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Pourquoi condamner hâtivement l’erreur est une erreur

L’erreur est humaine

Kant affirme que « le bois dont l’homme est fait est si courbe qu’on ne peut rien y tailler de bien droit ».

L’erreur faisant manifestement parti de l’être mérite à mon sens de ne pas être appréhendée comme un motif de découragement ou d’humiliation mais, au contraire tel un prétexte de changement, de dépassement, d’ingénierie et de créativité. L’erreur, (même si cela ne veut en aucun cas dire qu’elle ne doit jamais être sanctionnée ou punie d’une manière ou d’une autre) peut et doit constituer un terreau fertile de progrès.

Néanmoins pour que toute erreur ne se transforme pas en bêtise ou aberration, il apparait nécessaire évidement d’éviter la persistance à la réitération mais surtout d’en bousculer toute condamnation hostile immédiate.

De nos jours, les nouvelles technologies de communication donnent l’occasion aux individus d’exhiber au plus grand nombre « la beauté de leur âme » reflétant une forme d’aversion totalitaire pour l’erreur.

Le droit à l’erreur est en voie de disparition !

L’activité incessante des juges moralistes porteurs d’une forme d’idéologie à la limite du dogmatisme, rendent chacun d’entre nous plus disposé à l’indignation, au jugement hâtif et à la simplification des faits…Souvent pour le pire, d’un point de vue individuel et collectif.

En recherchant le consentement du plus grand nombre (par exemple sur les réseaux) « l’homme du jugement hâtif » pointant du doigt avec dédain l’erreur d’autrui, s’enferme d’autant plus dans le piège du conformiste dans lequel il est enserré. On assiste à un véritable « rétrécissement de l’âme« .

Si l’on ajoute à cela notre sentiment d’être supérieur moralement aux autres, alimenté par notre désir qu’ils s’en aperçoivent ainsi que notre addiction au scandale, cela crée le climat agonistique, conflictuel et infertile que nous éprouvons aujourd’hui. Rien ne semble plus satisfaire la soif de vengeance et rien ne peux étancher la soif de reconnaissance. Tels les Danaïdes, ce genre de comportement vise à remplir sans fin un tonneau troué. Les individus s’égarent dans une forme de quérulence paranoïaque, qui ferme les portes à tout espace de doute réflectif, de nuance, de sublimation et d’individuation.

Dans la culture de la faute, tout malheur, toute souffrance prend la signification du péché. Aujourd’hui, nos progrès nous ont fait passé de la culture de la faute à la culture du préjudice. (Salomon J.J, Survivre à la science, une certaine idée du futur.)

L’hyper-conséquentialisme, cette doctrine qui tient pour responsable les individus même lorsque les conséquences de leurs actions n’étaient pas intentionnelles prend le pas sur toute forme de réflexion. Il faut un coupable et mieux vaut haïr qu’agir et échanger.

Depuis l’avènement des réseaux sociaux, c’est n’importe lequel d’entre nous, qui par une déclaration malheureuse, une blague qui ne plait pas etc… peut être responsable de rendre le monde plus sombre. Gérald Bronner.

Il se trouve que nul ne peut être à la hauteur des exigences morales de cet hyper-conséquentialisme, car l’injonction d’assumer des conséquences qui se situent en-deçà de notre vigilance consciente est tout simplement inhumaine.
Il en résulte une démultiplication de guerres de valeurs par le biais d’un climat d’intimidation morale aberrant.

Dans cette détestation de l’autre qui fait et pense « mal », la misologie et de misanthropie s’installe, la division règne et la loi, pourtant souvent dénigrée devient alors l’illusion d’un « super-moi transcendent» imposant aux autres ce qu’il croit être juste. « En vouloir prend la place de la volonté .»

« La plainte c’est « porter plainte » et sans doute est-ce louable dans l’univers juridique mais dans l’univers psychologique et émotionnel, il faudra se départir de cette plainte pour éviter d’être rongé par elle et de s’enfermer dans une fureur qui consume. » Francois Roustang.

Article associé : Guérir du ressentiment avec CI-GÎT L’AMER – Sylvain Gammacurta – Hypnotherapeute (gammacoachinghypnose.com)

La croyance en des valeurs radicales et universelles

La problématique est la suivante : l’être humain a intuitivement tendance à essentialiser le monde, à l’éditorialiser pour en faire une fiction où toutes les informations se doivent de coïncider avec ses propres représentations préalables au risque d’être dénaturées, rejetées ou même occultées. Beaucoup encore croient en l’hypothèse du « mal radical », indéfendable, sans nuance, moralement inadmissible, qui doit à tout prix être condamné, bannit et parfois maudit.

