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L’activité physique et la perte de poids : au-delà des idées reçues

L’activité physique et la perte de poids

S’éveiller à la connaissance intime de son corps, tendre l’oreille aux murmures de son esprit, et faire de chaque geste, de chaque respiration, une manière consciente d’habiter son mouvement, c’est reconnaître que le corps n’est pas un simple instrument, mais le théâtre vivant de notre existence, que le psychisme n’est pas une abstraction, mais un compagnon attentif de nos choix, et que le mouvement, loin d’être mécanique, devient une méditation incarnée où s’accordent sens, liberté et présence à soi.

L’activité physique est souvent décrite comme un des piliers majeurs de la perte de poids, juste après l’alimentation. Pourtant, rares sont les sujets autant entourés de mythes, de malentendus et de déceptions silencieuses. Beaucoup associent le mouvement à une forme d’effort pénible : course à pieds imposée, séances de musculation interminables, programmes rigides qui semblent réservés aux initiés…

Or bouger n’est pas synonyme de souffrance, ni d’héroïsme sportif. Le mouvement peut redevenir une pratique humble, quotidienne, un retour au corps plutôt qu’une conquête violente de ce dernier.

Ce texte a pour vocation de démystifier, clarifier et apaiser : comprendre ce que l’activité physique fait réellement, dans le métabolisme comme dans l’esprit, et comment chacun peut la réintroduire dans sa vie sans contrainte ou injonction excessive.

Pourquoi bouger : l’enjeu central n’est pas la minceur

Avant d’aborder la perte de poids, il est essentiel de rappeler la motivation première qui devrait nous animer : vivre mieux, plus sainement, plus longtemps. L’activité physique ne se résume pas à brûler des calories ; elle façonne notre santé globale : elle réduit le risque de maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, diabète, certains cancers), et soutient notre bien-être mental, en améliorant la cognition, l’humeur, et en soulageant l’anxiété ou la dépression. (Donnelly et al., 2013 ; WHO, 2020).

Les recommandations classiques, comme les 150 minutes d’activité modérée par semaine préconisées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sont utiles, mais elles ne doivent pas être vues comme un dogme unique. Il existe de multiples manières d’être actif, et il est légitime de choisir celle qui correspond vraiment à son quotidien.

Pourquoi bouger aide réellement à perdre du poids, (et pourquoi cela n’a rien d’un “miracle”)

L’activité physique joue un rôle dans la perte de poids, mais un rôle moins spectaculaire que ce que l’imaginaire collectif laisse penser. Elle agit par trois grands mécanismes, profondément documentés :

1. Une dépense énergétique réelle… mais limitée

Contrairement à ce que promettent certains discours commerciaux, la majorité de notre dépense énergétique provient du métabolisme de base (60–70 %), pas des entraînements sportifs. Une séance de 45 minutes génère généralement entre 300 et 500 kcal, selon l’intensité, le poids et l’expérience (Westerterp, 2013 ; Pontzer, 2021).

Deux nuances importantes :

• L’EPOC existe, mais reste modeste

EPOC pour Excess post-exercise oxygen consumption.

CeteExcès de consommation d’oxygène post-exercice ou « afterburn effect » augmente légèrement l’oxygène consommé après l’effort.
Il ajoute 6 à 15 % à la dépense totale de la séance (LaForgia et al., 2006).
Oui, c’est utile ; non, ce n’est pas un turbo métabolique.

Concrètement, si vous brûlez 300 kcal pendant votre séance, l’EPOC ajoutera entre 18 et 45 kcal supplémentaires dans les heures suivantes. Ce n’est pas négligeable, mais ce n’est pas non plus révolutionnaire. Pour des efforts très intenses, il peut persister jusqu’à 24-48 heures, mais à un niveau décroissant (Borsheim & Bahr, 2003, Sports Medicine). L’intensité prime donc, un HIIT de 20 minutes produira un EPOC proportionnellement plus élevé qu’une marche de 60 minutes, même si la dépense totale pendant l’effort est similaire.

• Le métabolisme se régule

Le modèle de Pontzer (2021) « constrained energy expenditure » montre que lorsque l’activité augmente fortement, le corps compense discrètement en réduisant d’autres postes de dépense (immunité, inflammation, régulations hormonales).
Autrement dit : on ne peut pas brûler toujours plus, simplement en s’activant toujours plus.

