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Psychologie des foules, Gustave Le Bon

Psychologie des foules, Gustave Le Bon : Livre I

Psychologie des foules est un ouvrage classique en psychologie sociale, écrit par Gustave Le Bon (médecin, anthropologue, psychologue social et sociologue français) en 1895. 

L’auteur postule dans ce livre que, lorsque des individus sont réunis, ils ne raisonnent plus de la même manière que s’ils étaient seuls, expliquant ainsi les comportements irraisonnés des foules.

L’auteur, en son temps, était témoin d’une époque chaotique et incertaine. Le XIXe siècle était en effet une période de transition, marquée par l’effondrement des piliers moraux et religieux sur lesquels reposaient la stabilité de la civilisation.

Les théories de cet ouvrage sont toujours, à mon sens, d’une actualité percutante et contribuent à nous éclairer sur l’ensemble des phénomènes liés à la manipulation des masses. 

Bien que l’exploitation des foules psychologiques a évidemment pris d’autres formes plus subtiles et que certaines idées soient également dépassées, on découvre derrière la philosophie principale de l’œuvre bon nombre de mécanismes aisément repérables dans notre actualité.

Psychologie des foules, Gustave Le Bon

L’ère des foules 

Selon l’auteur, cette ligne de rupture brutale entre l’ancien monde en ruine et le nouveau en gestation nous révèle qu’un changement radical s’est opéré dans l’âme du peuple, dans le fond héréditaire des croyances et pensées.

Ce bouleversement historique s’était opéré dans des bains de sang, des larmes et des exactions les plus horribles commis par des foules barbares déchaînées manifestant, selon l’excitant du moment, des actes criminels odieux, mais aussi des traits vertueux de moralité.

Il était donc d’un grand intérêt pratique, du point de vue de Gustave Le Bon, d’analyser par les procédés scientifiques les plus rigoureux, les mécanismes psychologiques et intellectuels qui sous-tendent le dynamisme des foules, et de poser ainsi, la pierre angulaire d’une nouvelle discipline du savoir, capable d’éclairer un grand nombre de phénomènes historiques et économiques, qui restaient jusqu’à là totalement inintelligibles.

Les grands bouleversements qui précèdent les changements de civilisation semblent, au premier abord, déterminés par des transformations politiques considérables : invasions de peuples ou renversements de dynasties.

Mais derrière leurs causes apparentes nous découvrons souvent une cause plus profonde, la modification des idées des peuples. 

Les véritables changements s’opèrent dans les opinions, les conceptions et les croyances.

Les événements mémorables sont les effets visibles des invisibles changements des sentiments des hommes.

L’Age où nous entrons sera véritablement l’ère des foules, car même si elles sont peu aptes au raisonnement, les foules se montrent au contraire très aptes à l’action. Les dogmes que nous voyons naître auront bientôt acquis la puissance de vieux dogmes, c’est-à-dire la force tyrannique et souveraine qui met à l’abri de la discussion.

Autrement dit, le droit divin des foules remplace le droit divin des rois.

Les foules criminelles existent mais l’auteur relève cependant, et insiste sur ce point, qu’il existe également des foules vertueuses et héroïques.

La psychologie des foules montre à quel point les lois et les institutions exercent peu d’action sur leur nature impulsive et combien elles sont incapables d’avoir des opinions quelconques en dehors de celles qui leur sont suggérées.

Seules les impressions que l’on fait naître dans leur âme peuvent les séduire.

Par exemple, un impôt indirect, même injuste et exorbitant, sera toujours mieux accepté par les foules qu’un impôt visible plus lourd en apparence.

Étant journellement prélevé sur des objets de consommation, par fractions de centimes, il ne gêne pas ses habitudes et l’impressionne peu.

Remplacez-le par un impôt proportionnel sur le salaire ou autres revenus, à payer en un seul versement, fût-il dix fois moins lourd que l’autre, il soulèvera d’unanimes protestations.

