Sylvain Gammacurta Hypnose
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Révolutionner l’apprentissage : quand la neuropsychologie rejoint la pédagogie vivante

Apprentissage, comprendre avant d’enseigner

Nos enfants ne manquent ni d’intelligence, ni de potentiel, mais généralement d’environnements qui respectent les lois naturelles de leur développement.
La plupart des difficultés scolaires trouvent leur origine non dans un manque de volonté ou d’attention, mais dans un décalage entre les attentes éducatives et la maturation des fonctions cognitives.

Article utile à ce sujet : L’esprit absorbant de l’enfant

C’est ce que démontrent deux ouvrages majeurs :

  • Une année pour tout changer (Céline Alvarez, Les Arènes, 2016), fruit d’une expérimentation menée en maternelle à Gennevilliers, où les enfants ont évolué dans un cadre autonome, bienveillant et scientifiquement fondé.
  • Neuropsychologie et stratégies d’apprentissage (Sylvie Jacques & Rémi Samier, Chronique Sociale, 2018), qui synthétise les apports de la neuropsychologie cognitive et propose des pistes concrètes pour accompagner les élèves selon leur profil exécutif.

Ces deux approches convergent : apprendre, c’est d’abord apprendre à organiser son esprit.

Site Internet de Céline Alvarez avec beaucoup de contenu passionnant : Les lois naturelles de l’enfant

Les fonctions exécutives : le noyau invisible de l’intelligence

Sylvie Jacques et Rémi Samier rappellent que les fonctions exécutives reposent sur trois piliers :

  • l’inhibition, capacité à contrôler une impulsion ;
  • la flexibilité cognitive, faculté d’adapter sa stratégie ;
  • la mémoire de travail, qui permet de maintenir et manipuler une information.

Sans elles, l’enfant ne peut ni planifier, ni persévérer, ni comprendre vraiment.
Les auteurs précisent :

« Les fonctions exécutives permettent à l’enfant d’orchestrer son comportement. Sans elles, l’apprentissage reste une suite d’exercices sans intégration. »
(Jacques & Samier, 2018, p. 23)

Ces compétences ne sont pas données d’emblée : elles se construisent au fil des expériences, des interactions et du jeu.

Un enjeu éducatif majeur

Les enseignants et parents exigent souvent de l’enfant qu’il “se concentre” ou “écoute”. Mais, écrivent Jacques & Samier,

« On ne peut pas demander à un enfant de se concentrer s’il n’a pas encore les outils cérébraux pour le faire. »
(ibid., p. 42)

Le rôle de l’adulte est donc de nourrir ces fonctions exécutives par des activités adaptées, et non de forcer une attention encore immature.

Les fonctions exécutives, cet ensemble de processus cognitifs qui permettent de planifier, d’inhiber, de mémoriser et de s’adapter, ne se développent pas sous la contrainte, mais sous l’effet d’un environnement riche, bienveillant et ajusté.

Nourrir ces fonctions, c’est d’abord offrir des situations signifiantes où l’enfant puisse exercer sa curiosité, sa mémoire de travail, sa flexibilité cognitive et son contrôle inhibiteur de manière naturelle. Par le jeu, par la narration, par la coopération, il apprend à réguler ses émotions, à anticiper, à persévérer. Chaque expérience vécue devient alors une micro-expérience d’autorégulation, un entraînement discret mais puissant du cerveau préfrontal encore en maturation.

L’adulte se fait ici tuteur du développement, non d’autorité mais de structure. Il crée les conditions propices à la concentration, un climat émotionnel sécurisant, un cadre clair, des temps de pause, une progressivité des tâches. Il observe, ajuste, soutient sans surcharger. Car vouloir « forcer » une attention immature reviendrait à tirer sur une pousse pour la faire grandir plus vite : on ne stimule pas un développement en l’accélérant, mais en le respectant.

