Sylvain Gammacurta Hypnose
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La notion de sens : un mécanisme psychologique crucial.

Déceler du sens autour de nous est si crucial pour notre survie que les situations où ce sens nous échappe provoquent l’apparition d’une angoisse physiologique aiguë. 

Le vide de sens est peut-être de nos jours l’un des malaises existentiels les plus communs et dévastateurs de notre temps. Ce vide est habituellement ressenti par des personnes qui réfléchissent beaucoup, parfois beaucoup trop pour l’entourage proche et qui s’intéressent à des thèmes transcendants comme la mort, la notion de justice, de bien, de mal ou de liberté, conduisant parfois à une forme d’angoisse existentielle.

Aujourd’hui, des millions d’individus dont l’existence se résume à travailler pour rembourser un crédit auto ou immobilier, gagner quelques likes sur divers réseaux sociaux ou encore faire l’acquisition d’un écran géant pour regarder une poignée de joueurs courir après un ballon et des courses de billes. Nos modes de consommation nous plongent dans l’instant, nous incitent à acquérir et se débarrasser rapidement de biens, souvent inutiles ou très vite obsolète. Fast-food, livraison express, vidéos à la demande, ventes flash sont notre lot quotidien… La plupart d’entre nous vivons continuellement en quête de plaisir pour anesthésier la souffrance du vide de sens.

Les politiques n’échappent pas à cette dictature de l’immédiateté , sommés de gérer l’urgence et les enjeux à court terme, délaissant, impuissement et aveuglément les catastrophes “lointaines” qui se profilent lentement mais sûrement.

Au milieu de cette frénésie, nous sommes parfois pris dans un sentiment de perte de contrôle de nos existences et faisons face à un vide, un vide de sens si insupportable que selon une étude de 2014 publiée dans la revue Science*, nous préférons encore nous infliger des chocs électriques plutôt que de rester assis pendant 15 minutes sans rien faire. 

Le vide de sens nous fait tellement peur que nous nous arrangeons pour le combler par n’importe quel moyen : jeu vidéo, fils d’actualité, consommation… Bref, se distraire par tous les moyens, pour ne pas affronter ses questions aussi cruciales que déstabilisantes.

David Hume en son temps dans son essai “Les premiers principes de gouvernement” expliquait que les gouvernants doivent tout faire pour dissimuler aux gouvernés que le pouvoir n’est pas dans leurs mains. Plus récemment, Noam Chomsky considérait que plus les masses populaires acquièrent des droits, plus les gouvernants ont intérêt à trouver des moyens sophistiqués de propagande. 

« Diriger l’attention des peuples par du “divertissement“, comme des émissions de télé-réalité ou du sport est un des meilleurs moyens de propagande. »

==> Une enquête de 2016 révèle que nous consultons en moyenne plus de 221 fois notre smartphone par jour, soit une fois toutes les six minutes.

Celui-ci a un double-intérêt : détourner « l’attention du peuple vers les choses superficielles de la vie telles que la consommation à la mode » mais aussi lui priver ce temps à l’exercice de la pensée et de la réflexion, de la culture… Or, on active davantage les neurones en étant actif (Steve Masson), en se posant des questions par exemple, que passif (en recevant une réponse sans y avoir réfléchie en amont). Il faut activer les neurones en lien avec l’apprentissage visé et donc activer sa réflexion pour émettre des hypothèses en utilisant le cerveau prédictif, puis, corriger les hypothèses le plus rapidement possible pour éviter de consolider des erreurs…

A mesure que l’humanité s’est dotée de moyens technologiques lui permettant de subvenir à ses besoins matériels, elle a négligé la question profonde du sens. Nés dans un monde où le sens est une valeur démodée voire délivré par la société, nous avons, pour la plupart d’entre-nous, oublié que ce besoin est ancré en nous de manière inexpugnable. 

Ainsi, même dans les sociétés où les vecteurs de sens culturels ou religieux restent extrêmement présents, l’illusion d’une vie réussie est tournée concrètement vers une augmentation du niveau de vie et de confort financier. 

Confronté à l’absence de sens, l’être humain panique, il est traversé par une angoisse primale activant des réflexes de survie et donc génératrice d’un haut niveau de stress.

Aux origines du sens :

En phase d’exploration, un animal, prenons ici l’exemple d’un singe, qui se déplace dans la jungle, scrute les feuillages, repère des troncs et des bouquets de fougères, se faufile entre les arbres, distingue le bruit lointain d’une cascade, sent une odeur d’humus et tombe finalement sur un arbre à noix dont les fruits sont délicieux et très nourrissant.

Lorsque ce singe découvre les fruits et commence à s’en délecter il éprouve du plaisir, ce plaisir lui est délivré par une molécule appelée dopamine, qui est libérée au fond de son cerveau par une structure nerveuse appelée striatum. 