Caractéristiques générales des foules

Au sens ordinaire, le mot “foule” représente une réunion d’individus communs, quels que soient les hasards qui les rassemblent. 

Au point de vue psychologique, l’expression prend une signification tout autre. 

Dans certaines circonstances données, et seulement dans ces circonstances, une agglomération d’hommes possède des caractères nouveaux fort différents de ceux de chaque individu qui la compose.

Quels que soient les individus qui en font partie, la foule les dote d’une sorte d’âme collective

La foule devient un être provisoire, composée d’éléments hétérogènes pour un instant soudés. 

Il n’y a nullement somme et moyenne des caractères, comme en chimie, les éléments se combinent pour former un nouveau corps doté de propriétés différentes de celles des corps ayant servi à le constituer. 

Dans ce nouveau corps, l’hétérogène se noie dans l’homogène, et les qualités inconscientes dominent

L’auteur observe par ailleurs que les décisions d’intérêt général prises par une assemblée d’hommes de spécialités différentes, ne sont sensiblement pas supérieures aux décisions que prendrait une réunion d’imbéciles

Derrière son regard fort critique, Gustave Le Bon observe et affirme que la foule, par le sentiment de puissance invincible ainsi que le phénomène de contagion mentale et de suggestibilité, accumulent non pas l’intelligence mais bien la médiocrité. 

La foule est selon lui intellectuellement inférieure à l’homme isolé mais du point de vue des sentiments est des actes, elle peut suivant les circonstances être meilleure ou pire. 

Tout dépend en effet de la façon dont on la suggestionne. 

L’auteur rappelle que la foule est bien souvent criminelle mais rappelle aussi son caractère héroïque qui à construit l’histoire. 

“S’il ne fallait mettre à l’actif des peuples seulement les grandes actions froidement réfléchis, les annales du monde en enregistrerait bien peu.”

En effet, dans la foule s’évanouit donc le raisonnement de chacun au profit des instincts et les idées suggérés ont tendance à se transformer immédiatement en acte… 

“L’individu en foule est un grain de sable au milieu d’autres grains de sable que le vent soulève à son gré.”

Gustave Le Bon, Psychologie des foules

Sentiments, et moralité des foules

Gustave Le Bon fait ici l’analogie entre “le sauvage”/ l’enfant / les femmes (oui le sexisme à l’époque était malheureusement grandement présent) et les foules afin de définir leurs traits de caractères similaires : impulsivité, irritabilité, incapacité de raisonner, absence de jugement et d’esprit critique et exagération des sentiments pour ne citer qu’eux…

La foule impulsive et mobile a cette tendance à ne pas admettre d’obstacle entre son désir et la réalisation de ce désir, d’autant plus si son nombre croît.

Si l’organisme humain permettait la perpétuité de la fureur, on pourrait dire que l’état normal de la foule contrariée est la fureur et la frénésie.

Si neutre qu’on la suppose, la foule se trouve le plus souvent dans un état d’attention expectante favorable à la suggestion. (Et donc une hausse de d’hypnotisabilité : cf article lié sur le sujet).

La première suggestion formulée s’impose immédiatement par contagion à tous les cerveaux, et établit aussitôt l’orientation.

S’agit-il d’un palais à incendier ou d’une œuvre de dévouement à accomplir, la foule s’y prête avec la même facilité.

L’invraisemblable n’existe pas pour elle, il faut bien se le rappeler pour comprendre la facilité avec laquelle se créent et se propagent les récits les plus extravagants.

La création des légendes qui circulent si aisément parmi les foules n’est pas seulement le résultat d’une crédulité complète, mais encore des déformations prodigieuses que subissent les événements dans l’imagination d’individus assemblés.

L’événement le plus simple vue par la foule est bientôt un événement défiguré.

La foule pense par image, et l’image évoquée en évoque elle-même une série d’autres sans aucun lien logique avec la première.