Ainsi, le véritable art éducatif ne réside pas dans la pression mais dans la présence : celle d’un adulte capable de percevoir les besoins neurodéveloppementaux de l’enfant et d’y répondre avec tact, adaptabilité et confiance. Nourrir les fonctions exécutives, c’est en somme accompagner la naissance progressive de la liberté intérieure, en laissant le temps à la maturation d’un cerveau qui apprend avant tout par le lien, le jeu et la joie.

Ce que révèle la pédagogie de Céline Alvarez

Dans sa classe de Gennevilliers, Céline Alvarez a démontré expérimentalement qu’un environnement préparé (autonomie, matériel concret, bienveillance) favorise naturellement le développement de ce fameux système exécutif.


Elle écrit :

« Le passage d’un état de désordre à une personnalité sereine, enthousiaste, épanouie, empathique, confiante et mature semblait être une conséquence directe de l’exercice soutenu des fonctions exécutives. »
(Alvarez, 2016, p. 267)

Son approche ne prône pas une pédagogie “alternative” au sens idéologique, mais un retour au réel biologique et relationnel de l’enfant :

« L’enfant apprend lorsqu’il agit, lorsqu’il choisit, lorsqu’il répète librement une activité qui a du sens pour lui. »
(ibid., p. 98)

Autrement dit : l’autonomie n’est pas un luxe pédagogique, mais une condition de la maturation cérébrale.

L’expérience décrit des modifications concrètes : tri et sélection des activités, aménagement des places de travail, organisation de temps permettant à l’enfant d’être autonome, de faire des choix, de vivre des temps de concentration, de coopération, etc...

L’ouvrage rapporte « qu »en quelques semaines, les enfants sont devenus autonomes, confiants et sereins. Dès la maternelle, ils sont entrés spontanément dans la lecture. »
Elle évoque également une transformation du climat de la classe : de l’ennui à la motivation, de l’indiscipline au calme, d’un manque de persévérance à la créativité

Le rôle de la motivation et du sens

Jacques & Samier insistent : la motivation endogène est le moteur du cerveau apprenant.

« L’attention ne peut être durable que si l’enfant comprend le sens de la tâche et s’y engage activement. »
(Jacques & Samier, 2018, p. 79)

Céline Alvarez rejoint cette idée : les enfants de sa classe se concentraient naturellement plusieurs heures par jour, non parce qu’ils étaient “sages”, mais parce que leurs activités faisaient sens.
L’apprentissage naît de la rencontre entre un besoin intérieur et une stimulation adaptée.

L’apprentissage se produit lorsque deux vecteurs se rencontrent :

  1. Le besoin intérieur de l’enfant : celui-ci peut être conscient ou latent, désir de comprendre, de maîtriser un geste, de communiquer, de créer, de résoudre un problème. Ces besoins émergent des étapes de développement, des périodes sensibles décrites par M.Montessori, ou des moments où la curiosité devient moteur d’exploration.
  2. La stimulation adaptée proposée par l’adulte : elle consiste en activités calibrées pour être suffisamment challenging pour éveiller l’intérêt, mais pas trop pour ne pas provoquer frustration ou désengagement. Cela implique un matériel approprié, des consignes claires, un cadre sécurisant, et des possibilités d’autonomie.

Lorsque ces deux vecteurs se rencontrent, la concentration devient un état naturel, durable, presque euphorique : l’enfant ne « tient pas en place par hasard », il est absorbé par un apprentissage significatif.

Ce phénomène est confirmé par les recherches en neurosciences : des circuits d’attention et de récompense s’activent particulièrement lorsque l’action est volontaire et significative (Dehaene, 2020 ; Diamond, 2013). L’apprentissage n’est plus alors un processus externe imposé, mais un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, où l’enfant construit son savoir en interaction avec le monde et les autres.

Ainsi, la pédagogie d’Alvarez met en évidence une loi simple mais profondément inspirante : l’attention et l’engagement dépendent moins de la contrainte que du sens.

