Sylvain Gammacurta Hypnose
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Ecouter et dialoguer avec humilité, plutôt que juger et imposer sa vision du monde

« Dans une société saine et normale, il est habituel que les gens soient en désaccord, car il est relativement rare qu’un accord général s’établisse, sitôt que l’on sort du domaine des instincts.

Si le désaccord est un véhicule de la vie mentale dans une société, on ne saurait pourtant le considérer comme une fin en soi. L’accord est aussi important.

Et parce que la psychologie, fondamentalement, repose sur l’équilibre des contraires, aucun jugement ne peut être considéré comme définitif si l’on n’a pas pris en considération son contraire.

La raison de cette particularité réside dans le fait qu’il n’y a aucun point de vue se situant au-dessus ou en dehors de la psychologie d’où nous pourrions porter un jugement définitif sur la nature de la psyché.  »

C.G. Jung  » L’homme et ses symboles « 

Humilité vs arrogance dans les débats

Chez la plupart des hommes, l’orgueil s’accompagne d’un besoin de bavardage et d’une malhonnêteté décadente. Ils parlent avant d’avoir réfléchi, et même s’ils se rendent compte après coup que leur affirmation est fausse et qu’ils ont tort, il faut que les apparences prouvent le contraire. De cette façon, la faiblesse de notre intelligence et la perversité de notre volonté se soutiennent mutuellement. Voilà à peut prêt la thèse que Schopenhauer defendait dans ce petit ouvrage intitulé ‘l’art d’avoir toujours raison ».

Il faut bien avouer que l’homme maitrise à merveille « l’art de la dialectique éristique », autrement dit, l’art de disputer et ce de telle sorte que l’on est toujours raison par tous les moyens possibles.

Le penchant qui nous amène à « davantage raisonner pour avoir raison », pour condamner, s’indignier plutôt que pour comprendre, nous conduit malheureusement à nous enfermer, de manière aveugle, dans un cadre de pensées fait de biais et d’arrogance. Alors que le changement devient la seule certitude, tant au niveau social, médical, politique, que technologique, la capacité de chacun à réfléchir à sa propre réflexion (ou métacognition), et à faire preuve d’humilité intellectuelle, devient à mon sens une capacité vitale.

Ce problème ne se limite pas, et de loin, aux politiques, dirigeants ou même aux plateaux de télévision. Nous avons tous probablement été confrontés un jour à des personnes de notre entourage qui ne sont malheureusement pas ouvertes au débat et enclines au doute. Ces gens ont généralement une confiance aveugle dans leurs propres opinions, qu’ils considèrent comme bien supérieures à celles des autres, auxquelles ils n’accordent d’ailleurs que très peu de crédit… 

Il faut savoir que nous nous basons parfois inconsciemment sur des indicateurs imprécis, des présupposés (ou priming) pour considérer une information comme vraie ou non. Par exemple, le professeur Christopher Chabris (psychologue de recherche américain) explique que lorsqu’une pensée nous vient immédiatement et sans effort, elle nous semble vraie ou du moins logique. Or, lorsque vous entendez quelque chose pour la deuxième ou la troisième fois, votre cerveau y répond plus vite, et cette fluidité vous donne une impression de confiance. C’est pourquoi un mensonge répété plusieurs fois a plus de chance d’être considéré comme vrai.

Pourtant, discuter, enseignait Montaigne, c’est prendre le risque de penser autrement après qu’avant. Cela suppose, au préalable, un interlocuteur certes, mais avant tout un respect pour celui ci et ses capacité réflectives. Dans un nombre grandissant de chapelles idéologiques, pour ne pas dire sectaire on ne s’en soucie malheureusement plus.

La notion d’entropie et le sens

Le sens de la vie est la plus pressante des questions, disait Albert Camus.

La notion d’entropie (le degré de désorganisation, ou d’imprédictibilité, du contenu en information d’un système) transposée à la psychologie permet de définir cette magnifique capacité que possède notre cerveau de « comprendre » ou plus justement tenter de comprendre le chaos.
Par manque de régulations, la crise sanitaire actuelle engendrant une crise sociale, alimente encore plus notre réflexe naturel de réduire le degré d’incertitude, d’ambiguïté et de désordre.

