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Apocalypse cognitive : Le nouvel essai de Gérald Bronner

Apocalypse Cognitive

Aujourd’hui j’aimerai vous parler du nouvel essai du sociologue Gérald Bronner intitulé : « Apocalypse Cognitive ». Si les pages de ce livre sont aussi passionnantes que déroutantes c’est parce qu’elles offrent un point de vue intelligent, éclairé et extrêmement bien argumenté sur la bataille de l’attention dans une situation de dérégulation du « marché cognitif »., que l’on peut également nommer « marché des idées ».

En effet, jamais dans l’histoire, l’humanité n’a disposé d’un tel capital de liberté attentionnelle. Les progrès technologiques, scientifiques et sociaux ont largement contribué à acquitter une partie de l’humanité de la nécessité de survivre et de tâches chronophages. Pour exemple, on travaillait en moyenne deux fois plus au début du XIX siècle en France et le travail représente 11% du temps éveillé sur toute une vie contre 48% en 1800.

L’homme moderne s’est donc peu à peu affranchi des contraintes qui le rendaient peu disponible à l’usage de certaines de ses « fonctions cognitives supérieures« . Certains en ont rêvé, mais avaient-ils vu que ce rêve pourrait se transformer en cauchemar… Nous libérant de tout ce qui peut être traité par un algorithme, peut-être est-ce l’occasion d’être plus humains? Mais est-ce vraiment une « bonne » chose ?

Les « problèmes » que posent la modernité à notre trésor attentionnel.

Cette augmentation historique de notre capital d’attention nous contraint à répondre à une question lancinante : vers quoi allons-nous tourner notre regard ?

Cette libération est la condition nécessaire au progrès humain, que l’auteur considère comme « le plus beau de tous les trésors« , mais celui-ci peut facilement être détourné et même pillé de mille façons.

L’insomnie étend son empire sur nous tous, et surtout chez les plus jeunes, alors que ce temps physiologique est particulièrement important pour la construction de leur cerveau.La faute aux écrans qui tiennent les jeunes éveillés au-delà du raisonnable.Les individus sont sur le qui-vive tels des “dormeurs sentinelles”, habités du sentiment qu’ils pourraient manquer quelque chose.Chez les adolescents ces instruments sont en plus des éléments importants de l’identité sociale, être absent des réseaux peut se payer au prix fort en terme de “popularité”, indice qui est devenu la valeur cardinale de certains.

Article associé : https://gammacoachinghypnose.com/les-ecrans-representent-ils-un-danger-pour-nos-enfants

Cela n’a rien de nouveau mais, longtemps, cette popularité était une notion assez floue, qui ne pouvait pas vraiment être mesurée objectivement. Aujourd’hui les nomenclatures de ces communautés sont objectivées par différentes mesures que sont les likes, partages, followers etc…Une enquête de 2016 révèle que nous consultons en moyenne plus de 221 fois notre smartphone par jour, soit une fois toutes les six minutes. L’empire des sollicitations cognitives s’est progressivement étendu, au point qu’on a créé un néologisme pour désigner cette peur de rater quelque chose : la Fomo (fear of missing out). Les écrans sont en passe de devenir les principaux attracteurs de notre attention.

Si ces technologie étaient majoritairement utilisées de manière réfléchie et constructive, peut-être cela représenterai une activité intéressante en terme de progrès, néanmoins il n’en n’es rien. Les données que révèlent la « face obscure » de l’humanité. C’est l’apocalypse, « l’apocalypse cognitive ». Il ne s’agit pas tant d’une catastrophe, mais plutôt d’une révélation.

L’auteur se réfère au sens du mot latin «apocalypsis», emprunté lui-même au grec, et signifiant «action de découvrir». L’apocalypse cognitive, c’est alors ce que les big data révèlent de nous-même: notre immense propension à la peur, au conflit et à la sexualité. Le sociologue s’amuse par avance de l’interprétation galvaudée qui pourrait être diffusée sur le contenu de son ouvrage, montrant ainsi que les critiques, souvent (59% selon une étude) ne lisent que les titres et non le contenu.

