener un patient à une amnésie, il lui dira d’oublier une chose dont il aimerait mieux se souvenir. Le sujet choisira alors d’oublier autre chose de plus cohérent pour lui et de son propre choix.
De la même façon, l’hypnothérapeute peut proposer au sujet un “faux choix”. Il peut donc lui demander s’ il préfère une transe profonde ou légère. Le sujet a donc la possibilité d’éviter la transe profonde en choisissant la transe légère, alors qu’il aurait pu ne jamais opter pour une transe si on ne lui avait pas proposé quelque chose de “pire”.
Erickson dispose d’un grand nombre d’autres méthodes qui font que celui qui a un problème trouve plus difficile de le conserver que de s’en débarrasser.
Par exemple, il demande au patient de faire des exercices à deux heures du matin les jours ou le symptôme se manifeste. D’autres fois, Erickson combine la distraction qui est une technique hypnotique typique , et l’épreuve.
Provoquer un changement et communiquer au moyen de métaphores
Si un patient résiste aux consignes qui lui sont données, un des moyens pour régler ce problème consiste à utiliser des métaphores ou des analogies.
La communication de l’analogie peut être verbale ou non verbale.
En général, lorsqu’un hypnothérapeute suggère qu’une main devient légère, il lève la tête et hausse la voix pour montrer métaphoriquement quel mouvement la main doit accomplir. Le sujet réagit à ce changement spatial et vocal.
L’approche analogique ou métaphorique est particulièrement efficace avec les sujets résistants car il leur est difficile de résister à une suggestion si l’on n’a pas conscience d’y être soumis.
Erickson est un maître dans le domaine des métaphores ; elles lui permettent de transmettre des consignes complexes à ses patients de manière indirecte.
L’exemple d’un industriel compétent, qui après d’importantes pertes financières avait fait une dépression et qui passait son temps à pleurer et ses mains animées d’un incessant mouvement de va-et-vient, venaient frapper sa poitrine est éloquent.
Erickson lui dit : “Vous avez eu des hauts et des bas”, et il lui suggéra de modifier son geste en déplaçant les mains de haut en bas et non plus d’avant en arrière.
Puis à l’aide d’un ergothérapeute ils placèrent dans chacune des mains du patient un morceau de papier de verre et fixèrent entre elles une planche verticale non rabotée. Comme cela il pourrait poncer et polir le morceau de bois.
L’homme commença alors à faire quelque chose de productif, cessa de pleurer, puis se mit à travailler le bois, il sculpta des pièces de jeu d’échecs et les vendit. L’année qui suivit sa guérison et sa sortie d’hôpital, il gagna dix mille dollars dans l’immobilier.
Bien que Erickson utilisait énormément les métaphores,il évitait de donner aux gens une “interprétation” de la signification de leurs métaphores.
Il évite d’interpréter non seulement les énonciations verbales des patients, mais aussi les mouvements qu’ils font avec leur corps.
Il ne voulait pas traduire une communication inconsciente en une communication consciente. Quelle que soit la métaphore utilisée par le patient, Erickson répond en utilisant une métaphore dans le registre employé par le patient afin de provoquer le changement.
Il évite d’interpréter les énonciations verbales mais aussi toutes les communications non verbales. Pour lui, interpréter une communication venant de l’inconscient serait extrêmement et absurdement réductionniste, un peu comme résumer une pièce de Shakespeare en une seule phrase.
Il faut souligner que Erickson utilise les métaphores dans ses stratégies thérapeutiques mais aussi dans sa manière de récolter des renseignements.
Par exemple, s’il demande des informations en questionnant directement sur la famille du patient, les informations recueillies seront placées dans le cadre social de la famille et de l’éducation. En revanche, avec l’utilisation de métaphores, les informations recueillies seront de nature différentes.
Encourager une rechute
Paradoxalement, lorsqu’un patient va mieux, en particulier lorsque l’amélioration est trop rapide, Erickson l’incite à rechuter. Cette approche peut sembler déroutante, mais quand on étudie la résistance en hypnose, cette approche en découle logiquement.
L’un des problèmes typique de l’hypnose est la coopération excessive d’un sujet. Il est alors intéressant de lancer un « défi » au patient. L’hypnothérapeute met le sujet au défi de lui résister, ce qui est une façon d’essayer de ne pas coopérer et de ne pas y parvenir.
L’hypnothérapeute dit par exemple : “Je veux que vous essayez d’ouvrir les yeux et que vous vous rendiez compte que vous ne le pouvez pas.”
Avec un patient trop coopérant, et qui semble guérir trop rapidement (ce que certains thérapeutes considèrent comme de la résistance), il est susceptible qu’il s’enlise dans une suradaptation, de rechuter et de manifester sa déception vis-à -vis de la thérapie.