Apprendre à travers le corps et l’émotion

Les découvertes neuropsychologiques confirment ce que les pédagogies intuitives pressentaient : le corps et l’émotion sont des leviers cognitifs.
Les auteurs de Neuropsychologie et stratégies d’apprentissage montrent que :

« Le mouvement, la manipulation et la verbalisation active renforcent les réseaux de la mémoire et la compréhension. »
(Jacques & Samier, 2018, p. 121)

Les neurosciences affectives (Porges, Immordino-Yang, Damasio) soutiennent également que le climat émotionnel influence la plasticité cérébrale.
Un environnement chaleureux, stable, empathique, est littéralement un terreau biologique pour l’intelligence.

Les émotions ne sont pas des distractions ou des « perturbations » de l’apprentissage : elles en sont souvent le moteur.

  • Attachement et sécurité : un enfant qui se sent en sécurité et reconnu a un cerveau prêt à explorer et à apprendre.

Article associé : Hypnose & Attachement : la sécurité relationnelle au cœur du changement

  • Motivation intrinsèque : l’émotion déclenche l’intérêt, la curiosité et la concentration. Par exemple, l’émerveillement face à un phénomène naturel ou le plaisir de réussir une expérience stimule la dopamine (ou même l’anticipation), renforçant l’apprentissage.

  • Mémoire émotionnelle : les expériences chargées émotionnellement sont mieux mémorisées. Un enfant qui vit la joie d’expérimenter « par lui-même » retiendra plus qu’avec une simple explication verbale.

Apprendre à travers le corps et l’émotion, c’est faire en sorte que le geste, la sensation et le sentiment soient liés à l’idée ou au concept.

Quelques exemples concrets :

  • Jeux de rôle : permettre à un enfant de « jouer » une histoire ou un problème mathématique transforme un concept abstrait en expérience vécue.
  • Musique et mouvement : chanter ou danser une leçon active simultanément le rythme, la mémoire et la perception émotionnelle.
  • Mindfulness ou respiration consciente : même chez le jeune enfant, prendre conscience de son corps et de ses sensations favorise la régulation émotionnelle, essentielle pour rester concentré et curieux.

Favoriser la persévérance et la tolérance à l’erreur

L’erreur n’est pas un échec, mais une donnée d’entraînement pour le cerveau.
Jacques & Samier distinguent :

« L’erreur constructive de la faute punitive : l’une apprend, l’autre fige. »
(ibid., p. 95)

Céline Alvarez observait le même phénomène, lorsque l’enfant se corrige seul, son estime et sa rigueur se renforcent.
Ainsi se développe la persévérance, signe d’un cortex préfrontal en maturation. La persévérance est bien plus qu’une vertu, c’est l’expression concrète d’un cortex préfrontal en développement, traduisant la capacité de l’enfant à s’autoréguler, planifier, tolérer la frustration et persister dans l’action. Cultiver cette compétence, par un environnement stimulant et respectueux du rythme cérébral, participe directement à la construction de l’autonomie et de la résilience.

Il est vraiment primordiale de montrer que l’erreur est une étape normale de l’apprentissage, en encourageant à réfléchir sur ce qui n’a pas fonctionné et sur les ajustements possibles.

Concrètement : quelques leviers à la maison et à l’école

1. Formuler clairement et positivement.
Dire “Marche lentement dans le couloir” plutôt que “Ne cours pas”.

2. Réduire la double tâche.
Ne pas demander d’écrire et d’écouter en même temps à un enfant distrait.

3. Offrir des activités de la vie réelle.
Verser, enfiler, plier, couper : ces gestes entraînent l’attention et la coordination motrice.

4. Valoriser l’effort, pas seulement le résultat.
« Tu as essayé plusieurs stratégies pour résoudre ce problème, c’est remarquable »,“Tu as persévéré jusqu’au bout” nourrit la confiance.

5. Cultiver le sommeil.
La mémoire se consolide la nuit, veiller à avoir assez de sommeil.

6. Éviter la surcharge sensorielle.
Trop de bruit, d’écrans ou de consignes dispersent le focus attentionnel.