2. Une orchestration hormonale et métabolique décisive

Le véritable pouvoir de l’activité physique n’est pas calorique : il est régulateur.

Les travaux de King et al. (2015) et Donnelly et al. (2013) montrent qu’un mouvement régulier :

  • Améliore la sensibilité à l’insuline
    → les cellules utilisent mieux le glucose, ce qui stabilise la glycémie et réduit l’envie de « sucre d’urgence ».
  • Réduit l’inflammation de bas grade
    → cette inflammation est fréquemment associée au surpoids et aux troubles métaboliques ; l’activité physique l’atténue en modulant les cytokines et en améliorant le fonctionnement mitochondrial.
  • Rééquilibre les hormones de l’appétit
    • baisse de la ghréline (hormone de la faim),
    • meilleure sensibilité à la leptine (signal de satiété).

Ces modifications ne « font pas maigrir » au sens strict, mais restaurent une physiologie compatible avec l’amincissement, ce qui soutient l’alimentation et facilite les comportements régulés. Pour utiliser une analogie simple, ces mécanismes ne sont pas le moteur de la perte de poids, mais ils optimisent le système de transmission. Le moteur reste le déficit calorique, mais avec un meilleur système, chaque effort est plus efficace. C’est la synergie entre ces améliorations physiologiques et un déficit énergétique contrôlé qui optimise la perte de poids durable.

3. Préserver le muscle : la clé d’une perte durable

Le muscle est un organe endocrinien : il sécrète des myokines, régule le glucose et consomme énormément d’énergie au repos.

Lorsque l’on perd du poids, le corps ralentit son métabolisme pour se protéger (Rosenbaum & Leibel, 2016). Cette adaptation est normale, mais elle devient problématique si elle s’accompagne de perte musculaire. Cependant, une méta-analyse de Schwartz et Doucet (2010) (Obesity Reviews) montre que l’adaptation métabolique est significativement réduite avec une perte de poids progressive vs rapide.

Le mouvement, en particulier le renforcement musculaire permet :

  • de conserver la masse maigre,
  • de limiter la chute du métabolisme de repos,
  • de stabiliser le poids sur la durée.

Sans cette protection musculaire, une part significative du poids perdu est du muscle… ce qui augmente mécaniquement le risque de reprise.

Le corps s’adapte parce qu’il est intelligent et cherche à survivre. Cette adaptation est un témoignage de sa sophistication, pas un défaut. En comprenant ces mécanismes, on peut les anticiper et les gérer plutôt que de les subir ou de les nier.

La perte de poids durable n’est pas une bataille contre son métabolisme, mais une négociation progressive et intelligente avec lui.

Activité physique, sport… de quoi parle-t-on vraiment ?

Deux concepts sont souvent confondus :

  • L’activité physique : tout mouvement nécessitant une dépense d’énergie (marcher, prendre les escaliers, jardiner, porter ses courses…)
  • Le sport : une activité programmée, structurée, volontiers orientée vers la performance.

Chez l’adulte, 15 à 30 % de la dépense énergétique totale provient de l’activité physique, et l’immense majorité de cette dépense vient… des gestes du quotidien, pas des séances de sport formelles.

L’implication pratique majeure : Pour la gestion du poids et la santé métabolique, bouger tout au long de la journée est au moins aussi important que les séances de sport structurées.

Le NEAT : le petit “plus” qui change tout

Le NEAT (Non-Exercise Activity Thermogenesis) désigne la dépense liée aux mouvements spontanés : se lever, marcher entre deux pièces, gesticuler, porter un sac, prendre les escaliers.

Pontzer et d’autres chercheurs estiment qu’un NEAT élevé peut représenter plusieurs centaines de calories par jour en différence entre deux personnes ayant la même séance sportive.

Données chiffrées (Levine, 2002, Science) :

  • Une séance de sport : 1-2 heures = 200-600 kcal
  • Le NEAT quotidien : 16 heures d’éveil = peut varier de 700 à 2500 kcal selon le mode de vie.

Autrement dit :
la régularité des petits gestes compte davantage que l’intensité ponctuelle d’une séance.

