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Où trouver la force ? Livre de Charles Pépin

Où trouver la force ? et autres questions existentielles, le nouvel ouvrage de Charles Pépin

Une philosophie du quotidien, ou comment rendre la pensée vivante

Avec Où trouver la force ? et autres questions existentielles, publié chez Allary Éditions, le philosophe Charles Pépin nous offre un véritable florilège de sagesse contemporaine. Dans cet ouvrage accessible et lumineux, l’auteur répond à une cinquantaine de questions universelles : « Faut-il être méchant pour réussir ? », « Doit-on avoir peur de la routine ? », « Peut-on changer les gens ? », « Quand sommes-nous vraiment libres ? » etc…autant d’interrogations qui, sous leur simplicité apparente, révèlent les tensions essentielles de l’existence humaine.

Loin du jargon académique, Pépin s’adresse ici à chacun de nous, qu’il soit lecteur néophyte ou familier des grands penseurs. Il s’agit ici d’une philosophie véritablement incarnée, enracinée dans l’expérience vécue du quotidien, nourrie d’éthique, de psychologie et d’humanité. Ce livre n’est pas un simple traité spéculatif, c’est une promenade réflexive « par sauts et gambades » comme dirait Montaigne, une invitation à reprendre contact avec le réel, à redécouvrir la pensée comme un art de vivre.

Par le présent article, je ne prétends évidemment pas entreprendre une analyse exhaustive ni une paraphrase détaillée de chacun des chapitres, tant ils regorgent de pistes fécondes et de réflexions d’une rare pertinence. Pour cela, je ne puis que vous inviter chaleureusement à vous procurer l’ouvrage et à en goûter vous-même la richesse.
Mon propos, plus modeste et plus personnel, consistera plutôt à mettre en lumière les grands paradigmes qui, à mes yeux, traduisent le plus fidèlement la pensée de l’auteur, ceux aussi qui ont trouvé un écho particulier en moi, en résonance avec ma propre pratique et mon expérience réflexive.

Charles pépin, Où trouver la force ?
Charles pépin, Où trouver la force ? Par Sylvain Gammacurta

Penser avec le corps : la philosophie comme mouvement vers l’altérité

L’un des chapitres à mon sens les plus inspirants du livre porte sur la question (d’intérêt public) : qu’est-ce que réfléchir ?

L’auteur commence par exprimer ce que cela n’est pas : réfléchir, ce n’est donc pas crier plus fort que les autres, ni imposer son opinion. Réfléchir, c’est surtout selon lui se concentrer, se recueillir, écouter. C’est, une forme d’attention qui exclut le cri, s’accommode de l’humilité et surtout s’ouvre à l’altérité.

…quand je réfléchis, je me sens vivant, vivant de m’ouvrir à d’autres avis que le miens, vivant de douter et surtout de supporter le doute, car c’est précisément lorsque nous ne supportons plus le doute que nous cessons de réfléchir et sombrons dans l’idéologie, dont Hannah Arendt a donné la définition parfaite : « l’enfermement dans la logique d’une idée ». p.158

L’acte de penser, chez Pépin, n’est pas purement intellectuel, il engage le corps, les émotions, le rythme même de la respiration. Penser, c’est revenir à soi après un détour par l’autre, comme le rayon de lumière qui, se réfléchissant sur un miroir, revient à sa source transformée.
C’est aussi un acte collectif : « Réfléchir, c’est être ensemble », écrit-il en écho à l’esprit dialogique de Socrate. Penser, c’est apprendre à être curieux, curieux de soi, des autres, du monde. C’est faire l’expérience joyeuse de la pensée vivante, cette joie de se sentir humain parce qu’on se met à douter, à s’interroger, à se déplacer.