Pour lutter contre ça, Erickson accepte l’amélioration mais incite le malade à rechuter.
Ainsi, pour le patient, la seule façon de résister est de ne pas rechuter mais de poursuivre son amélioration.
Lorsqu’il emploie cette technique, Erickson la présente en l’agrémentant d’explications pour la faire accepter au patient.
Il dit par exemple :
« Je veux que vous partiez et que vous vous sentiez aussi mal en point que la première fois, quand vous êtes venu me voir avec votre problème, parce que je veux que vous regardiez s’il y a quelque chose de cette époque-là que vous voulez retrouver et conserver ».
Lorsqu’elle est bien appliquée, la consigne de rechute prévient la rechute, tout comme le défi renforce une réaction hypnotique.
Favoriser une réaction en s’y opposant
Il existe une autre manière d’utiliser la résistance pour encourager un patient à amorcer un changement de « manière spontanée ».
Dans le cas d’un sujet sous hypnose ne réagissant que partiellement aux suggestions, Erickson conseille d’inhiber la réaction, comme pour enclencher une frustration. Lorsque le sujet recevra de nouveau la consigne initiale, il réagira plus fortement.
Par exemple, dans ses thérapies familiales, il arrivait souvent qu’ Erickson soit confronté à une famille où l’un des membres ne parlait pas, même si on l’encourageait. Pour dépasser cette difficulté, Erickson choisissait d’empêcher la personne de parler. Cette action provoquait généralement un sursaut de communication de la part de la personne qui avait choisi de ne pas s’exprimer auparavant.
De la même façon, pour faire venir un mari, jusque-là hostile à venir en thérapie avec sa femme, Erickson mentionne un fait avec lequel il sait que le mari sera en désacord, et il dit “ Je suppose que votre mari sera d’accord avec cela”, ou bien “ Je ne suis pas sûr que votre mari comprenne cela.”
Tenu au courant par sa femme de l’incompréhension que manifeste le medecin à son encontre, le mari va faire usage de son libre arbritre et prendre un rendez-vous afin de mettre les choses au point et ce faisant le voila mûr pour la thérapie.
Utilisation de l’espace et de la localisation
Pour Erickson, comme pour bon nombre d’hypnothérapeutes, le sens du temps et de l’espace est une expérience subjective.
Une personne peut être assise dans un endroit et se voir comme si elle se regardait elle-même depuis l’autre bout de la pièce. Elle peut s’imaginer et percevoir que le temps est un autre temps en replongeant dans un souvenir ou encore que le praticien est quelqu’un d’autre.
Les gens s’orientent généralement d’après les indications fournies par la vue et l’ouïe et les modifications introduites dans ses données peuvent modifier la faculté d’orientation de quelqu’un.
Pendant ses thérapies familiales, Erickson pensait que le comportement de chaque membre de la famille pouvait changer si la position de cette personne était modifiée par rapport aux autres. Très souvent, il déplaçait les membres de la famille en leur faisant occuper des sièges différents et en les déplaçant de diverses manières dans son cabinet.
Il lui arrivait aussi de demander à un membre de la famille de sortir de la pièce où se déroulait l’entretien.
Par la suite, Erickson pouvait par exemple demander à la mère de s’installer à la place du père (s’il avait quitté la pièce) ; cette opération pouvant être effectuée avec tous les membres de la famille.
Il espérait ainsi lui procurer de nouveaux points de vue.
Il dira par exemple à la mère : « si vous prenez la place de votre mari, peut-être que cela vous fera un peu partager son point de vue sur moi ».
Ainsi, pendant les séances, Erickson déplaçait les membres de la famille de différentes manières pour les « réorganiser » et introduire un changement.
De la même façon, Erickson pouvait aussi utiliser les déplacements avec les sujets résistants en hypnose.
Il disait par exemple : « vous manifestez une très forte résistance lorsque vous occupez ce siège ». Puis il demandait à la personne d’aller occuper un autre siège, en abandonnant la résistance à l’endroit où elle s’était manifestée auparavant.
Insister sur ce qui est positif
On constate qu’à la fin du XIX siècle, l’idée d’”inconscient” a donné naissance à deux courants de pensées différents.
Freud mettait l’accent sur le fait que l’inconscient était constitué de forces “mauvaises” qui essayaient de franchir la barrière de la conscience.
L’autre courant insistait sur le fait que l’inconscient était une force positive, qui incite la personne à agir au mieux de ses intérêts.
Erickson penche pour ce point de vue et, que ce soit pour l’hypnose ou la thérapie familiale, son travail à tendance à mettre l’accent sur ce qui est positif dans le comportement de la personne.
Erickson suppose qu’il existe chez les gens un désir naturel de développement. Il estime aussi que l’on obtient beaucoup plus du patient, en termes de coopération, si l’on insiste sur ce qui est positif.