Les mécanismes neuronaux de ce que l’on appel « biais de confirmation » ainsi que les arguments contradictoires constituant de prime abord une sensation de « menace » vis à vis de notre identité nous éloignes radicalement d‘une pensée construite et rationnelle.

Article associé : Psychologie de la connerie – Sylvain Gammacurta – Hypnotherapeute (gammacoachinghypnose.com)

C’est ce que l’on appelle communément « le manichéisme ». Le manichéisme est le penchant psychologique qui pousse chacun à catégoriser les éléments du monde où il vit en deux ordres clairement distincts : les bons et les mauvais. C’est blanc ou noir, les nuances n’existent plus. Ainsi le monde devient simpliste et le travail de réflexion psychique est simplifié. C’est un processus hautement réducteur mais terriblement efficace. Il interrompt une réflexion qui s’épuise à se représenter mentalement les situations chaotiques des théâtres d’opérations actuels. L’imaginaire utopique ne supporte que très rarement l’incertitude, au moindre faux pas, ils faut donc sanctionner, humilier, blâmer, bref faire justice avec véhémence !

Si je suis le bien, l’autre est forcément le mal…

Sous cet angle, il devient alors aisé de mieux comprendre la problématique du « vivre ensemble« . La plupart des individus organisent leur existence de façon à ne pas se comprendre, ou en croyant avoir tout compris, se complaisant dans un narcissisme exacerbé et vindicatif… Toutes réflexions contradictoires et auto-analyses deviennent alors difficilement envisageables. Les principes démocratiques que représentent la liberté et l’égalité se transforment en passions tristes sujets aux ergotages.

 « Il n’y a pas de phénomènes moraux rien qu’une interprétation morale des phénomènes » Nietzche

Bien que l’erreur soit préjudiciable et que les condamnations soient essentielles également à ce même « vivre ensemble », un des pires travers qui menace, vis-à-vis de soi ou d’autrui, serait de tomber dans l’erreur de l’erreur, c’est-à-dire dans la transformation hâtive de l’erreur en « faute » et de son auteur en « coupable » à blâmer et réprimer, en inepte diabolisation !

D’un point de vue individuel, c’est une chose bien connu, se priver de la possibilité de commettre des erreurs, c’est bloquer ses propres processus d’apprentissages. « Apprentissage par essai / erreur ( voire Thorndike) ».

« Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends », Nelson Mandela

De plus il est important de ne pas confondre un comportement, donc une potentielle erreur avec son identité ou même celle de quelqu’un. Faire n’est donc pas forcément être !

Eloignez-vous de toute confusion du type : « J’ai fait une erreur donc je suis nul(le) ». « Il a triché donc c’est un tricheur. » Non seulement ce type de raccourci est souvent erroné et de surcroit contraint au fatalisme. A savoir qu’un souvenir autobiographique abusivement généralisé à tendance à devenir le paradigme de notre cheminement dans l’existence, notre itinérance. (Williams J.M.G « Autobiogrphical Memry and emotional disorders)

En quoi l’erreur peut-être constructive

Sans tomber dans le relativisme radical, il n’existe que très peu de vérités absolues, et ceux qui veulent les défendre à tout prix sombrent très souvent dans le ridicule et la médiocrité éreintant toute forme de dialectique.

On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter. L’intelligence serait d’accepter son ignorance, ses interrogations sur la vie et la nature, sur soi et les autres. Kant.

Le problème des jugements hâtifs, qui ont existé de tous temps mais qui s’imprègnent de manière exponentielle dans notre quotidien depuis l’émergence des réseaux sociaux, est qu’ils constituent une forme de régression face aux crises que nous traversons. De plus, ces jugements hâtifs et manichéens sont malheureusement plus susceptibles d’être partagés par le plus grand nombre, car ils offrent l’illusion de comprendre la complexité du monde. (Loi de Bradolini : ou principe d’asymétrie des idioties, est un adage énonçant que la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est d’un ordre de grandeur supérieur à celle nécessaire pour les produire. Ce principe critique la technique de propagande consistant en la diffusion de masse d’infox qui exploite la crédulité d’un certain public en faisant appel à son système de pensée rapide, instinctif et émotionnel.)