Il retient alors l’événement et renforce le souvenir de ce contexte ( feuillages, troncs, bruit d’une cascade, odeur…) signalant la présence probable de nourriture essentielle à sa survie. La prochaine fois que le singe repèrera une combinaison sensorielle identique, la dopamine sera libérée avec un temps d’avance sans même attendre la découverte des noix. 

C’est une prédiction inconsciente réalisée par son cerveau sur ce qui va se produire. 

L’être humain fonctionne de la même façon, en hypnose et neurosciences nous parlons de cerveau prédictif et d’ancrage. 

Ces prédictions offrent un avantage adaptatif et évolutif, un mécanisme qui augmente les chances de survie. Lorsqu’un être vivant est capable de “prédire” ce qui va arriver à partir de l’observation de son environnement, il décuple son pouvoir de contrôle et de décision.

En cherchant à multiplier les situations avantageuses et fuire les potentiellement dangereuses, il a un temps d’avance sur le réel. 

Cette capacité à établir des liens entre l’environnement et le futur est la base de ce que l’on appellera, chez une espèce hautement cérébrée comme l’homme : le sens. 

Cette société n’est pas livrée au chaos, par ce biais, elle à un ordre et cet ordre est intelligible. La notion de sens est précieuse, elle est notre outil de déchiffrage du monde et constitutive de croyances fondamentalement rassurantes et apaisantes en réduisant le sentiment d’incertitude sur l’avenir. 

Notre tendance à déceler des liens de sens au sein de notre environnement est si développée et si irrépressible qu’elle nous amène parfois à discerner des liens là où il n’en existe pas forcément. 

Quand nous exécutons des gestes rituels, utilisons des objets “porte-bonheur” ou revêtons nos sous-vêtements fétiches, une dose de dopamine est immédiatement libérée et nous sommes victimes (ou heureux bénéficiaires) de ce système d’anticipation. 

Néanmoins, ce mécanisme a sa contrepartie… Lors d’un échec de prédiction de notre cerveau, quand la croyance ancrée se fracasse sur le réel, une petite bande du cortex cérébral à quelques centimètres au-dessus du striatum rentre en action : le cortex cingulaire antérieur.

Dès que les prédictions ne sont plus confirmées par ce qui se produit dans les faits, le cortex cingulaire s’active et envoi un message d’erreur qui a pour conséquence de nous plonger dans comportement d’alarme, à l’affût du moindre changement ou de la moindre perte, à la fois perdu et stressé. 

Dans l’organisme,ce signal d’alarme déclenche une puissante réaction de stress, le cortex cingulaire active un circuit nerveux à plusieurs maillons qui descend jusqu’à un centre cérébral impliqué dans la peur et l’angoisse -l’amygdale- puis aux glandes cortico-surrénales et à des noyaux neuronaux du tronc cérébral, qui libèrent des hormones comme le cortisol ou la noradrénaline, dont l’effet est de placer le corps en posture de fuite, de combat ou de paralysie et de provoquer une angoisse qui peut devenir existentielle. 

C’est donc notre cortex cingulaire qui joue le rôle de signal d’alarme qui nous avertit quand notre monde n’a plus de sens décelable.

Si ce mécanisme est naturellement un mécanisme d’adaptation et d’ajustement, c’est quand ces repères changent trop vite, trop brutalement et ou de façon constante sans laisser de répit qu’il nous amène vers la destruction.  On comprend donc la problématique des plaisirs éphémères et de la politique du toujours plus…

Lorsque l’environnement devient indéchiffrable, l’esprit vole en éclats. 

Les récits sur l’origine du monde et les rites qui régulent la vie sociale participent à cette stabilité dont le cortex cingulaire a besoin. C’est pourquoi, face au vide de sens, que l’esprit humain se construit perpétuellement des systèmes de représentations, d’ordre et de cohérence. Depuis que l’homme existe, il ne fait que insuffler du sens à la réalité. 

“L’être humain n’est plus une chose parmi d’autres ; les choses se déterminent l’une l’autre ; mais l’homme, en dernière analyse, est son propre déterminant. Ce qu’il devient – dans les limites de ses facultés et de son environnement – doit être fait par lui-même.”

-Viktor Frankl-

Pour la plupart des hommes, rien n’est plus insupportable que l’impuissance face à un phénomène que l’on ne contrôle pas et dont on ne peut prévoir l’issue.

Le canadien Michael Inzlicht et son équipe de l’université de Toronto, ont prouvé que se représenter le monde comme un lieu habité par un sens ( religieux, philosophique, spirituel…) apaisait le système d’alerte de l’être humain, même en cas d’erreur de prédiction, prouvant de ce fait que le cerveau et plus précisément ce fameux cortex cingulaire est une véritable “machine à sens”. 