L’erreur cognitive fréquente

Beaucoup surestiment l’impact calorique du sport et sous-estiment celui du quotidien. Résultat : « Je fais 3 séances/semaine donc je peux rester assis le reste du temps » et cela est complètement faux et délétère selon vos objectifs.

En une phrase : Votre vie quotidienne brûle plus de calories que vos séances de sport : optimisez les deux, mais ne négligez pas le mouvement continu au profit du seul effort ponctuel.

Perte de poids

Repenser les 10 000 pas : un objectif qui n’était… qu’un slogan

Le chiffre des « 10 000 pas » provient d’une campagne marketing japonaise des années 1960, non d’une preuve scientifique. Cela vient du « Manpo-kei » un podomètre commercialisé par Yamasa au Japon lors des Jeux Olympiques de Tokyo.

Les données récentes indiquent :

  • 7 000 pas par jour suffisent à produire des bénéfices substantiels,
  • au-delà, les gains existent mais deviennent moins marqués,
  • certains effets positifs apparaissent dès 2 500 pas.

Il s’agit donc d’un gradient, pas d’un seuil.
Chaque pas supplémentaire compte : 1 000 pas de plus réduisent déjà le risque de mortalité (Kelly et al., 2022).

Ce qu’il faut ajouter : l’intensité compte aussi

Une nuance cruciale est souvent omise : tous les pas ne se valent pas.

Études sur l’intensité (Stens et al., 2023, JAMA Network Open) :

  • Les pas rapides (cadence >100 pas/min, soit ~6 km/h) apportent des bénéfices cardiovasculaires supérieurs aux pas lents
  • 30 minutes de marche rapide (~3 000 pas) peuvent équivaloir métaboliquement à 60 minutes de marche lente (~6 000 pas)
  • Le pic de cadence sur 30 minutes (votre marche la plus soutenue de la journée) prédit mieux la santé cardiovasculaire que le volume total.

Conclusion : 7 000 pas dont 3 000 à bonne allure > 10 000 pas de flânerie.

Ce qui peut être dommage à mon sens est la dimension psychologique souvent négligée.

L’effet pervers du seuil

Fixer un objectif binaire (atteint/non atteint) crée :

  • Démotivation si on atteint 8 500 pas (« j’ai raté »)
  • Faux sentiment de sécurité si on atteint 10 000 (« je peux m’arrêter »)
  • Anxiété de performance chez certaines personnalités

Alternative plus intéressante : raisonner en amélioration progressive (« faire mieux que la semaine dernière »).

Le risque de compensation comportementale

Des études comportementales (Dhurandhar, 2015, Mayo Clinic Proceedings) montrent que certaines personnes, après avoir atteint leur quota de pas, compensent :

  • En mangeant davantage (« je l’ai mérité »)
  • En restant immobiles le reste de la journée
  • En réduisant inconsciemment d’autres activités

Le piège : considérer les pas comme une « tâche à cocher » plutôt qu’un mode de vie actif global.

La “snacktivity” : bouger sans bousculer sa journée

Les “exercise snacks” (ou snacktivity) consistent à intégrer de très courtes séquences d’activité dans la journée :
20 à 60 secondes d’effort modéré à intense, 2 à 4 fois par jour.

La littérature scientifique est favorable :

  • trois montées d’escaliers quotidiennes pendant 6 semaines améliorent significativement le VO₂ max (Allison et al., 2017) ;
  • un protocole similaire réduit le tour de taille et augmente le VO₂ peak chez des femmes en surpoids ;
  • les activités brèves mais vigoureuses du quotidien (VILPA) sont associées à une réduction notable de la mortalité (Stamatakis et al., 2022) ;
  • les données de la UK Biobank confirment que monter les escaliers régulièrement réduit le risque de mortalité.

L’intensité est déterminante : le rythme cardiaque doit monter, ne serait-ce que brièvement.