De l’enfant à la société

Ce qui se joue dans une classe ou un foyer dépasse la pédagogie, il s’agit d’une véritable transformation culturelle.
L’enfant qui apprend à inhiber, planifier, persévérer deviendra l’adulte capable d’écouter, de dialoguer, de coopérer.
Jacques & Samier concluent leur ouvrage par cette phrase lumineuse :

« Investir dans les fonctions exécutives de l’enfant, c’est investir dans la société de demain. »
(Jacques & Samier, 2018, p. 162)

Et Céline Alvarez ajoute :

« Si nous voulons un monde pacifié, commençons par offrir à nos enfants des environnements d’apprentissage qui respectent leur nature. »
(Alvarez, 2016, p. 312)

Chaque décision maîtrisée, chaque frustration tolérée, chaque objectif poursuivi avec constance, s’inscrit comme une graine de citoyenneté, un souffle qui prépare la société de demain à être plus réfléchie, résiliente et solidaire. En nourrissant ces fonctions précieuses, nous semons non seulement l’autonomie et la confiance de l’enfant, mais aussi la matrice d’un monde où la patience, la responsabilité et la créativité seront des forces commun

Comprendre l’apprentissage au-niveau cérébral

Qu’est-ce qu’apprendre ? Que se passe-t-il dans le cerveau ? Samier & Jacques ouvrent l’ouvrage par un panorama des grandes fonctions cognitives : attention, mémoire, fonctions exécutives, motivation, stress.

Ils insistent notamment sur ce principe fondamental : l’attention joue un rôle premier dans tout apprentissage. C’est en effet, ce qui permet de « sélectionner » l’information utile dans un flux continu de stimuli. L’allusion est renforcée par la postface de Jean‑Philippe Lachaud, dont les travaux sur l’attention sont mobilisés : « un jerrican attentionnel dont la taille peut varier et qui peut avoir des fuites en cours de route ».

Les auteurs décrivent les 4 piliers de l’apprentissage : l’attention, l’engagement actif, le retour d’information et la consolidation de l’apprentissage en automatisation. 

Article complémentaire à ce sujet : Le cerveau funambule : Comprendre et apprivoiser son attention grâce aux neurosciences

Loin de rester dans le purement descriptif, l’ouvrage rappelle que lorsqu’une tâche n’est pas automatisée, elle exige un fort effort attentionnel ; dès lors, les situations de double tâche doit être évitée, car elle surcharge les ressources attentionnelles.

Céline Alvarez : Une année pour tout changer
Neuropsychologie et stratégie d’apprentissage

Des stratégies pédagogiques concrètes pour l’attention

L’un des intérêts majeurs du livre réside à mon sens dans l’articulation entre théorie et pratique : les auteurs proposent des stratégies précises, applicables immédiatement dans un cadre pédagogique ou thérapeutique. Je vais les structurer ici en deux grands axes :

A. Préparer un environnement favorable

  • Un local calme, rangé, épuré ; limiter les surcharges visuelles et les distractions (affichage excessif, fenêtres/portes ouvertes, fournitures trop marquées).
  • Placer l’élève face à l’enseignant, à distance des distracteurs.
  • S’assurer que les ressources sont disponibles, et que les consignes sont claires et séquencées.

B. Stimuler l’attention volontaire et la motivation

  • Définir des objectifs clairs et précis, donner du sens à la tâche : « insister sur l’importance et l’utilité de la tâche ».
  • Utiliser un minuteur pour visualiser le temps de travail et le temps restant.
  • Relancer l’attention par des changements d’intonation, des gestes, regard.
  • Attirer sur les points importants
  • Valoriser l’effort plutôt que le résultat : se référer à l’« état d’esprit de développement » de Carol Dweck.
  • Favoriser la motivation intrinsèque (curiosité, sentiment de compétence, autodétermination) tout en restant attentif aux effets dopaminergiques anticipatoires liés à la récompense.