Bien que ce phénomène n’ait rien de nouveau, nous sommes actuellement dans un conflit entre l’évolution de l’organisation et celle des relations humaines.
En apportant la cause de leur mal-être, les hommes et les femmes soumis à la peur ou à l’indignation se prêtent à un déterminisme qui les pousse toujours plus vers un repli sur eux-mêmes et leurs croyances initiales.
Dans cette posture, les pathologies individuelles et sociales ne se font pas attendre.

Or, dans notre société postmoderne, le bonheur est souvent recherché à travers un besoin accru de sécurité, une volonté de reconnaissance et bien-sûr une recherche quasi permanente de biens extérieurs… Le point commun de toutes ces facettes étant le besoin de sens.
Dans cette volonté de réduire l’ambiguïté du monde, dans cette forme de fuite en avant cherchant par tous les moyens à trouver un sens unique aux choses, certains n’accordent malheureusement que très peu de temps à la réflexion sur les prémisses et associations de leurs idées (métacognition).
Cette attitude concourt à cet individualisme croissant, que beaucoup déplorent.

« Ainsi les premières pages d’un livre sont déjà dans les premières. Ce nœud est inévitable. La méthode définie ici confesse le sentiment que toute vraie connaissance est impossible. Seules les apparences peuvent se dénombrer et le climat se faire sentir.  » A. Camus, le mythe de Sisyphe.

D’un point de vue plus scientifique, c’est une partie de notre cerveau appelée « cortex cingulaire » qui est à l’origine de ce besoin effréné de certitude.
Dès qu’il se trouve confronté à une situation qui manque d’agencement ou bardé d’informations aléatoires, ambivalentes voire contradictoires, il crée un ordre compensatoire rassurant.

« Un monde qu’on peut expliquer même avec de mauvaises raisons est un monde familier.Mais au contraire, dans un univers soudain privé d’illusion de et de lumières, l’homme se sent un étranger » A. Camus.

Ce cortex est un véritable obsédé d’ordre et de contrôle, car il crée en permanence des récits de sens qui organisent l’univers, qui est un moyen sécurisant de réduire l’entropie.
Choses qui renforcent cette manière de raisonner, le cortex cingulaire va automatiquement se trouver rassuré par un discours allant dans le sens de nos opinions et une attitude plus sympathique pour nos semblables ne suscitant en nous que peu d’imprévisibilité. C’est une chose intéressante…Les individus ont tendance à adhérer à ce qui leurs paraît être leurs décisions et se comporter conformément à elles (cf : Kurt Lewin 1947).

Ce que je déplore en revanche ce sont les mécanismes inverses que cela engendre, sur les personnes ou opinions ne nous ressemblant pas : stigmatisation, essentialisation, agressivité, manque de considération, de dialogue et j’en passe…

Les valeurs morales et le manichéisme réducteur du bien et du mal, du juste et de l’injuste, de la liberté et de l’asservissement ont permis d’organiser notre société par une stratégie de contrôle de l’individu trouvant son intérêt dans un équilibre de droits et de devoirs.

L’instinct d’imitation et les liens sociaux que ces comportements innés construisent, remontent probablement à des milliers d’années et constituent une qualité évolutive de coopération formidable pour l’être humain, néanmoins aujourd’hui nous en atteignons clairement les limites… A nous d’apprendre à dépasser ces raisonnements pour poursuivre cette évolution.

Efforcez-vous de ne pas voir ce que vous croyez voir en regardant cette photo 😅

Peut être une image de boisson et texte
Une paréidolie est un phénomène psychologique, impliquant un stimulus vague et indéterminé, plus ou moins perçu comme reconnaissable.

Viktor Frankl, un psychologue ayant survécu aux camps de concentration, réalisa durant son emprisonnement que que les prisonniers qui survivent aux atrocités des camps ne sont pas les plus forts physiquement, mais ceux qui donnent un sens à leurs souffrances. Après sa libération, il a développé une thérapie basée sur le sens de la vie, qu’il appelle “logothérapie”.

Selon lui, ce que recherchent avant tout les hommes, ce n’est pas le plaisir, mais une raison de vivre, un sens à donner à leur vie.