Ce livre n’a rien à voir avec une prédiction de fin des temps, mais est seulement une anthropologie non-naïve, sur les biais attentionnels de notre cerveau.

Ces «invariants cognitifs» ne sont pas des maux en soi, le fait que notre cerveau soit attentif à toutes informations égocentrées, agonistiques, liées à la sexualité ou à la peur, dessine la silhouette d’un homo sapiens bien réel et naturel. Néanmoins lorsqu’ils sont confrontés au monde numérique et à une libéralisation du marché de l’information, ils risquent de nous plonger dans une situation pour le moins indésirable: un affaissement de notre civilisation.

Par exemple, il n’y a pas si longtemps, ceux qui se saisissent des scandales de façon publique étaient les éditorialistes, voire les universitaires. Le plus souvent, ces acteurs prenaient le temps d’exposer la complexité d’une situation sans nécessairement en réduire la portée scandaleuse. Plusieurs études montrent que, désormais, ce sont les réseaux sociaux qui se chargent de rendre virales la colère et l’indignation. Comme l’écrit Molly Crockett, une psychologue de l’université Yale qui a conduit une étude publiée dans Nature à ce sujet, « l’indignation est un feu et les réseaux sociaux sont comme de l’essence. »

Nous vivons dans un monde où le relativisme semble triompher. Tout se vaut : la parole d’un professeur d’université et celle d’un citoyen lambda posant une opinion sans la moindre recherche. C’est ainsi que l’on ne cesse de voir opposer le prétendu « bon sens » au cynisme ou à la « manipulation » des experts. De plus, comme il se passe toujours quelque chose qui mérite notre désapprobation et que les conditions actuelles du marché cognitif nous le font voir, nous sommes en rage sans discontinuer et avons l’impression de vivre dans un monde épouvantable.

La volonté de parler directement au « peuple », et de faire parler directement le « peuple », bien que bénéfique sous bien des angles et fondamentale en démocratie, a pris une ampleur démesurée.Si bien que l’auteur considère que ce « néo-populisme » ( composer d’un récit qui recrute, de démagogie cognitive, argumentum ad populum (sophisme du peuple) de pensées bâties sur l’émotion et des intuitions immédiates, illusion de proximité, focaliser sur l’effet primaire…) est une des conséquence des mutations politiques tel que l’élection de Donald Trump au Etat-unis malgré ses propos incohérents.

« Une analyse spécifique de la rhétorique de Donald Trump montre que, de tous ses prédécesseurs, il est celui qui utilise le moins la pensée analytique et parle avec le plus de témérité.

Gérald Bronner

Alors certes, cette fluidification de l’information peut parfois nous apporter de nombreux atouts. Mais elle apporte également son lot de problèmes en favorisant certaines expressions de nos compulsions qui peuvent nous conduire collectivement au pire, notamment en détournant notre attention par des activités de plaisir à court terme, stériles, abrutissantes qui font revenir sur le devant de la scène l’homme préhistorique. Les plaisirs attentionnels, parce qu’ils sont profondément enfouis dans notre cerveau, sont encapsulés dans les circuits de récompense psychique qui peuvent les rendre addictifs et mortifères, au même titre que le sucre, qui aujourd’hui produit en quantité industrielle met notre santé en danger. 

Les informations qui nous captivent sont celles qui entretiennent nos peurs, confondent causalité et corrélation, relaient notre besoin de nous exhiber et de nous comparer, nous désinhibent de la violence et nous incitent à préférer les satisfactions immédiates du virtuel à la rude confrontation avec le réel. Nos esprits subissent l’envoûtement des écrans et s’abandonnent aux mille visages de la déraison.

Loin d’avoir « dénaturé » l’homme en le soumettant à des dispositifs aliénants, le capitalisme numérique semble faire apparaître les invariants de la nature humaine que nous avons tendance à refouler.