Ce que l’imagination déformante ajoute à l’événement, la foule le confondra avec lui. Incapable de séparer le subjectif de l’objectif, elle admet comme réelles les images évoquées dans son esprit. 

Tel est le mécanisme de ces hallucinations collectives si fréquentes dans l’histoire.

Par les phénomènes d’attention expectantes et de suggestion, l’esprit critique de la foule tend à s’évanouir.

⇒ Article associé : le cerveau magicien 

Pour l’auteur, dans les foules, l’imbécile, l’ignorant et l’envieux sont libérés du sentiment de leur nullité et de leur impuissance, que remplace la notion d’une force brutale, passagère, mais immense.

La foule, parfois héroïque, parfois criminelle, n’est impressionnée que par les sentiments excessifs. L’orateur qui veut la séduire doit alors abuser des affirmations violentes. Exagérer, affirmer, répéter, et ne jamais tenter de rien démontrer par un raisonnement sont les procédés d’argumentation familiers aux orateurs des réunions populaires.

Les foules en effet, ne connaissant que les sentiments simples et extrêmes, les opinions, les idées et croyances qu’on leur suggère sont acceptées ou rejetées par elles en bloc, et considérées comme vérités absolues ou erreurs non moins absolues. C’est ce que Gustave Le Bon nomme : intolérance, autoritarisme et conservatisme des foules.

Cela dit, ce serait méconnaître la psychologie des foules que de croire à la prédominance chez elles des instincts révolutionnaires. En effet, les explosions de révolte et de destruction sont toujours très éphémères. 

Abandonnées à elles-mêmes, on les voit bientôt lasses de leurs désordres se diriger d’instinct vers la servitude.

En fait, elles possèdent des instincts plutôt conservateurs, une horreur inconsciente des nouveautés capables de modifier leurs conditions réelles d’existence.

“Heureusement pour les progrès de la civilisation, la suprématie des foules n’a pris naissance que lorsque les grandes découvertes de la science et de l’industrie étaient déjà accomplies.”

Idées, raisonnements et imagination des foules

On peut les diviser les idées des foules en deux classes :

  1. Les idées accidentelles et passagères créées sous des influences du moment : l’engouement pour un individu ou une doctrine par exemple.
  2. Les idées fondamentales auxquelles le milieu, l’hérédité, l’opinion donnent une grande stabilité : telles les idées religieuses jadis, les idées démocratiques et sociales aujourd’hui.

“Les idées fondamentales pourraient être représentées par la masse des eaux d’un fleuve déroulant lentement son cours; les idées passagères par les petites vagues, toujours changeantes, agitant sa surface, et qui, bien que sans importance réelle, sont plus visibles que la marche du grand fleuve lui-même.”

Il ne faut pas croire que parce que la justesse d’une idée est démontrée qu’elle peut produire ses effets. 

On s’en rend compte en voyant combien la démonstration la plus claire a peu d’influence sur la majorité des hommes. 

“Ce ne sont donc pas les faits en eux-mêmes qui frappent l’imagination populaire, mais bien la façon dont ils sont répartis et présentés. Il faut que par leur condensation, si je puis m’exprimer ainsi, ils produisent une image saisissante qui remplisse et obsède l’esprit. 

Qui connaît l’art d’impressionner l’imagination des foules connaît aussi l’art de les gouverner.”

Pour l’auteur, il y a une prévalence des idées inconscientes antérieures devenues des sentiments qui agissent sur les mobiles profonds de nos actes et nos discours.

S’il faut parfois longtemps aux idées pour s’établir dans l’âme des foules, un temps non moins considérable leur est nécessaire pour en sortir.

Aussi les foules sont-elles toujours, au point de vue des idées, en retard de plusieurs générations sur les savants et les philosophes.

“Tous les hommes d’Etat savent aujourd’hui ce que contiennent d’erronées les idées fondamentales, mais leur influence étant très puissante encore, ils sont obligés de gouverner suivant des principes à la vérité desquels ils ont cessé de croire.”