Ainsi, il pense que les difficultés que les patients rencontrent ne sont pas négatives, il s’arrange pour trouver dans ces difficultés un ou des aspects susceptibles d’améliorer le fonctionnement d’une personne ou d’une famille.
Il émet l’hypothèse qu’il existe des forces positives qu’il est nécessaire de libérer pour permettre à la personne de s’épanouir davantage.
Par exemple, quand il travaille avec un couple en difficulté, il ne focalise pas son attention sur la façon maladroite dont ils se comportent l’un envers l’autre, mais il cherche dans leur relation un aspect qui mérite d’être mis en valeur et qu’il est possible de développer.
Semer des idées
Au cours de ses inductions hypnotiques, Erickson aimait semer des idées pour ensuite les utiliser comme base de travail.
En d’autres termes, il prépare le terrain pour obtenir plus facilement certaines réactions.
Par exemple, il fixait un cadre lors du premier rendez-vous où il insistait sur certaines idées.
Il préparait ainsi l’attention de ses patients sur certains aspects ciblés pour pouvoir les réutiliser facilement par la suite. Il pouvait alors construire de nouveaux comportements à partir de ceux-ci.
Amplifier une déviation
Erickson cherchait par tous les moyens à obtenir un changement ou une réaction minime. Ensuite, il s’en sert comme base et amplifie cette réaction jusqu’à ce que l’objectif visé soit atteint.
Il déconseille au praticien d’essayer d’en obtenir trop et trop vite au lieu de se concentrer sur ce qui ce produit et l’amplifier.
Si le changement apparaît dans un domaine clé, ce qui peut paraître dérisoire peut changer le système tout entier. Il emploie parfois l’image du trou dans une digue; point n’est besoin d’un très gros trou pour provoquer un changement de la structure de la digue toute entière.
Lorsque l’on travaille dans le domaine de la famille, on constate rapidement qu’il est nécessaire de modifier un système dans lequel les schémas se reproduisent inlassablement et en font un système stable.
Pour changer cela, il existe deux approches appropriées :
- L’une consiste à provoquer une crise au sein de la famille dans le but de déséquilibrer le système pour qu’il se reforme d’une manière différente.
- L’autre consiste à choisir un aspect du système pour provoquer sa déviation. La déviation est encouragée et amplifiée jusqu’à ce que le système s’emballe et soit forcé de se réorganiser selon de nouvelles structures.
Amnésie et contrôle de l’information
Il n’est pas rare qu’un thérapeute croit que l’expression de l’affect et la compréhension du “pourquoi” sont les causes du changement.
Il est donc fréquent qu’il encourage les membres d’une famille à exprimer mutuellement leurs sentiments et les aider à comprendre pourquoi, en fonction des événements résiduels de leur passé, ils se comportent comme ils le font.
Erickson lui ne procède généralement pas de cette façon.
Erickson accordait souvent des entretiens séparés aux membres de la famille qui venaient le consulter. Ensuite, lorsqu’il les rassemblait, il orchestrait ce qui allait être dit et la façon de le dire dans le but que ce qui arrive vienne servir les objectifs visés.
Il pouvait avoir un entretien avec l’épouse et lui donner certaines consignes ; il pouvait donner des consignes différentes lorsqu’il rencontrait le mari. Par ailleurs, il n’encourageait pas le couple à discuter entre eux des échanges qu’ils avaient eu avec lui ; au contraire, il leur conseillait plutôt de ne rien dire.
Erickson donnait souvent des consignes séparées qui par la suite permettraient au couple de reprendre un dialogue direct et constructif afin de se réconcilier.
Erickson s’arrangeait pour ne pas prendre régulièrement parti pour un membre de la famille contre l’autre. Il préférait exercer son influence sur chacun des membres de la famille en maîtrisant soigneusement la manière de répartir les informations entre eux.
L’idée est de canaliser les passages des idées de l’inconscient au conscient.
Éveil et désengagement
Erickson attachait une grande importance à réaliser l’autonomie des membres de la famille plutôt qu’à amener l’unité.
Lorsqu’il y existe une difficulté avec un enfant, il a tendance à chercher lequel des parents à une relation trop intense avec l’enfant, puis il intervient pour mettre davantage de distance et d’espace entre eux, car les relations dyadiques* intenses peuvent bloquer les possibilités d’échange avec d’autres personnes.
(Une dyade, en sciences sociales, est un groupe de deux personnes, le plus petit groupe social possible)
Jay Haley compare ce processus de désengagement de la dyade au processus de réveil hypnotique. Dans les deux cas, Erickson concentre son attention sur son sujet et cherche à provoquer chez ce dernier une réaction due entièrement à son influence et non à d’autres stimuli. Erickson possède une grande expérience dans la façon d’éveiller les gens et il utilise cette connaissance pour intervenir dans le changement de comportement des membres d’une dyade familiale trop intense.
