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Initiation à la Communication Non Violente

Les Mots sont des Fenêtres (ou bien ce sont des Murs) : Initiation à la Communication Non Violente 1/2

Marshall Rosenberg, dans son ouvrage Les Mots sont des Fenêtres (ou bien ce sont des Murs), nous invite à découvrir la Communication Non Violente (CNV), un processus simple mais puissant qui change notre manière d’interagir avec les autres et avec nous-mêmes. Cet article propose de vulgariser les concepts clés de ce livre essentiel à travers une approche accessible et ancrée dans la psychologie des relations humaines.

Initiation à la communication non violente CNV

Apprendre à (re)diriger son attention

Bien que la Communication Non Violente (CNV) soit souvent présentée comme un processus de communication ou un langage de bienveillance, elle va bien au-delà. C’est une invitation constante à diriger notre attention là où nous avons le plus de chances de trouver ce que nous cherchons réellement.

L’auteur aime raconter l’histoire d’un homme un peu ivre, cherchant à quatre pattes sous un lampadaire. Un policier, intrigué, lui demande ce qu’il fait. « Je cherche mes clés de voiture », répond l’homme. « Vous les avez perdues ici ? » demande l’agent. « Non », réplique-t-il, « elles sont tombées dans l’allée. » Voyant l’air perplexe du policier, il ajoute : « Mais c’est mieux éclairé ici. »

Cette anecdote illustre comment nos conditionnements, qu’ils soient culturels ou autres, ont tendance à concentrer notre attention là où nous pensons avoir une chance de trouver ce que nous désirons, même si c’est loin d’être l’endroit où nous devrions vraiment chercher. Marshall Rosenberg a développé la CNV pour nous apprendre à diriger notre attention vers ce qui pourrait véritablement nous apporter ce que nous recherchons, en délaissant les habitudes de pensée inefficaces.

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La Communication Non Violente : Au-delà des mots, une bienveillance relationnelle

La CNV n’est pas seulement un ensemble de techniques pour communiquer plus efficacement, mais une véritable pratique pour cultiver des interactions humaines empreintes de respect, de bienveillance et d’empathie. M. Rosenberg nous apprend que, même dans des situations de stress ou de conflit, il est possible de maintenir ce qu’il appelle des “qualités de cœur”, c’est-à-dire notre humanité, en plaçant notre attention sur ce qui est vraiment important : nos besoins et ceux des autres.

Au lieu de retomber dans les schémas traditionnels de défense, d’attaque ou de retrait, la CNV nous offre une nouvelle perception de nous-mêmes et des autres, en favorisant la compréhension mutuelle et l’harmonie. Elle nous pousse à transformer les jugements en observations, les critiques en expressions de besoins, et les exigences en demandes concrètes. C’est un processus qui nous aide à reconnaître et à libérer selon l’auteur notre “bonté naturelle”, présente en chacun de nous.

Une autres façon de penser et de parler

L’un des enseignements les plus percutants du livre est que les mots, utilisés inconsciemment, peuvent devenir des “murs” qui nous séparent, créant du ressentiment, de l’incompréhension et du conflit stéril. Inversement, bien utilisés, ils deviennent des “fenêtres”, ouvrant la voie à des connexions authentiques. Cela passe par une attention à quatre composantes essentielles :

  1. Observation : Porter un regard neutre sur les faits, sans les colorer de jugement ou d’évaluation.
  2. Sentiment : Identifier ce que nous ressentons face à ces faits, qu’il s’agisse de tristesse, de joie, d’inquiétude ou de colère.
  3. Besoin : Reconnaître quel besoin sous-tend nos émotions. Chaque sentiment découle d’un besoin satisfait ou non.
  4. Demande : Formuler clairement une demande, concrète et réalisable, pour répondre à nos besoins.
Initiation à la Communication Non Violente

Dans un premier temps nous observons ce qui se passe réellement dans une situation donnée : qu’est-ce qui dans les paroles ou les actes d’autrui contribuent ou non à notre bien-être ? L’important est de parvenir à énoncer ses observations sans y mêler de jugement ou d’évaluation, ce qui revient à dire simplement quels sont les faits que nous apprécions ou n’apprécions pas. 

Puis nous disons ce que nous ressentons en présence de ces faits : sommes-nous tristes, joyeux, inquiets, amusés, fâchés ? 