La philosophie de Charles Pépin est une philosophie incarnée, une pensée du corps, du mouvement et de l’action. Elle nous rappelle que le plaisir n’est jamais un simple don du hasard, mais le fruit de notre capacité à penser et à nous mettre en mouvement. La joie, n’est pas un privilège lointain : elle est à notre portée dès lors que nous osons la conquérir, que nous acceptons de plonger dans la vie, de nous sentir pleinement vivants comme corps parmi les corps, présents au monde et reliés à lui. C’est une invitation à réveiller en nous cette énergie vitale, à dépasser les limites étroites de notre petit ego pour nous laisser traverser par le grand rythme de la vie elle-même.

De la force intérieure à la force relationnelle

La question qui donne son titre à l’ouvrage : Où trouver la force ? traverse en filigrane tous les chapitres. Pépin y répond avec une finesse remarquable, la force n’est pas un attribut héroïque, mais une dynamique de reliance. Elle se trouve en nous, certes, mais aussi dans le regard bienveillant des autres, dans la confiance partagée, dans les rencontres qui nous décentrent.

Cette force intérieure est inséparable de l’altérité. Pépin cite Martin Buber et son Je et Tu : « la vraie vie naît de la rencontre ». Nous trouvons la force quand un autre nous aide à réveiller nos propres ressources. C’est une dynamique, un mouvement de circulation, entre soi et le monde, entre la lucidité et l’espérance, entre l’acceptation et l’action.

Charles Pépin invite à la rencontre comme à une expérience fondatrice de l’existence, non pas une simple interaction sociale, mais un événement spirituel, un espace où l’on se découvre soi-même à travers la présence d’autrui.

« La est probablement la force d’une belle rencontre: réussir à fissurer notre carapace identitaire… » p.131

Son appel à l’ouverture repose sur deux vertus cardinales : l’admiration et l’humilité. L’admiration, parce qu’elle suppose la capacité d’être ému, surpris, déplacé, d’accueillir la différence non comme une menace, mais comme une promesse de croissance. L’humilité, parce qu’elle seule nous permet de suspendre notre volonté de maîtrise pour laisser place à l’inattendu, à ce qui échappe à nos catégories.

Dans cette perspective, rencontrer autrui, c’est consentir à ne plus être le centre du monde ; c’est accepter d’être transformé par ce qui, en l’autre, résiste à notre compréhension. C’est reconnaître que l’altérité nous élargit.

Cet axiome me fait d’ailleurs penser à un précédent article développé il n’y a pas si longtemps, qui répond en substance à la question qu’est-ce qu’une rencontre réelle transforme vraiment ? Accompagné de l’explication du concept crucial de résonance, développé notamment par le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa. Article disponible ici : ChatGPT peut-il remplacer un accompagnement psychologique ?

Dans le prolongement de cette ouverture à l’autre, Charles Pépin accorde une place singulière à l’amitié, qu’il conçoit comme une forme privilégiée de rencontre , peut-être la plus féconde, en tout cas la plus humanisant. L’ami, loin d’être un simple compagnon de route, est celui qui nous aide à devenir nous-mêmes. L’amitié, n’est ici ni complaisance ni dépendance, elle est un miroir vivant où se réfléchit notre être en devenir. En présence de l’ami, nous pouvons oser la vérité, notre vérité, nous pouvons afficher pleinement notre vulnérabilité, tout ce qui fait la texture réelle de notre humanité. L’ami nous accueille dans notre complexité, sans nous réduire à nos faiblesses ni nous figer dans nos forces. Il nous renvoie à nous-mêmes tout en nous ouvrant à plus grand que nous.

Charles Pépin suggère que c’est dans ces liens de confiance et d’admiration réciproque que se joue l’un des plus beaux paradoxes de la vie humaine : c’est grâce à l’autre que je deviens singulier. Car l’ami, en me reconnaissant tel que je suis, m’autorise à exister dans ma différence. En me regardant sans jugement, il m’invite à ne plus me cacher derrière les masques sociaux, à parler depuis un lieu vrai.

Ainsi, l’amitié se révèle être « un laboratoire de liberté », un espace où la rencontre cesse d’être une menace pour l’identité (cette version simplifié de notre « moi ») et devient, au contraire, le lieu même de son accomplissement.