Les foules ne pouvant penser que par images, ne se laissent impressionner que par des images

C’est pourquoi ce sont toujours les côtés merveilleux et légendaires des événements qui frappent le plus les foules. Le merveilleux et le légendaire sont, en réalité, les vrais supports d’une civilisation. 

Dans l’histoire, l’apparence a toujours joué un rôle beaucoup plus important que la réalité. L’irréel y prédomine sur le réel.

C’est pourquoi les représentations théâtrales ont toujours une énorme influence sur les foules. 

“Du pain et des spectacles constituaient jadis pour la plèbe romaine l’idéal du bonheur.”

Formes religieuses que revêtent les convictions des foules

En examinant de près les convictions des foules, aussi bien aux époques de foi que dans les grands soulèvements politiques, on constate qu’elles présentent un caractère spécial que l’auteur détermine en lui attribuant le nom de “sentiment religieux”.

Ce sentiment possède des caractéristiques très simples :

  • adoration d’un être supposé supérieur
  • crainte de la puissance qu’on lui attribue
  • soumission aveugle à ses commandements
  • impossibilité de discuter ses dogmes
  • désir de les répandre
  • tendance à considérer comme ennemis tous ceux qui refusent de les admettre.

Qu’un tel sentiment s’applique à un Dieu, une idole, un héros ou une idée politique, il reste pour l’auteur toujours d’essence “religieuse”.

Pour lui, on n’est pas religieux seulement quand on adore une divinité, mais quand on met toutes les ressources de son esprit, toute sa volonté et toutes les ardeurs du fanatisme au service d’une cause ou d’un être devenu le but et le guide des sentiments et des actions.

L’intolérance, le besoin de propagande et le fanatisme constituent pour Gustave Le Bon l’accompagnement inévitable chez ceux qui croient posséder le secret du bonheur terrestre ou éternel.

“Aussi est-ce bien une inutile banalité de répéter qu’il faut une “religion” aux foules. Les croyances politiques, divines et sociales ne s’établissent chez elles qu’à la condition de revêtir toujours la forme religieuse, qui les met à l’abri de la discussion. » p.65

L’athéisme, s’ il était possible de le faire accepter aux foules, aurait également toute l’ardeur d’un “sentiment religieux” défini par l’auteur. 

L’évolution de la “secte positiviste” nous en fournit une preuve curieuse.

(Positivisme = Doctrine qui se réclame de la seule connaissance des faits, de l’expérience scientifique.)

Elle ressemble à ce nihiliste, dont Dostoïevski nous rapporte l’histoire :

“Éclairé un jour par les lumières de la raison, il brisa les images des divinités et des saints qui ornaient l’autel de sa petite chapelle, éteignit les cierges, et, sans perdre un instant, remplaça les images détruites par les ouvrages de quelques philosophes athées, puis ralluma pieusement les cierges.”

L’objet de ses croyances religieuses s’était transformé, mais ses sentiments religieux, peut-on dire vraiment qu’ils avaient changé ?

Conclusion 

Les points forts de ce livre sont à mon sens : sa lecture simple et agréable, la pertinence des analyses des mécanismes psychologiques des êtres sociaux mais aussi le parallèle évident que nous lecteurs pouvons faire sur des sujets d’actualité.

Les points faibles en revanche, même s’il faut bien remettre l’ouvrage dans son contexte de l’époque, sont d’abord ce sexisme évoqué complètement décomplexé ainsi qu’une certaine posture individualiste, affirmative et élitiste qui parfois m’a un peu dérangée.
Malgré cela, Psychologie des foules reste un ouvrage passionnant que je vous conseille vivement d’étudier par vous-même.

Livre : Psychologie des foules de Gustave Le Bon, chez Payot Classique

Sylvain Gammacurta, hypnose

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