En troisième lieu, nous précisons les besoins à l’origine de ses sentiments. C’est la conscience de ces trois composantes qui nous permet de nous exprimer clairement et sincèrement en communication non violente

Prenons un exemple simple :

Une mère pourrait dire à son fils adolescent :

“Félix, quand je vois 3 chaussettes sales sous la table du salon et deux autres sous la télé, je suis de mauvaise humeur parce que j’ai besoin de plus d’ordre dans les pièces que nous partageons.”

Elle compléterait aussitôt en exprimant la quatrième composante, à savoir une demande précise et concrète : 

“Tu veux bien ranger tes chaussures ou les mettre au sale ? 

Ce dernier élément indique précisément ce que l’on désire de la part de l’autre afin que nos vies soient plus agréables. 

Il est important de préciser que la communication non-violence s’adapte à toute variété possible de situations, de même qu’au style personnel et culturel de chacun.

Initiation à la Communication Non Violente

Les Pièges de la Communication Aliénante

Rosenberg nous met en garde contre les pièges du langage “aliénant”, qui divise et blesse. Ce type de communication repose principalement sur des jugements moralisateurs, des comparaisons, et le refus de responsabilité..

Ces schémas nous éloignent de la bienveillance et nous enferment dans un système de pensées polarisées : le bien contre le mal, le bon contre le mauvais.

Article intéressant à ce sujet : Quand le « bien » justifie les actes.

Jugements moralisateurs

Un des principaux modes de communication aliénante est l’usage des jugements moralisateurs, qui consistent à qualifier une personne de « bonne » ou « mauvaise » lorsque ses actions ne correspondent pas à nos valeurs. Des expressions comme « Tu es tellement égoïste » ou « Elle est paresseuse » reflètent ce type de jugement. Reproches, insultes, dénigrement, étiquetage sont des exemples classiques de ces jugements, qui figent les comportements et engendrent des tensions.

Comme l’écrivait le poète soufi Jalâl al-Din Rumi : « Par-delà les notions de bien et de mal, il y a un champ. C’est là-bas que je te retrouverai. » 

La communication aliénante enferme pourtant dans un monde polarisé où tout est jugé comme bon ou mauvais, normal ou anormal. Quand nous adoptons ce langage, notre attention se porte sur les torts supposés de l’autre, au lieu de nous concentrer sur les besoins non satisfaits qui sous-tendent les comportements.

Prenons un exemple :

Si ma compagne a besoin de plus d’attention que je ne lui en accorde, je pourrais la qualifier de « dépendante/exigeante ». Si c’est moi qui cherche plus de tendresse, je pourrais juger qu’elle est « insensible, froide ou distante ». Ce mode de pensée est tragique car il attise les réactions de défense, voire de ressentiment, sans résoudre les vrais besoins.

Cependant, il est crucial de distinguer les jugements de valeur des jugements moralisateurs. Un jugement de valeur reflète les qualités que nous estimons importantes, telles que l’honnêteté ou la liberté. Les jugements moralisateurs, eux, cataloguent les gens comme « bons » ou « mauvais »

Nous dirons ainsi : “La violence est un mal, les gens qui en font preuve sont mauvais.”

Si nous avions été élevés dans une langue du cœur, nous aurions appris à exprimer directement nos besoins et nos valeurs, plutôt que d’attribuer des torts à autrui lorsque ces valeurs et besoin ne sont pas satisfaits.

Nous pourrions par exemple reformuler la phrase précédente sur la violence : 

“Je redoute l’usage de la violence pour résoudre les conflits. je tiens à résoudre les conflits par d’autres moyens.” 

Les recherches du psychologue O.J. Harvey montrent que plus une culture utilise des jugements étiquetant les individus, plus la violence y est courante. Dans les sociétés où l’on pense en termes de besoins humains plutôt que de torts à corriger, la violence est moins présente. 

Dans 75 % des émissions pour enfants diffusées aux heures de grande écoute à la télévision américaine, le héros règle le problème en tuant les méchants ou en leur infligeant une sévère punition. La violence devient ainsi le point culminant de l’intrigue, captivant un public déjà conditionné à penser que les « méchants » méritent d’être punis.

Qu’elle soit verbale, psychologique ou physique, qu’elle se manifeste au sein de la famille, entre tribus ou entre nations, la violence découle souvent d’un mode de pensée binaire qui attribue le conflit aux torts de « l’adversaire« . Ce raisonnement empêche de reconnaître la vulnérabilité, que ce soit la nôtre ou celle de l’autre, ainsi que les émotions sous-jacentes : nos peurs, désirs ou besoins.