D’autres penseurs inspirés ont pressenti que « le vrai », sur le court terme, avait énormément de mal à s’imposer. Ainsi Tocqueville, clairvoyant, affirmait en son temps « qu’une idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de puissance qu’une idée vraie mais complexe« . Tout ce qui est poudre aux yeux et tape à l’œil s’impose souvent en maitre pour nous éblouir ou nous indigner. Quoi qu’il en soit, cela ne nous laisse que rarement indifférent et a tendance à nous aveugler.

Pourtant, il est évident que la foi naïve et spontanée dans l’apparence et les présupposés, est source affligeante de méconnaissance propice à la crédulité. J’aime beaucoup cette maxime de Vladimir Jankélévitch : « Le ciel des valeurs est un ciel déchiré »

Entre débrouille et tricherie, mensonge et vérité, bourde et malveillance, défaut et qualité, la frontière est parfois relativement fine et subjective.

La plupart des individus confrontés à une idée, un comportement, un principe contraire à leur vision du monde et de leurs principes idéologiques, se trouvent offusqués et se laissent facilement ensevelir par l’émotion et le ressentiment, dans une forme d’injustice victimaire. L’indignation l’emporte et leur octroi « le droit » d’appliquer leur sanction de bourreaux courroucés. C’est à ce moment précis que tout jugement éclairé s’estompe voire disparait totalement.

« Entrer dans le ressentiment c’est pénétrer la sphère d’une morsure acérée qui empêche la projection lumineuse, ou plutôt qui valide une certaine forme de jouissance obscure. » Cynthia Fleury.

C’est un reflexe humain et compréhensible sous bien des angles… Mais le lynchage, la dénonciation systématique de la faute et de l’erreur à la recherche absolue de plaintes compatissantes ou d’une réparation à la hauteur du préjudice moral n’en n’est pas moins une tentative de solution pernicieuse. La faute devient un objet fétiche, distordant la réalité et lourde de conséquence « irréparable« . Les conséquences pour l’individu sont en effet graves : tendance au manichéisme, réductionnisme, perte du discernement, fausse appréhension de la réalité, enfermement cognitif…

Au niveau individuel, c’est un peu comme une hyper focalisation sur vos « erreurs » et un jugement négatif permanant, vous conduisant à l’auto-sabotage, à la honte ou à l’évitement quelles que soient vos entreprises, en particulier sur le long terme.

Au niveau collectif, la tendance à transformer toute « erreur » en faute morale n’aide pas à réaliser un processus cumulatif (intégrer des leçons passées). Au contraire, les processus accusatoires incitent davantage à la dissimulations des « erreurs », ce qui correspond tout simplement à une perte d’informations précieuses sur la réalité. Cette perte cruciale d’informations constitue une terrible méconnaissance et une embuche certaine au progrès.

D’un autre point de vue, il existe un large panel de solutions bien plus adéquates afin de de libérer ses pulsions hostiles, ou de dépasser les affres du ressentiment que de déclarer une guerre a la moindre faute qui nous blesse l’œil. Par exemple d’une manière plus créative et ouverte axée sur des actions réflectives demandant une humilité et une remise en question de nos croyances les plus profondes. Il est parfois nécessaire de rentrer en « conflit » avec le ressentiment lui-même plutôt qu’avec son objet.

Discerner convenablement nécessite du temps, de la patience, de la prudence, de l’ouverture et certainement un bon nombre d’échanges à condition de prendre la distance nécessaire afin de ne plus se considérer comme premier protagoniste de l’affaire. N’oublions pas que chez Descartes, la générosité est matricielle et protectrice des passions tristes, alors qu’attendons-nous pour être généreux avec les autres et avec nous-même ?

La guérison est une affaire d’invention de la nouvelle norme de vie à produire; elle est création. Georges Canguilhem

Sylvain Gammacurta, Hypnose.

Lectures pour aller plus loin : Kant : Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique. Cynthia Fleury : ci-git l’amer. Gérald Bronner : Apocalypse cognitive. Gustave Lebon psychologie des foules. Vladimir Jankélévitch le pur et l’impur. Nietzsche : Généalogie de la morale, Par delà bien et mal. François Roustang : La fin de la plainte.

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