VILPA = Vigorous Intermittent Lifestyle Physical Activity, en français : Activités physiques vigoureuses intermittentes de la vie quotidienne

Il s’agit de brèves rafales d’effort intense (30 secondes à 2 minutes) intégrées naturellement dans le quotidien, sans intention d’exercice formel :

  • Monter des escaliers rapidement
  • Courir pour attraper le bus
  • Porter des courses lourdes
  • Jouer énergiquement avec des enfants
  • Nettoyer vigoureusement (passer l’aspirateur, frotter)
  • Jardiner intensément (bêcher, ratisser)

Conseils concrets pour « mieux » bouger

  • Fixez des objectifs SMART
  • Commencez petit : 3 000, 5 000 à 8 000 pas suffisent déjà pour progresser.
  • Intégrez le mouvement à vos routines.
  • Ajoutez 2 à 4 “snacks” actifs dans votre journée.
  • Soyez bienveillant : manquer une journée n’est pas une défaite, mais une parenthèse.

Objectif SMART : origine et définition

Le concept d’objectifs SMART a été formalisé par George T. Doran en 1981.

Les 5 critères SMART

S = Spécifique (Specific) L’objectif doit être clairement défini, précis, sans ambiguïté.

  • ❌ « Je veux perdre du poids »
  • ✓ Bon : « Je veux perdre 8 kg de masse grasse »

M = Mesurable (Measurable) L’objectif doit être quantifiable pour permettre un suivi objectif.

  • ❌ « Je veux être en meilleure forme »
  • ✓ Bon : « Je veux courir 5 km en moins de 30 minutes »

A = Atteignable (Achievable/Attainable) L’objectif doit être réaliste compte tenu de vos ressources, contraintes et capacités actuelles.

  • ❌ « Je veux perdre 20 kg en 1 mois » (dangereux et impossible)
  • ✓ Bon : « Je veux perdre 6 kg en 3 mois » (0,5 kg/semaine = réaliste)

R = Réaliste/Pertinent (Relevant/Realistic) L’objectif doit avoir du sens pour vous, être aligné avec vos valeurs et votre situation.

  • ❌ « Je veux faire un ultra-marathon » (si vous détestez courir et n’avez aucune base)
  • ✓ Bon : « Je veux retrouver une mobilité sans douleur pour jouer avec mes enfants »

T = Temporellement défini (Time-bound) L’objectif doit avoir une échéance claire.

  • ❌ « Un jour, j’aimerais bien… »
  • ✓ Bon : « D’ici le 30 juin 2025, je veux… »

Les bénéfices psychologiques : un corps en mouvement, un esprit plus libre

Bouger, même légèrement, produit un effet psychologique bien plus vaste que ce que l’on imagine. Mettre son corps en mouvement ne se réduit pas à brûler des calories : c’est une invitation à transformer son état intérieur, à éveiller des dynamiques profondes qui influencent notre perception de soi et du monde.

  • Sentiment de compétence : chaque action accomplie avec succès, même modeste, renforce la conviction que l’on est capable d’agir, d’influencer sa vie et d’atteindre ses objectifs.
  • Meilleure image corporelle : le mouvement reconnecte le corps et l’esprit, atténuant les jugements négatifs et favorisant une perception plus bienveillante de soi.
  • Réduction du stress : le corps en mouvement libère des substances qui apaisent, dynamisent et équilibrent notre système nerveux, créant une sensation de calme et de clarté intérieure.
  • Posture active face aux difficultés : bouger nous place dans une dynamique d’action et de responsabilité, nous rendant plus aptes à affronter les obstacles.
  • Résilience accrue : l’effort répété, même modéré, forge la capacité à rebondir face aux épreuves et à intégrer le changement comme une expérience concrète et tangible.

Le mouvement devient ainsi le premier territoire où l’on expérimente concrètement qu’un changement est possible. Il n’est pas seulement un outil de santé : il est un langage du corps, un laboratoire de soi où chaque geste, même discret, peut modifier l’état intérieur et ouvrir de nouvelles perspectives sur la vie.

Déconstruire les croyances apprises

Nous sommes façonnés par notre passé, notre environnement, nos représentations. Beaucoup de croyances « limitantes » naissent d’un mélange de vécu, de douleur et de malentendus :

  • « Je ne suis pas sportif(ve) »
  • « Je n’ai pas de volonté »
  • « Je ne tiendrai pas »

Ces croyances ne sont pas « vraies » ou “fausses”, elles sont simplement apprises.
Et ce qui est appris peut être désappris, reformé, transformé.