Les travaux de Jonathan Gottschall (2013), montrent les êtres humains comme des « animaux narratifs » et font de la fiction un élément aussi important pour l’homme que l’eau pour le poisson. Le célèbre Michael Gazzaniga (2015) ne dit pas autre chose dans son dernier ouvrage en décrivant comment notre cerveau s’abandonne compulsivement à une narration perpétuelle de son environnement (voir aussi Schank et Abelson 1977).

Aujourd’hui, nous avons pour beaucoup perdu ce sens. Pour la plupart des régions du monde que l’on qualifie de développées, les grands systèmes de sens, religieux, idéologiques, philosophiques etc… ne sont pour ainsi dire que des référents dévalués, fragilisés par des connaissances scientifiques et par la coexistence de multiples messages spirituels dont la seul multiplicité suffit à réduire à néant l’espoir d’une vérité absolue.

En résulte bon nombre de symptômes psychologiques, d’une surutilisation des ressources naturelles du monde et d’une société hautement manipulable souvent pris dans l’engrenage de l’opulence matérielle et/ou d’un désir de reconnaissance démesuré. 

Ainsi, quand une personne se retrouve dans un profond état de désoeuvrement et se sent comme perdue dans le labyrinthe de son existence, des conflits psychiques peuvent apparaître et parfois cela se fait inconsciemment, si bien que l’individu n’est pas capable d’intégrer ses blessures et ne les identifie peut-être même pas. 

Selon le célèbre psychiatre suisse Viktor Frankl, ce vide est le noyau de nombreux troubles, cette sensation de non-sens s’expriment dans la dimension psychologique à travers trois groupes de symptômes :

  • Symptômes dépressifs
  • Symptômes agressifs avec ou sans perte de contrôle des impulsions
  • Addictions

Le sens qui nous lient :

Le dilemme du prisonnier : Avantage de la collaboration, un pari gagnant/gagnant, à condition que tout le monde collabore avec confiance.

Pour le psychologue suisse Carl Jung, l’homme a besoin de trouver un sens pour pouvoir continuer son chemin dans le monde. Sans ce sens, il est perdu. 

V. Frankl souligne que le chemin vers le sens se crée avec les valeurs et que la conscience sociale est l’instrument qui le révèle. Même si les valeurs surgissent d’une intimité personnelle, elles finissent par se transformer en valeurs universelles qui coïncident avec les systèmes culturels, religieux ou philosophiques qui nous lient inconsciemment aux autres. 

Une vie avec un sens est, en quelque sorte, une vie enracinée dans le domaine social.

Le sociologue et philosophe français Emile Durkheim exprime très bien le problème du déracinement social et les conséquences qu’il implique:

 [quand l’individu] s’individualise au-delà d’un certain point, s’il se sépare trop radicalement des autres êtres, hommes ou choses, il n’est plus connecté aux sources qui devraient l’alimenter. En faisant le vide autour de lui, il s’est lui-même empli de vide et il ne lui reste alors plus qu’à réfléchir à sa propre misère. Son seul objet de méditation est le néant qui l’habite et la tristesse qui en découle”.

A vrai dire, l’être humain n’est physiquement pas très rapide, pas non plus particulièrement fort ou résistant, il ne possède ni griffes acérées, ni mâchoires puissantes. Seul son espérance de vie ne dépasse probablement pas une poignée de jours… En revanche, le même individu inséré au sein d’un groupe pourra survivre et évoluer pendant de longue année, à condition de coopérer, autrement dit apprendre à synchroniser ses actions avec celles de ses semblables, anticiper leurs actions et réactions en utilisant se fameux système de prédiction des actions d’autrui (neurones qui estime la probabilité collaborative (en fonction de l’expérience) d’un ou de plusieurs partenaires**), et pour cela, quoi de plus important au sein d’une société ou d’un groupe qu’un sens commun ?

Sylvain Gammacurta Hypnose

Voir aussi : https://gammacoachinghypnose.com/apocalypse-cognitive-le-nouvel-essai-de-gerald-bronner

Pour aller plus loin sur les processus prédictifs : https://www.youtube.com/watch?v=j7dLtnlB_gI

Sources :

*Wilson, T.D et al, « Just think : the challenges of the disengaged mind », Science 345, 75-77 (2014)

** Haroush, K. & Williams Z. M., « Neuronal prediction of opponent’s behavior during cooperative social interchange in primates » (2015) : En cas d’erreur de prédiction, on note une activation massive du cortex cingulaire qui provoque l’émission du signal d’erreur qui amène le sujet de l’expérience à rectifier son comportement et se méfier davantage à l’avenir et rejeter de possible collaboration…

Où est le sens ? Sébastien Bohler, édition Robert Laffont

https://nospensees.fr/le-vide-existentiel-la-sensation-que-la-vie-na-pas-de-sens/

David Hume en son temps dans son essai “Les premiers principes de gouvernement” 

https://core.ac.uk/download/pdf/54825192.pdf

Noam Chomsky : Fabriquer un consentement, La gestion politique des médias de masse

Grald Bronner : Apocalypse cognitive

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