« Et puis nous nous parlons : nous parlons à nos amis pour savoir ce que nous pensons, partager joies et peines. C’est ainsi en parlant, que nous entretenons ce lien, tellement plus réel qu’un principe abstrait, tellement plus chaleureux qu’une grande idée. » p.128

Philosophie et psychologie : l’art d’accueillir nos paradoxes

L’un des grands mérites de Pépin est d’unir philosophie et psychologie. Il puise dans la psychanalyse, les neurosciences ou la théorie de la mémoire reconsolidée pour montrer comment nos blessures passées peuvent cesser de nous dicter nos comportements présents.
Ce qu’il propose n’est pas une recette de bien-être, mais une éthique de la transformation.

Refusant les slogans du développement personnel (« si je veux, je peux »), il invite à accueillir nos paradoxes, à dire un grand oui à la vie dans son entier, joies et peines comprises. Dans un esprit nietzschéen, il nous apprend à ne pas confondre le goût de l’amélioration (qui est probablement vital) avec le perfectionnisme, souvent gouverné par la peur de ne pas être aimé.
Aimer, c’est oser être aimé comme un être imparfait. C’est consentir à son humanité, non à une illusion de toute-puissance.

Rousseau disait qu’« il faut parler pour avoir des idées générales ». Pépin, dans le sillage d’Hegel, nous rappelle que « c’est dans le mot que la pensée fait sens ».
Penser, c’est donc parler, dialoguer, confronter nos représentations pour mieux nous comprendre. La parole devient ici une épreuve de liberté : celle de se risquer à dire, même au prix de l’erreur, pour grandir.

Cette liberté, Pépin la rapproche de la conception bergsonienne : nous sommes libres lorsque nos actes expriment notre personnalité entière, quand ils ressemblent à une œuvre d’art, singulière et vivante. Être libre, c’est harmoniser les voix de notre vie intérieure, non pour les uniformiser, mais pour leur donner une cohérence vivante, mouvante, musicale.

Article associé : Souffrance, résilience et transformation de soi : souffrir avec vitalité

Un livre à la fois simple et profond, à lire d’une traite ou à méditer lentement

Où trouver la force ? est un livre d’une bienveillance rare.
Chaque page respire la clarté, la chaleur humaine, l’humilité du pédagogue. C’est un ouvrage que l’on peut lire par fragments, au hasard d’une question, ou dévorer d’un seul souffle. Son écriture fluide, son humanité profonde et sa délicate sagesse en font une lecture précieuse, à offrir ou à garder près de soi.

Je recommande vivement ce livre à toutes celles et ceux qui aiment se poser des questions, réfléchir au sens de leur vie, et être guidés non par des certitudes, mais par une ouverture, une tendresse et une humilité véritables.

Ce nouvel ouvrage s’inscrit avec élégance dans la continuité de l’œuvre de Charles Pépin, comme un clin d’œil complice à ses précédents écrits.On y retrouve d’abord l’écho de La Confiance en soi, où Pépin montrait que la véritable assurance ne vient pas de la certitude, mais de l’acceptation lucide de notre fragilité.La thématique de l’échec, chère à Les Vertus de l’échec, réapparaît elle aussi, il ne s’agit plus seulement d’apprendre de ses erreurs, mais de comprendre que la force même de vivre naît du consentement à la chute. Quant à la rencontre, elle irrigue chaque page de ce nouvel opus. Car trouver la force, pour Pépin, ce n’est pas se refermer sur soi mais au contraire s’ouvrir : à l’autre, au monde, à la surprise de ce qui advient.

Ainsi, ce livre apparaît comme une synthèse lumineuse de sa pensée, il relie la confiance à la fragilité, l’échec à la croissance, la rencontre à la liberté. Mais il le fait dans une forme allégée, presque respirée, où la philosophie se fait proche, incarnée, accessible sans rien perdre de sa justesse et sa profondeur.

Sylvain Gammacurta

Vous procurer ce livre :

Charles Pépin, Où trouver la force ? et autres questions existentielles, Allary Éditions, 2025.