Par exemple, dire : “Tu es égoïste” ne fait qu’accroître le conflit en créant de la défensive chez l’autre. En revanche, reformuler cette critique en termes de besoin insatisfait (par exemple, “Quand tu ne m’écoutes pas, je me sens frustré car j’ai besoin de soutien”) ouvre un dialogue respectueux et constructif.

Article relatif : Ecouter et dialoguer avec humilité, plutôt que juger et imposer sa vision du monde

Comparaisons

Une autre forme de jugement aliénant réside dans les comparaisons. Dans “Le manuel du parfait masochiste”, Dane Greenburg illustre avec humour à quel point ce type de pensée peut être destructeur. Se mesurer aux standards de beauté véhiculés par les médias conduit inévitablement à la frustration et à l’insatisfaction de soi.

Mais ce phénomène ne se limite pas aux aspects superficiels. Si l’on se compare, par exemple, à Mozart en se rappelant qu’il parlait plusieurs langues et avait composé de nombreuses œuvres à seulement douze ans, il devient facile de dévaloriser ses propres accomplissements. Ce genre de comparaison, aussi tentant soit-il, n’aboutit qu’à un sentiment d’échec et freine toute bienveillance, non seulement envers nous-mêmes, mais aussi envers les autres.

Refus de responsabilité


Un autre aspect de la communication aliénante est le refus d’assumer ses responsabilités. Ce phénomène se manifeste souvent à travers des expressions du type « tu me fais », qui révèlent comment notre langage nous pousse à rejeter la responsabilité de nos propres sentiments et actions.

Nous nions nos responsabilités lorsque nous attribuons la cause de nos actes à des facteurs externes, tels que :

  • Des forces impersonnelles ou vagues (« J’ai nettoyé ma chambre parce que j’y étais obligé. »)
  • Notre état de santé, des diagnostics, ou des antécédents personnels (« Je bois parce que je suis alcoolique. »)
  • Les actions des autres (« J’ai frappé mon enfant parce qu’il courait dans la rue. »)
  • L’autorité (« J’ai menti parce que mon patron me l’a demandé. »)
  • La pression sociale (« J’ai commencé à fumer parce que mes amis fumaient. »)
  • Des règlements, lois ou normes sociales
  • Des rôles assignés en fonction du sexe ou du groupe social
  • Des impulsions prétendument incontrôlables.

Comme l’écrivait Georges Bernanos :

« Je pense depuis longtemps que si un jour les méthodes de destruction de plus en plus efficaces finissent par rayer notre espèce de la planète, ce ne sera pas la cruauté qui en sera la cause, ni l’indignation qui l’accompagne, ni même les représailles qu’elle suscite… mais bien la docilité, l’absence de responsabilité de l’homme moderne, sa servile soumission à chaque décret public. Les horreurs auxquelles nous assistons aujourd’hui ne signalent pas une montée des rebelles et des insoumis, mais bien l’augmentation des hommes obéissants et dociles. »

En d’autres termes, nous devenons dangereux lorsque nous perdons conscience que nous sommes responsables de nos actes, de nos pensées et de nos sentiments/ressentiments.

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Exigences et conception de la nature humaine

Une autre manifestation de la communication aliénante consiste à exprimer ses désirs sous forme d’exigences. Cette manière de communiquer implique également la croyance que certaines actions méritent une récompense, tandis que d’autres nécessitent une punition. Marshall Rosenberg, soutient que le véritable changement ne devrait pas découler de la peur de la sanction, mais plutôt d’une prise de conscience individuelle des bienfaits que ce changement peut apporter.

Rosenberg explique que les origines de cette forme de communication remontent à des conceptions anciennes de la nature humaine, profondément enracinées dans les mentalités. Ces conceptions mettent l’accent sur les défauts et les imperfections inhérentes à l’homme, et sur la nécessité de contrôler ces tendances par une éducation rigide. Cette éducation nous pousse à douter de la légitimité de nos sentiments et de nos besoins, et nous apprenons très tôt à ignorer notre écoute intérieure.

De plus, la communication aliénante est à la fois le produit et le soutien des sociétés fondées sur des principes hiérarchiques ou de domination. Dans un système où une minorité contrôle la majorité à son avantage, il est essentiel pour ceux qui détiennent le pouvoir que la population adopte une mentalité d’asservissement. Le langage réprobateur, fait de “je dois” et “il faut”, sert cet objectif. Or cette éducation nous engage souvent à nous demander s’il y a quelque chose de faux dans les sentiments et les besoins que nous éprouvons, et nous apprenons très tôt à nous fermer à l’écoute intérieur.