Dans son bestseller “Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie”, Frankl écrit ces mots :

“Au lieu de se demander si la vie avait un sens, il fallait s’imaginer que c’était la vie qui nous questionnait – journellement et à toute heure. Nous devions répondre non par des mots et des méditations, mais par de bonnes actions, une bonne conduite.”

VIKTOR FRANKL

De ce point de vue, nos croyances, valeurs et le sens que l’on octroie au monde peuvent être défendues avec la rage d’un instinct de survie…

Pêché d’hubris

L’hybris, ou hubris est une notion grecque qui se traduit le plus souvent par « démesure ». Elle désigne un comportement ou un sentiment inspiré par des passions, particulièrement l’orgueil et l’arrogance, mais aussi l’excès de pouvoir et de ce vertige qu’engendre le succès. Les Grecs lui opposaient la tempérance et la modération, qui est d’abord connaissance de soi et de ses limites.

Personne n’aime avoir tord, la plupart des individus observe ainsi une forte propension à surestimer leurs propres capacités et connaissances, et à sous-estimer leurs limites. Chacun est ainsi sujet à un biais de supériorité illusoire, qui nous permet de satisfaire notre ego, en nous pensant, a minima, supérieur à la majorité de la population, dans une multitude de domaines (cf : effet Dunning-Kruger).

L’effet Dunning-Kruger, est un biais cognitif controversé par lequel les moins qualifiés dans un domaine pourraient surestimer leur compétence. Ce phénomène a été décrit au moyen d’une série d’expériences dirigées par les psychologues américains David Dunning et Justin Kruger.

Dunning et Kruger attribuent ce biais à une difficulté métacognitive des personnes non qualifiées qui les empêche de reconnaître exactement leur incompétence et d’évaluer leurs réelles capacités. Cette étude suggère aussi les effets corollaires : les personnes les plus qualifiées auraient tendance à sous-estimer leur niveau de compétence et penseraient à tort que des tâches faciles pour elles le sont aussi pour les autres.

L’exemple le plus proche : l’illusion de connaissances médicales sur la pandémie de Covid-19, où, dans une étude récente, près de 80% des individus ont supposé que leur niveau de savoir sur la maladie était supérieur à la moyenne des gens, pouvant alors renforcer les attitudes conspirationnistes.

==> Autrement dit, il existe bien une grande discordance entre la façon dont les personnes incompétentes perçoivent leur propre performance et leur performance réelle, tandis que la discordance est bien moins grande pour les individus hautement compétents. L’explication avancée par Kruger et Dunning, réside dans le fait que les personnes incompétentes n’ont pas les compétences requises pour réaliser qu’ils sont incompétents.

En somme, la plupart d’entre nous trouvons incapable d’accepter l’étendue de notre ignorance et développons par un phénomène compensatoire (probablement dans le but de nous rassurer), un excès de confiance pour nos propres croyances, opinions et compétences dans un domaine, surtout quand nous n’en avons peu dans ce domaine. Si cette tendance peut prêter à sourire quand elle concerne des activités enjeux particulier (qui ne s’est jamais amusé d’observer le supporter d’une équipe de foot refaire le match en étant assurer de pouvoir faire mieux que le coach), elle peut toutefois devenir une réelle menace à l’heure où l’accès à l’information, qu’elle soit vraie, erronée ou falcifiée est surabondante.

Plusieurs recherches ont ainsi démontré que nous sommes beaucoup à surestimer notre capacité à distinguer entre les titres de presses légitimes, et les faux, conduisant dès lors à modifier nos croyances et nos comportements dans la vie réelle : les individus les moins équipés pour distinguer le vrai du faux sont ainsi les moins conscients de leurs limites, et aussi les plus susceptibles de propager des informations falsifiées. Sans oublier les conflits d’intérets, les récupérations politique, les bulles de filtres et chambres d’écho (en plus de notre tendance à préférer les contenus qui confirment ce qu’on pense déjà, les algorithmes contribuent à nous enfermer dans une bulle où rien ne pénètre, à part les informations auxquelles on adhère à priori) et autre manoeuvres conduisant à une difficulté suplémentaire à selectionner les informations pertinantes.