Cette peinture sert d’allégorie à l’apocalypse cognitive , dont les leçons ne sont pas faciles à accepter (scotomisation ; dénis en forme de défense). Il est en effet malaisé de regarder en face cette « tête de Méduse », car elle révèle une image de nous si peu reluisante que nous serions spontanément tenté de la contester. Par contre il peut être intéressant de l’observer à travers ses reflets.

La bataille des récits

Les travaux de Jonathan Gottschall (2013), montrent les êtres humains comme des « animaux narratifs » et font de la fiction un élément aussi important pour l’homme que l’eau pour le poisson. Le célèbre Michael Gazzaniga (2015) ne dit pas autre chose dans son dernier ouvrage en décrivant comment notre cerveau s’abandonne compulsivement à une narration perpétuelle de son environnement (voir aussi Schank et Abelson 1977).

En d’autre terme, il n’est guère de situations énigmatiques auxquelles notre esprit ne cherche à imaginer comprendre et apporter des solutions. Notre cerveau aime donner du sens à notre environnement et entretien des rapports très trouble avec le réel. A savoir que ces récits peuvent devenir auto-réalisateurs ou auto-destructeurs. Ces histoires que l’on se raconte sur nous même ou sur le monde qui nous entoure sont comme des tuteurs pour une plante, elles nous font mémoriser des faits disparates en les organisant autour d’un axe narratif. Et quand nous sommes fixés dans une histoire, il est bien souvent compliqué d’en accepter une autre différente…Saurons-nous alors ne pas laisser les multiples chemins narratifs qui s’offrent à nous nous détourner de notre trésor attentionnel ?

Or lorsqu’un esprit est distrait et qu’il doit décider rapidement, il a statistiquement tendance à endosser des croyances fausses. (Bago, Rand et Pennycook 2020.) De plus plus nous rencontrons le même argument, les même posts ou le même tweet, plus nous avons l’impression qu’il est vrai. (Effet de réitération).

L’affirmation envahissante de cette crédulité parachève l’apocalypse cognitive qui est la révélation fondamentale de ce que nous cherchons souvent à nier…

Avant toute réaction, l’information transite par le thalamus , puis par les structures corticales supérieures (ex : cortex fronto median dorsal, cortex orbito frontal…) et par l’hippocampe. Ce qui veut dire que cette transition d’informations a la possibilité d’aboutir à des inhibitions et donc d’ouvrir la porte à une pensée analytique mais peut aussi capter notre attention et en cas de perception de « danger » nous « emprisonner » dans une réaction de l’organisme par le biais de cycles addictifs, réponses réflexes et automatismes mentaux parfois utiles mais souvent propices aux turpitudes mentales.

Il est alors extrêmement important, d’observer une vigilance particulière sur l‘attention que nous portons à certaines histoires, le crédit que nous accordons à certains individus tentant de réduire la complexité du monde qui nous entoure. Il est plus que jamais nécessaire pour nous et notre civilisation de savoir déjouer si nécessaire nos biais cognitifs (https://gammacoachinghypnose.com/psychologie-de-la-connerie), mettre en suspens certaines de nos boucles addictives, s’extraire de l’immédiateté, philosopher, exercer nos esprits critiques, privilégier la pensée analytique, s’ouvrir aux antithèses, afin de préserver et cultiver ce trésor attentionnel dont nous disposons. En d’autre terme comme pour notre alimentation, apprendre l’équilibre, la nuance et l’exploration méthodique des possibles pour ne pas sombrer dans l’addiction des « sucrerie mentales » nous conduisant à des conséquences parfois désastreuses.

Gérald Bronner est professeur de sociologie à l’Université de Paris, il est membre de l’Académie des technologies et de l’Académie nationale de médecine. Etant spécialisé en sociologie cognitive, ses recherches portent principalement sur les croyances collectives. « Apocalypse cognitive » édité chez Puf.

Sylvain Gammacurta Hypnose.

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