En articulant ces stratégies, le livre rend sensible que mobiliser l’attention, c’est aussi mobiliser la motivation, et que l’un et l’autre s’influencent mutuellement.

La psychologue américaine Carol S. Dweck a mis en lumière deux conceptions fondamentales de l’intelligence et du développement personnel : l’état d’esprit fixe (fixed mindset) et l’état d’esprit de développement (growth mindset).

Selon ses travaux (Mindset: The New Psychology of Success, 2006), les personnes à état d’esprit fixe considèrent leurs capacités comme innées et immuables ; elles redoutent l’échec, perçu comme la preuve d’une insuffisance. À l’inverse, celles à état d’esprit dynamique voient dans les difficultés une opportunité d’apprendre : l’erreur devient une étape du progrès, non une faute.

Cette distinction a des implications profondes dans l’éducation : valoriser l’effort plutôt que le résultat, encourager la persévérance, nourrir la curiosité et la confiance dans la capacité à s’améliorer. En cultivant cet état d’esprit de développement, l’enseignant ou le thérapeute aide l’élève à transformer l’échec en levier d’apprentissage et à ancrer la motivation dans le processus plutôt que dans la performance.

Fonctions exécutives, métacognition et développement de l’élève

Au-delà de l’attention, Samier & Jacques consacrent un chapitre aux fonctions exécutives (inhibition, planification, flexibilité, créativité…) :

« Les fonctions exécutives intègrent différents systèmes, dont l’attention et la mémoire de travail… Elles sont au carrefour des fonctions sensorimotrices, émotionnelles et cognitives. »

Ici encore, l’ouvrage ne reste pas à un niveau abstrait. Il évoque, par exemple, le programme ATOLE développé par Lachaud comme un excellent outil pour cultiver ces fonctions.

ATOLE est un programme de découverte et d’apprentissage de l’attention en milieu scolaire, pour apprendre l’ATtention à l’écOLE (« ATtentif à l’écOLE » © J.P. LACHAUX, INSERM).

Accéder au programme ATOLE : https://project.crnl.fr/atole/attentif-ecole/presentation-0

Outils concrets et pratiques à mettre en œuvre

Voici quelques-uns des outils proposés, avec un repère de traduction pour la pratique en classe ou en accompagnement :

  • La métaphore de la poutre:
    On introduit l’idée que l’attention est comme «tenir sur une poutre» : on équilibre, on vacille, on retrouve l’équilibre. Cela permet aux élèves de visualiser leur attention comme une capacité à stabiliser.
    Mise en pratique : Dans la classe, afficher une image de poutre, demander aux élèves de repérer quand ils «vacillent» attentionnellement (pensée vagabonde), et comment revenir.
  • PIM (Petites Interruptions de Mobilisation)
    Ces «pauses actives» sont intégrées dans la séance scolaire pour relancer l’attention.
    PIM corporels : mouvements rapides, étirements, changement de position.
    PIM intellectuels : mini-exercices cognitifs, mini-consignes différentes ou rapides, pour faire sortir l’élève de la routine et relancer réseaux attentionnels.
    Mise en pratique : Toutes les 20-25 minutes, proposer 30 secondes de PIM corporel (ex : lever, étirement) puis 1 minute de PIM intellectuel (ex : rapide question-réponse).

Pour Lachaux, l’attention n’est pas une qualité abstraite, mais une compétence qui se pratique dans le réel, instant après instant.
Il écrit dans Le cerveau attentif (2011) :

« La clé n’est pas de vouloir être attentif tout le temps, mais de savoir quand et comment revenir à son attention quand elle s’est échappée. »

C’est exactement le rôle des PAM : de courtes actions concrètes, immédiates, exécutables “maintenant”, permettant de passer de la prise de conscience à l’action régulatrice.

PAM = Proposition d’Action Maintenant.
C’est une consigne simple, formulée à la première personne, réalisable dans l’instant présent, qui oriente l’attention de manière délibérée et corporelle.