En revanche, lorsque nous sommes à l’écoute de nos sentiments et de nos besoins, nous ne sommes plus soumis à ces dynamiques de domination. Nous devenons alors capables de nous affranchir des autorités extérieures et de reprendre le pouvoir sur nos vies.

La CNV révolutionne la communication

La CNV dépasse largement la simple technique de communication. Elle propose un changement de paradigme qui touche à la manière dont nous pensons, ressentons et interagissons avec le monde. C’est un retour à ce qui est fondamental dans la relation humaine : l’empathie et la recherche de solutions mutuellement satisfaisantes.

L’approche de Rosenberg est particulièrement utile dans des sociétés hiérarchisées ou dominées par des systèmes de pouvoir, où la communication tend à être agressive ou punitive. En rétablissant un langage du cœur, la CNV nous invite à transformer nos conflits en opportunités de croissance personnelle et collective.

Un mot sur l’auteur

Marshall Bertram Rosenberg est un psychologue américain né le 6 octobre 1934 à Canton (Ohio) et mort le 7 février 2015 à Albuquerque (Nouveau-Mexique). 

Un incident marquant fut la violence qu’il a vécue en tant qu’enfant juif dans un quartier difficile, ce qui l’a conduit à s’interroger sur la nature de l’agression humaine et sur la manière de désamorcer les conflits.

Sa rencontre avec le psychologue humaniste Carl Rogers, père de la thérapie centrée sur la personne, a été décisive. Rosenberg s’est formé à ses côtés et a intégré l’empathie et l’écoute active comme piliers de son approche. Il s’est également inspiré de figures spirituelles comme Gandhi, qui prônait la non-violence, et de la pensée du poète soufi Jalal al-Din Rumi. Cette combinaison de psychologie, de spiritualité et d’activisme social a façonné la CNV en tant que méthode de communication, mais aussi comme un véritable art de vivre.

Marshall Rosenberg

Marshall Rosenberg propose une définition du processus de la CNV qui, selon lui, est continuellement remis en question :

« La Communication Nonviolente, c’est la combinaison d’un langage, d’une façon de penser, d’un savoir-faire en communication et de moyens d’influence qui servent mon désir de faire trois choses :

– me libérer du conditionnement culturel qui est en discordance avec la manière dont je veux vivre ma vie ;

– acquérir le pouvoir de me mettre en lien avec moi-même et autrui d’une façon qui me permette de donner naturellement à partir de mon cœur ;

– acquérir le pouvoir de créer des structures qui soutiennent cette façon de donner. »

Aujourd’hui, selon l’auteur et psychothérapeute Thomas d’Ansembourg qui propose des séminaires sur la CNV, le processus vise à aider à éclaircir ce que nous vivons. Il ne s’agit pas de l’empathie en tant que telle, mais elle y donne accès. Il ne s’agit pas non plus d’une simple écoute, mais de « se relier efficacement à soi et à l’autre », c’est-à-dire prendre pleinement conscience de ses propres sentiments et de ceux de l’autre.

Conclusion

Le livre de Marshall Rosenberg Les Mots sont des Fenêtres (ou bien ce sont des Murs) est bien plus qu’un manuel de communication. C’est une véritable philosophie de vie qui nous invite à réexaminer nos schémas de pensée et à nous reconnecter avec notre humanité. Dans un monde où les malentendus et les conflits sont fréquents, la CNV est une pratique essentielle pour créer des relations plus harmonieuses et bienveillantes.

Apprendre à observer sans juger, à identifier et exprimer nos sentiments, à reconnaître nos besoins et à formuler des demandes claires est une voie vers des interactions plus authentiques, où chacun peut se sentir entendu, compris et respecté.

Cet article n’est que le début d’un parcours plus vaste que Marshall Rosenberg nous invite à poursuivre. Dans la prochaine partie, nous explorerons des thèmes clés de la Communication Non Violente comme l’identification et l’expression de nos sentiments, comment formuler des demandes claires, ou encore l’importance de l’empathie dans nos échanges. Nous aborderons aussi l’expression de la colère, non pas comme une explosion incontrôlée, mais comme une façon d’exprimer nos besoins insatisfaits. Avec des exercices pratiques, Rosenberg propose des outils concrets pour mettre en pratique ces idées. La suite vous permettra de les appliquer concrètement au quotidien.

Sylvain Gammacurta

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