Ces formules, répétées parfois depuis l’enfance, agissent comme de « petites » sentences intérieures. Elles ne décrivent pas le réel : elles le verrouillent. Albert Bandura, dans sa théorie de l’auto-efficacité (Self-Efficacy, 1997), montre que la manière dont une personne évalue ses propres capacités influence directement ses comportements. Non pas parce que la croyance “crée” la performance, mais parce qu’elle oriente l’action, l’effort, la persévérance et l’interprétation des échecs.

Comme le rappelait le philosophe Paul Ricoeur, nous vivons souvent sous le pouvoir du récit que nous nous faisons de nous-mêmes”.

« Le récit construit l’identité du personnage, qu’on peut appeler son identité narrative, en construisant celle de l’histoire racontée. C’est l’identité de l’histoire qui fait l’identité du personnage. »
Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Seuil, 1990, p. 175.

Autrement dit, nous habitons nous passons notre temps à nous raconter des histoires avec des événements interprété, donc à rassembler en une trame d’éléments assez disparates. Déconstruire ces croyances, c’est déjà ouvrir une brèche dans un récit trop étroit, et s’autoriser à devenir autre que ce que l’on se répète depuis trop longtemps.

Le stress, la charge mentale et les conditions de vie

Lorsque « le stress » s’installe durablement de manière inapproprié, il peut modifier nos comportements alimentaires via un mécanisme physiologique bien connu : l’augmentation du cortisol. Les travaux d’Adam & Epel (2007) ont montré qu’un taux élevé de cortisol facilite la recherche d’aliments réconfortants, plus gras et plus sucrés. Non pas par faiblesse morale, mais par un ajustement biologique : le corps tente de restaurer un équilibre émotionnel.

Article associé sur le stress : Petit traité de gestion du stress à l’usage des gens pressés

À cela s’ajoute la charge mentale moderne : travail exigeant, responsabilités familiales, instabilité émotionnelle. Tous ces facteurs diminuent la disponibilité cognitive nécessaire pour engager une routine sportive. Dans une perspective phénoménologique, le corps n’est jamais isolé : il est toujours “situé”, immergé dans un monde qui conditionne ses possibles. L’activité physique n’échappe pas à cette règle : elle demande un espace intérieur que le stress et d’autres facteurs peuvent obscurcir.

La charge mentale, le stress, la fatigue émotionnelle et les inégalités sociales influencent fortement la motivation et la disponibilité mentale (Adam & Epel, 2007 ; WHO, 2022).

Les inégalités sociales

Un autre point important à développer est que l’idée selon laquelle “il suffit de vouloir” ignore une dimension essentielle : les déterminants sociaux. Les données récentes de l’Organisation Mondiale de la Santé (WHO, 2022) montrent que l’accès aux infrastructures, la sécurité du quartier, le niveau d’éducation et surtout le temps disponible influencent fortement la probabilité de pratiquer une activité régulière.

Ici encore, la philosophie éclaire le constat. Pierre Bourdieu rappelait que les habitudes corporelles, nos manières de bouger, de manger, de prendre soin de nous — s’inscrivent dans un “habitus”, c’est-à-dire une histoire sociale incorporée. Le sport n’est pas une volonté pure : c’est aussi une géographie, un contexte, un héritage silencieux.

Nos habitudes, nos goûts, notre rapport au corps proviennent souvent du foyer d’enfance (Sobal & Hanson, 2011).

La théorie de l’apprentissage social de Bandura a montré que les comportements humains sont souvent acquis par observation et imitation. Un enfant qui voit ses parents privilégier la sédentarité, grignoter ou utiliser la nourriture comme récompense est susceptible de reproduire ces patterns à l’âge adulte, même sans intention consciente. De la même manière, les attitudes envers le sport ou la gestion de l’effort se transmettent implicitement par l’exemple et l’environnement.

Ainsi, changer ses comportements n’est pas simplement modifier des gestes ou des choix ponctuels : c’est parfois revisiter une histoire, une identité, des schémas appris depuis l’enfance. L’acte de transformation devient une démarche à la fois comportementale et narrative, où l’on reconstruit ses routines dans un contexte relationnel et symbolique plus large. Cela explique pourquoi les interventions purement comportementales ou diététiques ont parfois des résultats limités, il faut souvent intégrer la dimension psychosociale et la reconnaissance des modèles hérités pour obtenir un changement durable.