Une PAM n’est pas un vœu pieux (« je serai plus concentré demain ») ni une injonction générale (« sois attentif ! »), mais une micro-intention concrète et réalisable ici et maintenant, par exemple :

  • « Je pose mon stylo et je respire une fois profondément avant de relire. »
  • « Je regarde le visage de la personne qui parle et j’écoute sa première phrase. »
  • « Je range mon téléphone hors de vue avant d’ouvrir le livre. »
  • « Je note sur mon carnet ce que je voulais faire avant d’ouvrir l’ordinateur. »

Lachaux résume souvent ainsi l’idée :

« Le cerveau adore savoir quoi faire tout de suite. Une intention vague ne le mobilise pas, une action précise oui. »

Le mécanisme cognitif des PAM

Les PAM s’appuient sur les mécanismes de l’attention endogène (volontaire) en sollicitant le réseau fronto-pariétal du cerveau, chargé de la planification de l’action.
Autrement dit : une PAM transforme une intention abstraite en programme moteur concret, ce qui active réellement les circuits neuronaux du contrôle attentionnel.

C’est ce que Lachaux appelle « la boucle attention-action » :

« Une attention efficace repose sur un dialogue continu entre les intentions et les actes. »
(Le cerveau funambule, 2015)

Ainsi, le simple fait de nommer une action immédiate crée une trace neuronale (pré-activation) qui oriente automatiquement la vigilance.

Les critères d’une bonne PAM

Selon Lachaux et son équipe du CRNL de Lyon, une bonne PAM doit être :

CritèreDescriptionExemple
ConcrèteAction observable et brève« Je ferme mon cahier et je regarde le tableau. »
ImmédiateRéalisable maintenant (pas “ce soir”, “demain”)« Je bois une gorgée d’eau et je reprends ma lecture. »
PositiveDécrite en termes d’action (pas d’interdiction)« Je garde les yeux sur ma feuille » plutôt que « Je ne regarde pas ailleurs ».
RépétableFacile à ritualiser« Je vérifie mon souffle avant de commencer. »
Auto-déterminéeChoisie par l’élève/l’individuFavorise la motivation intrinsèque.

La métacognition : apprendre à penser son propre apprentissage

L’intégration de la métacognition dans les pratiques pédagogiques transforme la relation au savoir.
Elle déplace le centre de gravité de l’enseignement, au lieu de viser uniquement la transmission de contenus, elle forme un esprit réflexif, attentif à lui-même, à ses erreurs, à ses ressources.
Cette démarche rejoint les conceptions contemporaines de Carol Dweck (2006) sur la mentalité de croissance vue précédemment : croire que l’intelligence est malléable favorise justement l’usage des stratégies métacognitives et la persévérance.

En somme, pour Jacques et Samier :

« Le véritable apprentissage n’est pas accumulation de savoirs, mais transformation de la manière dont l’élève se représente son propre pouvoir d’apprendre. »

L’apprenant est donc encouragé à se poser des questions sur ce qu’il sait déjà, sur la stratégie qu’il entend mettre en œuvre et sur la façon de maintenir son “équilibre attentionnel”. Cette figure de l’apprenant réflexif renforce l’idée que l’apprentissage est un acte actif, et non une simple réception passive.

L’élève métacognitif apprend à se poser des questions essentielles :

« Qu’est-ce que je sais déjà sur ce sujet ? »,
« Qu’est-ce qui me pose difficulté ? »,
« Quelle stratégie puis-je employer pour y arriver ? ».

Ces interrogations sont des points d’appui majeurs pour développer la conscience cognitive.
Elles transforment l’élève d’un exécutant passif en un acteur conscient de ses apprentissages.

Samier et Jacques soulignent que, chez les élèves en difficulté, cette étape est souvent absente : ils se lancent dans la tâche sans plan, sans anticipation, et abandonnent face à l’erreur.
C’est pourquoi la verbalisation et la modélisation des stratégies mentales par l’enseignant sont essentielles, elles rendent visible le processus de pensée, et donc imitable et transférable.