Éviter l’introspection
Autant Erickson est porté à entreprendre un travail destiné à modifier une relation, autant il est peu enclin à concentrer son énergie pour aider les gens à comprendre pourquoi ou comment les rapports qu’ils entretiennent ne sont pas satisfaisants.
Ce qui apparaît fondamental dans son approche, c’est l’absence d’interprétation de ce que l’on suppose être les causes du comportement.
Pour Erickson, si on essaie d’aider les gens à comprendre la raison pour laquelle ils se comportent d’une telle manière, on empêche un réel changement thérapeutique. Pour lui, il est plus important de viser à inhiber certains comportements et à en renforcer d’autres.
Erickson a reçu une formation classique de psychiatre, et pourtant il a suivi sa propre voie. A l’époque, les objections formulées par Freud à l’encontre de l’hypnose avaient “interdit” la pratique de cet art à plusieurs générations de psy. Même les praticiens qui utilisaient l’hypnose pratiquaient davantage l’hypnoanalyse et ramenaient au niveau du conscient les traumatismes passés et les idées inconscientes.
Il est alors plus facile de dire ce que ne fait pas Erickson lors de la thérapie que de décrire ce qu’il fait. Son style ne consiste pas à aider les gens à comprendre leurs difficultés, pas d’examen de motivations, pas même de reconditionnement. Sa théorie du changement est plus complexe; elle repose sur l’impact interpersonnel du thérapeute sans que le patient en prenne conscience. Elle inclut l’attribution de consignes qui amènent un changement de comportement et insiste sur la communication métaphorique.
Le cycle de la vie familiale
Plus que d’autres thérapeutes, Erickson garde à l’esprit les processus “normaux” ou ordinaires de la vie humaine.Souvent, la façon dont se terminent ses histoires de cas semblent évidentes parce que ses objectifs sont généralement très simples.
Quel que soit le stade de la vie familiale, le passage à l’étape suivante est un passage crucial dans l’évolution d’une personne et de sa famille.
Sa thérapie est donc plus facile à comprendre si l’on tient compte des processus évolutifs de la famille et des moments de crise que l’on observe lorsque les gens passent d’une étape à l’autre au cours du cycle de la vie familiale.
Tout en s’attachant étroitement à traiter les symptômes, la stratégie d’Erickson a comme objectif plus large de résoudre les problèmes familiaux pour remettre le cycle en marche.
Néanmoins, un clinicien doit être ouvert et se garder d’émettre des jugement de valeur sur les différentes manières de vivre susceptibles d’être rencontrées, tout en gardant présent à l’esprit les stades d’évolution de la famille afin d’avoir des points de repère qui lui permettent d’identifier les phases critiques.
La liberté et l’épanouissement d’un individu dépendent de la réussite de son insertion dans un groupe naturel et de sa participation à l’évolution de ce groupe. On pourrait penser naïvement que l’individu isolé socialement jouit d’une liberté plus grande que celui qui s’implique dans l’amour et le travail, mais on s’aperçoit que ce n’est pas le cas si l’on tient compte des limitations qui entravent cet individu isolé.
Il y a deux manières classiques d’adapter quelqu’un à sa situation sans le faire changer ou évoluer.
L’une consiste à stabiliser cette personne en lui prescrivant des médicaments.
L’autre méthode d’adaptation consiste à entreprendre une thérapie longue durée dont l’objectif majeur est d’aider la personne à comprendre l’ histoire de son enfance et la manière erronée dont elle perçoit le réel plutôt que cette réalité telle qu’elle se présente pour elle ici et maintenant.
Les symptômes font d’ordinaire leur apparition lorsque quelqu’un se trouve dans une situation inextricable à laquelle il essaye d’échapper. Sauf en de rare occasion, un symptôme ne peut être guéri que si l’on provoque un changement fondamental dans la situation sociale de la personne afin que celle-ci ait toute latitude de se développer et de s’épanouir.
La suite du livre est parsemé d’études de cas et de réalisations d’Erickson qui sont classés sous différentes étapes cruciales des cycles de la vie familiale :
- Les rituels de séduction et l’évolution du jeune adulte
- Modification de la personnalité du jeune adulte
- Le mariage et ses conséquences
- La naissance des enfants et l’art de les élever
- Le mariage et les dilemmes familiaux
- Comment sevrer les parents de leurs enfants
- De la difficulté de vieillir
Pour aller plus loin : https://livre.fnac.com/a2170984/Jay-Haley-Un-therapeute-hors-du-commun
Autres présentation de livre : https://gammacoachinghypnose.com/psychologie-de-la-connerie
Sylvain Gammacurta, Hypnose.