« Je grossis en regardant un gâteau » : que dit la science ?

Il est physiologiquement impossible de prendre du poids sans ingestion calorique.

Le corps humain est soumis à la première loi de la thermodynamique : l’énergie ne peut pas être créée ni détruite, seulement transformée. Toute l’énergie qu’un corps dépense (métabolisme, activité, thermogenèse) doit venir soit :

  1. d’un apport externe (nourriture),
  2. ou de ses propres réserves (graisses, glycogène, masse maigre) si l’apport est trop faible.


Cependant, la perception peut être trompée :

  • les aliments très denses en calories créent une impression de « prise immédiate »,
  • la sous-estimation des apports est fréquente.
  • le stress ou la restriction cognitive peuvent conduire à des « craquages » non assumés.

La sous-estimation des apports alimentaires est l’un des biais les plus massifs et les mieux documentés de toute la psychologie de la nutrition. Nous croyons savoir ce que nous mangeons, mais notre perception est souvent décalée de la réalité.
Les travaux fondateurs de Macdiarmid et Blundell (1998), puis ceux de Lichtman et al. (1992) ont montré que l’être humain sous-déclare en moyenne 20 à 50 % de sa prise calorique quotidienne.

Ce n’est donc pas le gâteau regardé qui fait grossir c’est le contexte, la régulation émotionnelle, les habitudes, le rapport à la nourriture... Et tout cela se travaille en séance.

« J’ai un métabolisme lent » : une idée souvent exagérée

L’idée d’un « métabolisme lent » est très répandue dans le discours populaire, souvent utilisée pour expliquer des difficultés à perdre du poids. Pourtant, la recherche scientifique montre que cette perception est généralement exagérée.

Selon Heymsfield et al. (2022), 95 % des variations du métabolisme basal sont expliquées par des variables physiologiques objectives : l’âge, le sexe, la taille, la masse maigre (c’est-à-dire le poids des muscles et organes). Le métabolisme basal correspond à l’énergie minimale nécessaire au maintien des fonctions vitales (respiration, circulation sanguine, maintien de la température corporelle).

Cela dit, des altérations pathologiques du métabolisme existent, comme l’hypothyroïdie, certaines maladies génétiques ou des troubles endocriniens, mais ces cas restent exceptionnels (Chung et al., 2019). Dans la majorité des situations où une personne se croit « lente » métaboliquement, la cause est plutôt liée à des comportements alimentaires et à l’activité physique. Par exemple, la sous-estimation de la consommation alimentaire et la surestimation de la dépense énergétique sont fréquentes (Schoeller, 1990). Autrement dit, le corps n’est pas « lent », mais il reçoit souvent plus d’énergie que ce qui est brûlé, ou l’activité physique quotidienne n’est pas suffisamment élevée pour générer un déficit calorique notable.

Malheureusement, le concept de « métabolisme lent » sert souvent à externaliser la responsabilité de la prise de poids, occultant l’influence déterminante de l’alimentation, du niveau d’activité physique, du sommeil et du contexte psychosocial. Néanmoins, adopter une approche pragmatique permet de constater que la majorité des difficultés à gérer le poids sont liées à des facteurs modifiables, et non à une tare métabolique innée.

« J’ai un blocage » : une réalité psychologique, pas physiologique

Dans la littérature scientifique, le terme de « blocage » n’existe pas en physiologie du métabolisme. Le corps humain ne retient pas l’énergie ou la graisse de manière volontaire. En revanche, le concept de blocage prend sens dans le domaine psychologique, où il désigne des freins inconscients qui limitent la capacité à changer ses habitudes, sa relation à la nourriture ou à son corps. Ces blocages peuvent se manifester sous plusieurs formes :

  • Peur du changement : changer ses comportements alimentaires ou son mode de vie peut être perçu comme une perte d’identité ou de contrôle, un phénomène largement documenté en psychologie du changement (Prochaska & DiClemente, 1983).

  • Loyauté invisible envers son histoire : certains individus maintiennent inconsciemment des comportements hérités de leur enfance ou de leur famille, par fidélité à des schémas appris ou par crainte de trahir une norme interne (Boszormenyi-Nagy & Spark, 1973).