Peter L. Samuelson et Ian M. Church, professeurs en épistémologie et philosophie, estiment que la tendance humaine à trop souvent s’appuyer sur l’heuristique ou l’intuition (une pensée automatique et rapide) peut conduire à cette forme d’arrogance intellectuelle. Bien sûr, parfois, se baser sur son intuition peut être utile, et permettre de faire des prédictions justes (par exemple, dans le sport de haut niveau) : l’arrogance intellectuelle se développerait quand l’intuition d’une personne n’est pas suffisante, et que cette même personne n’est pas en capacité de comprendre la nécessité de prendre du recul, et de considérer des éléments de réflexion factuels plutôt qu’égocentriques.

L’humilité intellectuelle

Selon Mark Leary, professeur de psychologie et de neurosciences à l’Université Duke (Caroline du Nord), l’humilité intellectuelle c’est « reconnaître que les choses auxquelles on croit peuvent en fait être fausses ». C’est donc une méthode de réflexion qui prend en compte la possibilité que l’on peut avoir tort. Néanmoins , rechercher l’humilité intellectuelle ne signifie pas abandonner toute certitude et s’écraser mais choisir ses convictions avec soin, rechercher leurs défauts et accepter de les réajuster en permanence, en particulier de nos jours où les choses changent avec une rapidité déconcertante.

Tout change : « Le monde est une branloire pérenne. » Donc on ne peut guère connaître. -Montaigne-

Un bon exemple d’humilité intellectuelle est celui incarné par la méthode scientifique : lorsque un scientifique rigoureux fait une expérience, il travaille notamment contre sa propre hypothèse, tout en essayant d’éliminer toute autre explication alternative, avant de donner sa conclusion.

« Nulles propositions m’étonnent, nulle créance me blesse, quelque contrariété qu’elle ait à la mienne, écrivait le philosophe Montaigne (1533-1592). Les contradictions des jugements ne m’offensent ni m’altèrent ; elles m’éveillent seulement et m’exercent » 

Hors du cadre scientifique, les personnes qui obtiennent des résultats plus élevés aux questionnaires d’humilité intellectuelle sont plus disposées à entendre des points de vue opposés, philosopher et recherchent plus facilement des informations en conflit avec leur vision du monde. Ces personnes accordent aussi davantage d’attention aux preuves qu’aux simples rumeurs.

La modestie intellectuelle, un trait bénéfique dans la vie politique et sociale, l’arrogance fréquente de certains face aux positions qu’ils défendent va nuire aux relations interpersonnelles où l’absence d’écoute des autres est un obstacle à un bon leadership et à une prise de décision intelligente.

Penser contre soi-même reste le plus solide rempart contre les incendies de l’esprit.

En conclusion, l’humilité intellectuelle est une vertu qui valorise « la vérité » sans pour autant stigmatiser l’erreur, à condition qu’on soit capable de la reconnaître.

Elizabeth Krumrei-Mancuso et Steven Rouse, professeurs de psychologie à l’Université Pepperdine ( Malibu, Californie), l’ont conceptualisée en 4 aspects :

  1. L’indépendance entre notre intellect et notre ego,
  2. L’ouverture à revoir notre point de vue,
  3. Le respect pour le point de vue des autres,
  4. L’absence d’excès de confiance intellectuelle.

Comme évoqué plus tôt, l’humilité intellectuelle réside davantage en une capacité à apprendre, désaprendre et repenser et non à s’écraser. De nouvelles recherches ont en effet largement démontré les bénéfices d’adopter une telle posture pour acquérir de nouvelles connaissances. Par ailleurs, elle détermine la façon dont nous interagissons avec notre environnement, les valeurs d’autrui et permettent un dialogue plus constructif sur des sujets complexes tels que la politique ou encore de la religion.

Sylvain Gammacurta, hypnose.

Sources :

http://espritcritique.info/?p=370

https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts

Sabastien Bohler : Où est le sens ? Robert Laffont

C. G. Jung L’homme et les symboles

Albert Camus, le mythe de Sisyphe

Joseph Macé-Scaron »Montaigne, notre nouveau philosophe » (Plon, 2002)

“Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie”, V.Frankl

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