Un esprit bof dans un corps pas ouf : Un livre de développement personnel pour ceux qui n’en peuvent plus du développement personnel
Ah, le développement personnel… Cette grande messe du bonheur, ce grand marché aux promesses mirifiques, où l’on nous vend du bonheur en dix étapes, de la confiance en soi en cinq minutes et une vie transcendée grâce à des mantras dignes d’un biscuit chinois. « Sois meilleur ! Dépasse-toi ! Deviens la version 2.0 de toi-même et mise à jour spirituelle ! » Un matraquage incessant de clichés démagogiques qui, bien que parfois intéressant, me donnerait presque envie de me rouler en boule sous un plaid en pilou. Si les vendeurs de poudre aux yeux cartonnent, ce n’est pourtant pas tant pour leur prétendue expertise, ni même pour la solidité de leurs arguments. Le secret de leur succès ? Des promesses scintillantes, parfaitement calibrées pour des âmes perdues en quête du Graal du bien-être. Après tout, quand on a soif, on ne vérifie pas toujours si l’eau qu’on nous tend vient d’une source pure ou d’un vieux robinet qui fuit. Le développement personnel prospère sur le fait que le perfectionnement est sans fin, car tant que l’humain se perçoit comme un projet inachevé, il demeure un client captif d’une industrie qui vend parfois l’inatteignable.
Heureusement, l’autrice et humoriste (pour ne citer que cela) Anne-Sophie Girard débarque dans cette foire aux injonctions avec un manifeste déculpabilisant et, soyons honnêtes, délicieusement irrévérencieux : Un esprit bof dans un corps pas ouf. Rien que le titre sonne comme une gifle douce mais non moins ferme à la tyrannie du mieux-être.
Et bonne nouvelle, le contenu est, selon moi, à la hauteur.
L’autrice détourne donc la célèbre maxime latine « Mens sana in corpore sano » (un esprit sain dans un corps sain) pour rendre l’idée bien plus légère à porter. Elle nous propose non pas l’idéal d’une perfection transcendée, où l’esprit et le corps seraient parfaits et inaltérés, mais une version beaucoup plus humaine, parfois « pas ouf » mais toujours authentique. Plutôt que de nous imposer l’illusion du corps parfait comme condition sine qua non d’un esprit équilibré, elle nous invite à accepter les imperfections des deux – un esprit parfois un peu paresseux, un corps pas forcément au top, mais c’est ok et tous deux fonctionnant en harmonie dans leur humanité imparfaite. Une manière de dire que la quête de la perfection est une farce, et qu’accepter nos défauts et nos failles peut être parfois bien plus salutaire, en tout cas bien plus que de courir inlassablement après un idéal souvent inatteignable.

Avec un sens de l’autodérision jouissif et une lucidité bien aiguisée, l’autrice démonte méthodiquement cette dictature du dépassement de soi, où l’échec est un blasphème et la médiocrité, un péché mortel. À travers une prose piquante et truffée d’anecdotes hilarantes, elle nous offre enfin ce qu’on attendait : un droit inaliénable à être juste… moyen, ou simplement humain pour ceux qui le souhaite.
Parce que, surprise, la vie n’est pas un business plan et nous ne sommes pas des start-up cotées en bourse ! Le sociologue Erich Fromm le disait déjà : « Quand on considère essentiellement sa vie comme une sorte d’entreprise dans laquelle on doit investir ses capacités physiques et psychiques le plus judicieusement possible, on ne peut que conclure à son échec si le bilan est inférieur à la valeur espérée. »
Autrement dit : vouloir rentabiliser son existence comme un portefeuille d’actions, c’est courir droit dans le mur.
Article pour vous aider à courir droit dans le mur : https://gammacoachinghypnose.com/paul-watzlawick-faites-vous-meme-votre-malheur
Anne-Sophie Girard rappelle aussi une vérité essentielle, trop souvent reléguée aux oubliettes sous l’influence des discours enflammés sur l’accomplissement personnel : le mythe du self-made-man n’est qu’une chimère flatteuse, une illusion entretenue au mépris des réalités humaines. Comme le disait si bien Nietzsche : « Nul vainqueur ne croit au hasard. »
La vanité de l’homme lui fait croire qu’un succès est forcément le fruit d’un travail acharné ou d’une prise de décision entièrement délibérée. La réalité, c’est que personne ne se construit seul, et cette idée du « si tu veux, tu peux » est un joli mensonge qui culpabilise ceux qui rament, tout en flattant l’ego – souvent déjà bien démesuré – de ceux qui s’imaginent réussir uniquement grâce à leur talent.
Non, vous ne vous êtes pas levé un matin avec une discipline de fer et un « mindset » de champion : vous aviez un contexte, un entourage, des opportunités. Bref, l’interdépendance entre soi et les autres est une vérité qu’il est urgent de réhabiliter.
Il est vrai que beaucoup de manuel de développement personnel ont cette faucheuse tendance à confondre assurance et confiance. D’un côté, l’assurance peint un individu autonome, bourré de certitudes et qui ne doit rien à personne. De l’autre, la confiance nous plonge au contraire dans un monde de relations, d’asymétrie, de vulnérabilité – car faire confiance, c’est toujours s’exposer au doute et à la trahison. Et c’est bien pour ça que les manuels de réussite personnelle l’évitent soigneusement. Trop incertaine, hors de contrôle, trop humaine !
Et attention, ce livre n’est pas non plus un appel à la médiocrité ou à la paresse ! Bien au contraire, il nous pousse à accepter nos faiblesses tout en nous encourageant à progresser à notre rythme, sans se flageller à chaque échec. Loin d’être un laissez-passer pour la non-amélioration, il nous incite à grandir de manière réaliste, dans le respect de nos limites, sans sacrifier notre bien-être pour un idéal utopique.
Confondre l’acceptation avec la résignation, c’est prendre la souplesse du roseau pour la passivité du bois mort. L’acceptation est un art subtil, une lucidité sans abdication, une manière d’accueillir le réel sans en être l’esclave. Elle n’abolit ni l’ambition ni l’effort, mais leur confère une respiration, une sagesse qui distingue l’endurance féconde de l’acharnement stérile. À l’inverse, refuser d’accepter ce qui est, c’est s’épuiser dans un combat où l’ennemi est l’irrévocable, et où la défaite n’est pas une possibilité, mais une certitude. Ainsi naît le burn-out : d’un volontarisme forcené qui, faute d’embrasser la complexité du monde, s’écrase contre ses propres exigences parfois irréalistes et sans fin.
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Un esprit bof dans un corps pas ouf est donc bien plus qu’un simple pamphlet anti-développement personnel ponctué d’humour : c’est un appel au lâcher-prise, un uppercut à l’obsession du rendement existentiel et une bouffée d’air frais pour tous ceux qui saturent face aux mantras dégoulinants de certains gourous du bien-être. Anne-Sophie Girard possède l’art et la manière de jongler avec les contrastes : elle ne se contente pas de repeindre l’ombre en rose à coups de bons mots et d’optimisme forcé. Non, l’autrice nous invite plutôt à apprivoiser les nuances de gris, à composer avec le chaos ambiant et à trouver la beauté dans l’imperfection, brute et sans artifices.

C’est donc un ouvrage à lire, à relire et à offrir à quiconque croit encore que la vie est un défi à optimiser. Parce qu’au fond, comme le dit si bien l’autrice :
« Vous êtes déjà une putain de meilleure version de vous-même. »
Sylvain Gammacurta Hypnose
Se procurer le livre aux éditions Flammarion : https://editions.flammarion.com/un-esprit-bof-dans-un-corps-pas-ouf/9782080295743