  • Identité attachée au poids ou à l’échec : le poids corporel peut devenir un marqueur identitaire, et le maintien de certains comportements permet de conserver une cohérence psychique malgré l’inconfort (Markus, 1977).

  • Fonction protectrice de la nourriture : la nourriture peut jouer un rôle de régulation émotionnelle, apaisant des tensions ou des émotions difficiles (Polivy & Herman, 2002).

  • Douleur ancienne qui s’exprime à travers le corps : traumatismes ou expériences affectives douloureuses peuvent se manifester par des comportements alimentaires ou des résistances corporelles, souvent étudiés dans les approches psychosomatiques (Van der Kolk, 2014).

L’importance de comprendre ces blocages réside dans le fait qu’ils ne sont pas une fatalité. Ils constituent plutôt un signal, une indication que certains aspects de l’estime de soi, de la relation à la nourriture, à l’autre ou du rapport au corps demandent attention. Travailler sur ces dimensions, que ce soit par la psychothérapie, l’hypnose, la pleine conscience ou l’accompagnement nutritionnel et psychocorporel permet de transformer ce signal en opportunité de changement durable.

Conclusion : bouger pour (re)trouver un équilibre profond

Souvent, nul besoin d’entraînements épuisants ni de transformations spectaculaires. Des mouvements répétés avec constance et douceur, sont comme des gouttes d’eau qui creusent la pierre : imperceptibles au début, mais capables de transformer votre quotidien.

Imaginez votre corps comme un compagnon fidèle, non pas comme un ennemie, chaque mouvement que vous lui offrez est un acte de soin et de respect. Bouger, ce n’est pas brûler des calories à toute force, c’est retrouver une présence vivante en vous, sentir votre souffle, votre cœur, vos muscles qui travaillent en harmonie. Cette sensation de vitalité, de liberté dans le corps, précède généralement la perte de poids durable. Le chiffre sur la balance devient secondaire, presque accessoire.

Plutôt que de demander « Comment puis-je maigrir ? », essayez de sentir profondément « Pourquoi ai-je envie de changer ? ». Cherchez la motivation dans le plaisir de bouger, dans la curiosité de découvrir ce que votre corps peut faire, dans la joie d’un pas qui se fait plus léger. Quand le désir de transformation s’enracine dans le bien-être, dans la liberté, dans la légèreté de l’instant, il devient un allié puissant et fidèle.

Chaque geste, chaque respiration, chaque petit choix conscient devient un acte d’amour envers vous-même. La transformation n’est pas seulement corporelle : elle traverse votre esprit, vos habitudes, vos récits, votre environnement. Elle se construit pas à pas, littéralement et symboliquement. Et avec chaque pas, vous vous rapprochez d’une version de vous-même plus vivante, plus joyeuse, plus libre.

Petit à petit, ces instants simples deviennent la toile sur laquelle se dessine votre transformation durable. Vous n’êtes plus en lutte contre votre corps ou votre métabolisme : vous êtes en dialogue avec lui, en partenariat avec votre énergie et votre vitalité.

Sylvain Gammacurta

Sources

  • Adam, T., & Epel, E. (2007). Stress, eating and the reward system.
  • Allison, M. K. et al. (2017). Étude randomisée sur les montées d’escaliers et le VO₂ max.
  • Bandura, A. (1997). Self-Efficacy: The Exercise of Control.
  • Donnelly, J. et al. (2013). ACSM Position Stand on weight management.
  • Heymsfield, S. et al. (2022). Étude métabolique sur 1000+ participants.
  • King, J. A. et al. (2015). Exercise and appetite regulation.
  • LaForgia, J. et al. (2006). EPOC review.
  • Pontzer, H. (2021). Burn: The misunderstood science of metabolism.
  • Rosenbaum, M., & Leibel, R. (2016). Adaptive thermogenesis.
  • Sobal, J., & Hanson, K. (2011). Family and cultural influences.
  • Stamatakis, E. et al. (2022). VILPA & all-cause mortality.
  • Westerterp, K. (2013). Energy expenditure studies.
  • Wansink, B. (2004). Mindless Eating.
  • WHO (2020–2022). Recommandations sur l’activité physique et déterminants sociaux de santé.