Enfin, les auteurs plaident pour une éducation à la métacognition : elle doit être explicitement enseignée, modélisée et répétée dans différents contextes.
L’élève doit apprendre que penser son propre fonctionnement n’est pas un “plus”, mais une condition de l’apprentissage durable.

Les enseignants peuvent, par exemple :

  • Ritualiser les moments de verbalisation avant et après la tâche (“Comment as-tu fait ?”, “Qu’as-tu appris ?”, “Que ferais-tu autrement ?”) ;
  • Utiliser des outils visuels (cartes mentales, journaux d’apprentissage, auto-évaluations guidées) ;
  • Encourager l’erreur constructive, c’est-à-dire l’analyse lucide de ce qui n’a pas fonctionné, sans jugement mais avec curiosité.

Ainsi, la métacognition devient un espace de dialogue intérieur, mais aussi un langage partagé dans la classe, un “métalangage de l’apprentissage” (Flavell, 1979 ; Jacques & Samier, 2022).
Elle fait de l’apprenant non plus un récepteur mais un chercheur de sens, capable de se relire, de s’ajuster et de transférer ses apprentissages dans des contextes nouveaux.

Vers une pédagogie du sens, de la confiance et de la réussite pour tous

Concernant l’ouvrage « Neuropsychologie et stratégies d’apprentissage… » Si ce livre aborde spécifiquement les élèves « DYS » (dyslexie, dysorthographie, dysgraphie, dyspraxie, TDAH…) en proposant des adaptations, son ambition est bien plus large : elle concerne tous les élèves. Car les principes qu’il formule attention soignée, fonctions exécutives soutenues, métacognition active, motivation entretenue ne sont pas réservés à un sous-groupe ; ils constituent des leviers universels de réussite.

Ainsi, l’ouvrage se place à l’intersection de la neuropsychologie et de la pédagogie, et opère un triple mouvement :

  1. explicitation des processus cognitifs ;
  2. mise en lumière de leurs dysfonctionnements (notamment dans les troubles “DYS”) ;
  3. proposition d’outils pragmatiques pour agir.

En résumé, « apprendre à apprendre » devient bien plus qu’une formule : c’est ici un cadre concret d’intervention, une philosophie d’accompagnement et une invitation à voir l’élève comme co-acteur de son propre parcours. La posture de l’accompagnant (enseignant, thérapeute, parent) y est repensée : plus que transmetteur, il devient facilitateur, créateur d’un environnement propice, et guide vers l’autonomie.

Conclusion

Pour les professionnels de l’accompagnement éducatif, thérapeutique et pédagogique, ces livres (parmi d’autres) s’imposent comme un compagnon rigoureux et accessible. Il conjugue rigueur scientifique et élégance didactique.

L’œuvre de Céline Alvarez représente une tentative audacieuse et salutaire de réconcilier la pédagogie avec les connaissances contemporaines issues des neurosciences, de la psychologie du développement et des sciences cognitives. En plaçant la bienveillance, la motivation intrinsèque et la liberté d’explorer au cœur des apprentissages, elle rappelle que l’enfant n’est pas un vase à remplir, mais un organisme vivant, curieux, doté d’un puissant potentiel d’auto-construction.

Son approche, inspirée à la fois de Maria Montessori et des découvertes sur la plasticité cérébrale, s’enracine dans un principe fondamental : le développement harmonieux de l’enfant dépend d’un environnement riche, sécurisant et stimulant, qui respecte ses rythmes internes et nourrit son désir d’apprendre. Elle rappelle très justement que ’apprentissage repose d’abord sur l’engagement émotionnel et la qualité du lien social, bien plus que sur la simple transmission d’un savoir. Il est nécessaire de croire de nouveau en la puissance de croissance de l’enfant, à condition qu’on lui en donne la possibilité.

Sylvain Gammacurta